« Que le prince de Condé, s’écrie-t-il, eût volontiers sauvé la vie au brave comte de Fontaines ! […] Selon lui, le beau n’a qu’un type, le laid en a mille ; selon lui, le monde réel comme le monde idéal, le christianisme comme la création, allient à tout coup Dieu et Satan, Homère et Rabelais, la belle et la bête ; selon lui enfin, comme tout ce qui est dans la nature est dans l’art, et que le sublime et le grotesque se croisent sans cesse dans la vie, ils doivent se croiser de même dans la littérature39. […] Victor Hugo, et de quelque poids que soit un si grand nom dans la balance, nous persistons à croire que l’art n’est point la reproduction fidèle et illimitée de la nature tout entière, mais la représentation savante et soumise à certaines lois d’une nature choisie ; que si les choses existent ainsi confondues dans la vie réelle, quand elles s’offrent à nous, nous les séparons instinctivement, comme nous bannirions un nain ou un mendiant qui viendraient étaler leurs plaies et leurs difformités dans la salle du festin et au milieu des chœurs de danse. […] Si vous l’aimez, si vous le réclamez dans l’art, soyez du moins conséquents, et reprenez-le dans la vie réelle ; s’il vous faut toujours Quasimodo pour faire ressortir Esmeralda, rétablissez la cour des Miracles au cœur de Paris, et donnez à vos officiers des gardes des hauts-de-chausse mi-partis rouge et bleu. […] Tout ce que vous trouverez en vous alors de nouveau, sera peut-être un compte un peu plus grand que celui que vous auriez aujourd’hui à rendre ; et sur ce que vous seriez, si l’on venait vous juger dans ce moment, vous pouvez presque décider de ce qui vous arrivera au sortir de la vie.
Dans l’Oraison funèbre du prince de Condé la narration comprend tout le récit de la vie du prince. […] Qu’il eût encore volontiers sauvé la vie au brave comte de Fontaines ! […] Enfin de tous les Grecs satisfaites l’envie ; Assurez leur vengeance, assurez votre vie ; Perdez un ennemi d’autant plus dangereux Qu’il s’essaîra sur vous à combattre contre eux. […] Pleurez donc sur ces faibles restes de la vie humaine, pleurez sur cette triste immortalité que nous donnons aux héros ; mais approchez en particulier, vous qui courez avec tant d’ardeur dans la carrière de la gloire, âmes guerrières et intrépides ! […] Au lieu de déplorer la mort des autres, grand Prince, dorénavant, je veux apprendre de vous à rendre la mienne sainte : heureux averti par ces cheveux blancs du compte que je dois rendre de mon administration, je réserve au troupeau que je dois nourrir de la parole de vie, les restes d’une voix qui tombe, et d’une ardeur qui s’éteint !