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39. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre V. Ouvrages historiques. »

L’histoire embrasse toutes les actions des hommes célèbres, tous les événements dont l’univers a été le théâtre ; et, en ce sens, son domaine est illimité. […] Assurément, de tous les événements dont l’univers a été le théâtre, il n’en est aucun qui soit aussi frappant, aussi digne de notre attention, aussi grand, aussi utile aux hommes, que l’établissement et la perpétuité du christianisme ; mais comme l’écrivain y est abandonné à lui-même, qu’il n’a de ressources que dans ses connaissances et ses talents pour distinguer le vrai et le faire connaître aux autres, il faut qu’il soit profondément instruit des mystères, de la morale de la religion et du droit canonique ; qu’il fasse connaître le véritable esprit des lois, des règles, des décisions, des usages, des privilèges de l’Église ; ses oracles, ses dogmes, sa foi, son autorité, l’étendue et les bornes de sa juridiction. […] Les spectateurs furent bien plus sévères, et l’auteur fut étonné lui-même de n’avoir pas prévu que ces hommes qui devaient, en public, s’agrandir et se rapetisser aux yeux de l’esprit, en conservant pour les yeux du corps leur taille ordinaire, exigeaient un genre d’illusion trop forcée pour le théâtre. […] Éclairé par l’expérience, à la vérité un peu tard, M. de Marivaux eut du moins le mérite de se condamner de bonne grâce. « J’ai eu tort, dit-il, de donner cette pièce au théâtre, et le public en a fait justice ; ces petits hommes n’ont point pris et ne devaient pas prendre.

40. (1845) Les auteurs latins expliqués... Horace. Art poétique pp. -72

Est-ce un sujet encore vierge que vous risquez au théâtre, un personnage nouveau que vous inventez : qu’il se soutienne jusqu’à la fin, tel qu’il s’est annoncé d’abord, sans jamais se démentir. […] Que Médée ne vienne pas égorger ses enfants sous les yeux du peuple ; ni l’horrible Atrée faire bouillir, en plein théâtre, des entrailles humaines. […] Alors elle suffisait à remplir de ses sons un théâtre que n’encombrait pas encore une foule immense, et où se réunissait un peuple facile à compter ; car il était peu nombreux : peuple frugal, vertueux et austère. […] Quel espoir, en effet, d’intéresser autrement le paysan grossier, qui, son labeur terminé, accourait au théâtre, et là, spectateur ignorant et rustique, coudoyait le citadin poli et délicat ? […] La scène représentait toujours une place publique, ou un endroit frequenté ; par conséquent, ce qui se faisait intus, c’est-à-dire dans l’intérieur d’une maison, ne pouvait se voir sur le théâtre.

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