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72. (1883) Poétique et Rhétorique (trad. Ruelle)

Voici les parties de toute élocution : l’élément97, la syllabe, la conjonction, le nom, le verbe, l’article, le cas, le discours98. […] Le verbe est un son composé significatif, comportant une idée de temps et dont aucune partie n’est significative par elle-même, de même que dans les noms. […] Le cas est ce qui, dans un nom ou dans un verbe, marque tantôt le rapport de possession ou de destination, ou tout autre analogue, tantôt celui d’unité ou de pluralité, par exemple, homme ou hommes : ou le rapport de rôle joué, comme, par exemple, s’il s’agit d’une question ou d’une injonction. […] ou celle-ci : marche, voilà des cas de verbe qui rentrent dans ces variétés. […] Le discours est un son composé significatif dont quelques parties ont une signification par elles-mêmes ; car toute proposition ne se compose pas de noms et de verbes, comme, par exemple, la définition de l’homme ; mais une proposition peut exister sans qu’il y ait de verbe, et pourtant elle contiendra toujours une partie significative, comme, par exemple, Cléon, dans la proposition : « Cléon marche. » XIV.

73. (1881) Morceaux choisis des classiques français des xvie , xviie , xviiie et xixe siècles, à l’usage des classes de troisième, seconde et rhétorique. Prosateurs

Les éminents érudits du xvie  siècle, précurseurs et modèles de ceux des xviie et xviiie  siècles, véritables bénédictins laïques, — ou fouillent en tous sens et éclaircissent les antiquités grecque et latine, comme Budé, qui conseilla à François Ier la fondation du collège de France, Budé « le prodige de France », dit Érasme ; Dolet, le « Cicéronien » ; Joseph Scaliger, né à Agen, du Jules César de Padoue ; le consciencieux Lambin dont le nom a donné un verbe à notre langue ; Robert Estienne, le latiniste, savant imprimeur, dont toute la maison parlait latin ; son fils Henri Estienne, l’helléniste, qui se fit une belle place entre les meilleurs écrivains français ; Casaubon, gendre de Henri Estienne ; — ou scrutent les antiquités nationales, comme l’historiographe Claude Fauchet (1536-1601), dans ses Antiquités gauloises et françoises et son Origine de la langue et de la poésie françoises et le jurisconsulte Pasquier (15291612), poète latin et français à ses heures, et auteur des Recherches de la France. […] III. verbes Il suffira de signaler : 1° La terminaison orthographique de l’indicatif présent : je dy (je dis), je doy (je dois), je sen (je sens), je pren (je prends) ; — du prétérit : je veys (je vis) ; — de l’imparfait de l’indicatif qui est souvent en oie, oy, oys ; — du futur : oy ; — de l’indicatif présent du verbe être : je suy, ou sui, ou suys ; 2° Certains verbes qui, ou aujourd’hui neutres, sont actifs : jouir une chose, lutter un homme ; — ou, aujourd’hui actifs, sont neutres : favoriser à quelqu’un ; — ou, aujourd’hui pronominaux, ne le sont pas : écrier ; 3° L’accord du participe présent ; 4° La pluralité du verbe après un sujet collectif : une foule vinrent ; 5° La substitution du verbe faire à un verbe dont il évite la répétition. […] Bossuet : Il fallait cacher la pénitence avec le même soin qu’on eût fait (caché) les crimes (Or. fun. de la Reine d’Angleterre) ; 6° L’emploi logique de fût que (où nous mettons soit que) quand le verbe principal est au passé ; 7° L’emploi, imité du latin, de l’imparfait du subjonctif dans le sens du conditionnel passé ou de : Plût à Dieu que (voy. […] — Du verbe dire devant que suivi d’une proposition, quand l’idée de dire est comprise implicitement dans ce qui précède (ellipse très fréquente en latin devant la proposition infinitive). — Voyez dans Brantôme (Chancelier de l’Hospital, infra) un double et curieux exemple. […] IX. inversions Peuvent se placer : L’adjectif possessif après le substantif (un livre mien) ; L’adverbe avant le verbe (plus est blâmable celui qui…) ; Le complément du substantif avant le substantif (du monde la dixième partie) ; Le complément direct ou indirect du verbe avant le verbe (Dieu les hommes a sauvé ; courir je veux ; prenez votre livre et me laissez le mien ; pour ce faire) ; Le verbe avant son sujet (dirent alors les soldats que…) ; Le verbe avant la proposition relative qui détermine son sujet (celui ment qui dit…) ; Le pronom régime d’un second verbe avant le verbe qui précède immédiatement celui-ci (je le veux croire, il se peut faire) ; usage constant encore au xviie  siècle.

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