Son devoir n’est pas de persuader aux juges que ce qu’il dit est bon et utile ; mais de les convaincre que ce qu’il avance est juste et vrai. […] Ici l’orateur a affaire à un petit nombre de juges, qui sont en général des hommes vénérables et par la gravité de l’âge, et par la dignité du caractère et des fonctions. […] C’était à l’orateur à en faire ensuite l’application, à la développer sous les formes les plus éloquentes, et les plus capables de faire sur les juges l’impression désirable. […] Dans le fameux aréopage d’Athènes, le nombre des juges n’était jamais au-dessous de cinquante. Socrate, jugé par une cour dont l’histoire ne nous a pas appris le nom, eut contre lui deux cent quatre-vingts juges : dans la cause de Milon, Cicéron parlait à cinquante-un juges ; et le succès de ces causes ne dépendait point en général de quelques juges versés dans la connaissance des lois, mais d’une assemblée de citoyens romains.
J’en juge par ce que j’éprouve moi-même. […] que pensez-vous que puissent faire ces juges ? […] Juges, que pensez-vous de cette femme ? […] Je n’en ferai rien, ô juges. […] Non, juges, ce n’est point là le lieu de son exil.
— De peur de me répéter, je le renverrais à mon introduction et aux conseils de mon vieux juge. […] Mais un avocat, qui s’adresse à des juges méfiants et souvent prévenus, a besoin de plus d’artifice. […] Les juges fondent en larmes : l’orateur, profondément ému, est forcé de s’interrompre, l’accusé est sauvé. […] L’affaire était mauvaise et perdue d’avance dans l’esprit des juges et dans l’opinion publique. […] Les juges de rire et l’orateur de se fâcher tout rouge.
Bientôt ce même homme, timide, presque découragé au commencement de son discours, va se sentir assez de courage pour en communiquer aux juges eux-mêmes, et dissiper les craintes que la plupart d’entre eux partageaient vraisemblablement avec lui. […] L’objet de la péroraison est, comme l’on sait, d’exciter la pitié des juges en faveur de l’accusé, qui, pour seconder de son côté les efforts de son défenseur, paraissait en habits de deuil à la séance, et dans l’extérieur le plus suppliant. […] cette sécurité même, si semblable à l’orgueil, et si capable, par conséquent, d’indisposer le tribunal, est précisément le motif dont Cicéron va se servir pour émouvoir la pitié des juges. […] Auprès de quels juges ? […] Croyez que celui qui a choisi pour juges les hommes les plus justes et les plus fermes, s’est engagé d’avance plus particulièrement que personne, à approuver ce que vous auront dicté la justice, la patrie et la vertu ».
Pour peu qu’il les dénature, ou qu’il les place sous un faux jour, la supercherie ne tarde pas à être découverte ; et les juges en concluent, ainsi que les auditeurs, qu’il a manqué ou d’intelligence pour les sentir, ou de courage pour les admettre, ou de force enfin pour y répondre. […] Son but unique est de persuader : et comment se flatter d’y parvenir, si le juge qui va l’entendre n’est prévenu d’avance en sa faveur ; s’il a le doute le plus léger sur sa probité, sur sa candeur, sur sa bonne foi ? […] Sa réputation d’intégrité ajoutera nécessairement du poids à ses raisons ; tandis que l’homme décrié dans l’esprit des juges et dans l’opinion du public, est toujours pour la cause un préjugé très fâcheux. […] Que l’avocat se constitue donc le juge de la cause, avant d’en entreprendre la défense ; qu’il s’érige, dans son cabinet, comme un tribunal domestique, où il pèse, où il examine avec soin, et sans prévention, les raisons de ses parties, et où il prononce sévèrement contre elles, si la force de la vérité l’y contraint.
Il est alors si important d’être entendu, que la prononciation même doit être soignée de manière à ne rien faire perdre à l’oreille du juge. […] Le juge est tellement attentif, tellement sur ses gardes pendant cette partie du discours, que le moindre doute sur la sincérité de l’orateur entraînerait infailliblement la perte de sa cause. […] Elle est loin d’avoir au barreau la même importance : ici, c’est la loi qui prononce ; c’est donc bien moins la volonté du juge, que son opinion qu’il s’agit de déterminer. Comme cependant ce juge est un homme, il ne sera jamais inutile de l’intéresser en faveur de l’innocence et de la faiblesse, de la justice et de la vérité. Ce que la nature a mis de sensibilité dans le cœur du juge, est le commentaire heureux du texte impassible de la loi.
C’est d’instinct qu’il juge l’éloquence. […] Mais l’illusion même que votre piquant théâtre a pu faire à de tels juges est encore un éloge ; et cette illusion serait impossible, s’il n’y avait pas quelque chose de bien spirituel et de bien vivace dans ces scènes légères que l’on joue, et que même on commente chez l’étranger. […] M. de Sacy juge ainsi M. […] Que de gens se permettent de régenter, et devraient être récusés comme des juges incompétents ! […] Aimer le talent est le premier devoir de celui qui juge les livres.
