/ 198
32. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Chateaubriand, 1768-1848 » pp. 409-427

Qui dira le sentiment qu’on éprouve en entrant dans ces forêts aussi vieilles que le monde, et qui seules donnent une idée de la création telle qu’elle sortit de la main de Dieu ? […] Vous vous croiriez transporté au temps des vieux Sabins, ou au siècle de l’Arcadien Évandre, alors que le Tibre s’appelait Albula, et que le pieux Énée remonta ses ondes inconnues. […] Le vieux fleuve s’en empare, et les pousse à son embouchure pour y former une nouvelle branche. […] Vrai nom du Mississipi ou Meschassipi, Vieux Père des Eaux.

33. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre VI. des mœurs  » pp. 75-88

Dans cette innombrable multitude de types gracieux, terribles, délirants, résignés, célestes et infernaux, quel écrivain nous montre la femme tout entière, comme Homère, par exemple, a montré l’homme tout entier, jeune dans Achille, mûr dans Ulysse, vieux dans Nestor, fils dans Télémaque, père dans Priam ? […] Et c’est parce que l’esprit de leur nation se résumait en eux, élevé, pour ainsi dire, à sa plus haute puissance, que l’un développait le sujet donné par les intérêts matériels et le souvenir de la vieille Angleterre, l’autre par l’amour-propre et l’honneur, le dernier par la religion et l’invocation à saint Nicolas. […] N’oublions pas, comme je l’ai dit ailleurs15, qu’au fond de toutes les spécialités locales ou temporaires repose toujours l’humanité identique et universelle ; qu’avant d’être l’homme de telle période et de telle latitude, on est l’homme ; qu’exprimer ces caractères génériques, ces passions, ces mœurs, aussi vieilles que le monde, ces vérités non moins anciennes, qui forment le fond commun de l’humanité, est la condition essentielle de tout écrit digne d’être lu ; que plus un écrivain conserve de points de contact avec l’humanité en général, plus il obéit à sa nature ; que plus il pénètre avec profondeur et sagacité dans le domaine de tous, plus il est fidèle à sa mission.

/ 198