Un frère plaidant pour son frère contre un homme détesté, devant des juges encore pleins du souvenir récent de l’odieuse tyrannie ! […] Il se tourne vers ce Capitole qu’il a défendu ; il prend Jupiter à témoin de l’injustice qu’on lui fait ; il jette un tel trouble dans les âmes que les patriciens sont obligés, pour obtenir la sentence de condamnation, de transporter ailleurs le tribunal, et de dérober aux juges la vue du temple qui leur rappelle la gloire de l’accusé. […] tu oses regarder ces juges, te montrer ici au forum, dans la ville, aux yeux de tes concitoyens ! […] L’orateur se complaît dans les développements, s’étale dans les lieux communs, multiplie les invectives, abonde en péroraisons pathétiques, comme s’il avait des juges à passionner et non des citoyens à convaincre. […] A-t-il à défendre des clients suspects ou condamnés d’avance, comme Rabirius Posthumus et Ligarius, ou bien il fait semblant de leur donner tort, jusqu’à ce qu’il ait retourné l’esprit des juges en leur faveur par cette apparente sincérité ; ou bien il reconnaît leur faute, et se sert de cet aveu comme d’une arme contre l’accusateur.
Mais vous, juges, quels seront vos sentiments ? […] c’est par le secours de ces juges, ô Milon ! […] Quel si grand crime ai-je donc commis, juges ? […] juges, êtes-vous les seuls à ignorer ce qui se passe ? […] Voir page 40 [= p. 41, § Style élevé, péroraison de la Milonienne : « Pour moi, juges, mon cœur se déchire… »].
M. de Sacy juge ainsi M. […] Ce qu’il prescrit il le fait, et si quelque chose pouvait nous rappeler au respect des lois du beau, à l’amour et à l’étude des modèles, ce serait cette critique qui semble se monter au ton des grands écrivains qu’elle juge, et prendre les formes de leur talent pour en mieux faire sentir le charme. […] Que de gens se permettent de régenter, et devraient être récusés comme des juges incompétents ! […] Aimer le talent est le premier devoir de celui qui juge les livres.
L’orateur ne cherche pas à persuader aux juges ce qui est bon et utile ; il veut les convaincre de ce qui est juste et vrai. […] Celui qui représente l’objet dont on juge, on le nomme le sujet. 2°. Celui qui exprime ce que l’on en juge ; on le nomme l’attribut. […] On la demande à des juges que la loi voudrait impassibles, et que la nature a faits irritables. […] L’accusateur et l’accusé soulèvent l’un contre l’autre l’indignation ou la commisération des juges.
Le premier de ces discours, intitulé l’Apologie, contient la défense de Socrate, et fut prononcé par lui-même devant ses juges. […] Après avoir réfuté complètement les accusations absurdes intentées contre lui, en avoir clairement démontré l’origine et les motifs, Socrate s’adresse à ses juges : « Souvenez-vous de votre serment, et prononcez selon ce qui conviendra le plus à votre intérêt et au mien ». Les juges vont aux voix, l’arrêt se prononce, l’injustice triomphe, et le sage est condamné. […] Après quelques mots d’étonnement sur le nombre de suffrages en sa faveur, et sur lesquels il était loin de compter ; après une courte récapitulation de sa vie privée et publique, il adresse à ses juges ces paroles remarquables, où respire cette belle et noble simplicité de la belle éloquence : « Athéniens !
; la conclusion, S’il y a en moi, juges, quelque talent… c’est à Licinius, etc. […] Maison de notre propre juge. […] Mais aujourd’hui cette pratique semblerait plus digne du théâtre que de la gravité des juges. […] Les anciens rhéteurs voulaient enfin que, selon les circonstances, l’orateur intéressât les juges par des motifs tirés de la personne de l’orateur et des juges eux-mêmes. […] Devant quels juges ?
Pour moi, je viens ici, n’ayant de confiance que dans les dieux, dans mes juges et dans nos lois, convaincu d’avance qu’auprès de vous la cabale et l’intrigue ne prévalent pas sur les lois et la justice ». […] Qu’aucun de vous n’ignore donc, qu’il se convainque avant tout, que lorsqu’il monte au tribunal pour juger un infracteur de la loi, il va prononcer sur sa propre liberté : aussi le législateur a-t-il placé ces mots à la tête du serment des juges : Je jugerai suivant la loi, etc. […] Si dans la crainte, en effet, d’indisposer ceux qui m’écoutent, je ne parle pas de ce que j’ai fait, c’est avouer à la fois et que je n’ai rien à opposer aux inculpations, et que je me juge moi-même indigne du prix dont on veut m’honorer. […] Cet exorde est un chef-d’œuvre d’adresse pour se concilier la faveur des juges, pour les engager à laisser parler Démosthène dans une cause qui lui est si personnelle, à entendre ses raisons, comme ils ont écouté celles de l’accusateur. […] Pour vous, qui êtes nos juges, éclairés et par les raisons que l’orateur a exposées, et par d’autres qui lui sont échappées, ne prononcez rien qui ne soit conforme à la justice et aux intérêts de la république ».
Chez les anciens, les juges étaient ordinairement nombreux, les lois simples et peu multipliées ; la décision des causes était en grande partie abandonnée à l’équité et à la conscience des juges. […] Les décisions étaient, à bien des égards, confiées à l’équité et au bon sens des juges. […] Le fameux aréopage d’Athènes était composé de cinquante juges au moins. […] Ce n’est pas son affaire d’amuser l’auditoire, mais de convaincre le juge. […] Si la narration est invraisemblable, le juge n’y fera pas attention.
Elle leur défend encore plus fortement que les lois civiles de se faire justice à eux-mêmes : et c’est par son esprit que les rois chrétiens ne se la font pas dans les crimes de lèse-majesté même au premier chef, et qu’ils remettent les criminels entre les mains des juges pour les faire punir selon les lois et dans les formes de la justice. […] Est-ce par grimace et par feinte que les juges chrétiens ont établi ce règlement ; et ne l’ont-ils pas fait pour proportionner les lois civiles à celles de l’Évangile, de peur que la pratique extérieure de la justice ne fût contraire aux sentiments intérieurs que des chrétiens doivent avoir ? […] Non : la vie des hommes est trop importante, on y agit avec plus de respect ; les lois ne l’ont pas soumise à toutes sortes de personnes, mais seulement aux juges dont on a examiné la probité et la naissance. […] Comparer Fontenelle, Digression sur les anciens et les modernes. — Ici Pascal juge en dernier ressort ce débat qui se renouvelle de siècle en siècle. […] Pascal ne juge ici que l’apparence ; car c’est la terre qui tourne autour du soleil.
J’en indiquerai avec les rhéteurs cinq sources différentes : l’orateur le tire ou de lui-même et de son client, ou des adversaires, ou des juges, ou de la cause, ou enfin de quelque circonstance extérieure qu’il rattache à la cause. […] Nous n’avons pas non plus à imiter les anciens dans leur conduite à l’égard des juges. […] Invoquer aujourd’hui la justice ou la pitié des juges, c’est presque leur faire injure. […] Si l’on songe aux éléments dont parfois il se compose, on ne trouvera pas inopportun en bien des occasions de rappeler aux jurés leur haute mission, de stimuler soit leur sensibilité, car ils sont hommes, soit leur sévérité, car ils sont juges. […] Elle n’a pas seulement pour effet de rendre les choses plus claires en les tirant de la foule, et en les mettant en présence du juge ; elle délasse encore son attention au moyen des limites qu’elle assigne à chaque partie à peu près comme ces pierres qui servant à masquer nos lieues encouragent le voyageur fatigué.
Mais combien imposante doit être la voix qui se fait entendre aux hommes, entre la tombe des rois et l’autel du Dieu qui les juge ! […] L’éloquence judiciaire doit être principalement forte de preuves, pressante de raisonnements, adroite et déliée dans les discussions, impétueuse et passionnée dans les mouvements, et puissante à émouvoir les affections dans le cœur des juges. […] En étudiant un peu l’art de plaider, nous saurons mieux ce qu’il convient de dire, ce qu’il faut taire, pour intéresser en notre faveur les juges officieux qui prendront part nos débats. […] Les juges de l’aréopage se défiaient du geste, et pour en éviter la séduction, ils avaient pris le parti d’écouter les orateurs dans les ténèbres. […] Le juge prétendait qu’à tort et à travers On ne saurait manquer, condamnant un pervers.
Point de détours, point de finesse, point d’art pour incliner les juges par des motifs étrangers à la cause : point d’ornements non plus qui ne tendent qu’à plaire. […] Le Rapport d’un procès est un discours fait par un des juges, pour instruire ses confrères d’une affaire qu’il a été chargé d’examiner. […] Le rapporteur doit surtout ne pas oublier qu’il parle, non comme avocat, mais comme juge ; que par conséquent il doit être sans passions et qu’il ne lui est nullement permis d’exciter celle des autres. […] Il pensait fortement, et s’exprimait de même : on en juge par un de ses discours, que Thucydide nous a conservé. […] Quand on lit les plaidoyers de Cochin, on juge aussitôt que, si cet avocat incomparable peut jamais être égalé, il ne sera point surpassé : il est parfait dans son art.
« Il défend, dit d’Aguesseau, un de ces fiers républicains qui avaient porté les armes contre César, et a César même pour juge. […] Mais Cicéron connaît la passion dominante de ce juge ; c’en est assez pour le vaincre. […] Le rapport d’un procès est un discours fait par un des juges, pour instruire ses collègues d’une affaire qu’il a été chargé d’examiner. […] Le rapporteur doit surtout ne pas oublier qu’il parle non comme avocat, mais comme juge ; que, par conséquent, il est sans passions, et qu’il ne lui est nullement permis d’exciter celles des autres. […] Il ne doit attendre sa destinée, la seule qui l’intéresse, la destinée de son nom, que du temps, ce juge incorruptible qui fait justice à tous.