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53. (1912) Morceaux choisis des auteurs français XVIe, XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles

(Discours admirables : de l’art de terre, de son utilité, des émaux et du feu.) […] Ils ne pouvaient se résoudre à chanter leurs agréables cantiques, qui étaient les cantiques du Seigneur, dans une terre étrangère. […] Combien d’ouvrages admirables sur la terre que nous habitons, sur ce point imperceptible à ceux qui ne mesurent que les corps célestes ! Mais cette terre, que messieurs les astronomes comptent pour rien, est encore trop vaste pour moi. […] Enfin il se convainquit que les terres étaient le seul bien solide, et il se mit à travailler à un nouveau système.

54. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Chefs-d’œuvre de poésie. — A. Chénier. (1762-1794.) » pp. 304-312

Trois pasteurs, enfant de cette terre, Le suivaient, accourus aux abois turbulents Des molosses, gardiens de leurs troupeaux bêlants ; Ils avaient, retenant leur fureur indiscrète, Protégé du vieillard la faiblesse inquiète ; Ils l’écoutaient de loin, et s’approchant de lui : « Quel est ce vieillard blanc, aveugle et sans appui ? […] J’ai vu Corinthe, Argos, et Crète et les cent villes, Et du fleuve Egyptus les rivages fertiles ; Mais la terre et la mer, et l’âge et les malheurs, Ont épuisé ce corps fatigué de douleurs ; La voix me reste. […] Commençons par les dieux : Souverain Jupiter ; Soleil, qui vois, entends, connais tout ; et toi, mer, Fleuves, terre, et noirs dieux de vengeances trop lentes, Salut ! […] Il les entend, près de son jeune guide, L’un sur l’autre pressés, tendre une oreille avide ; Et Nymphes et Sylvains sortaient pour l’admirer, Et l’écoutaient en foule, et n’osaient respirer ; Car, en de longs détours de chansons vagabondes, Il enchaînait de tout les semences fécondes, Les principes du feu, les eaux, la terre et l’air, Les fleuves descendus du sein de Jupiter, Les oracles, les arts, les cités fraternelles, Et depuis le chaos les amours immortelles5. […] ô belle contrée, ô terre généreuse, Que les dieux complaisants formaient pour être heureuse, Tu ne sens point du nord les glaçantes horreurs ; Le midi de ses feux t’épargne les fureurs ; Tes arbres innocents n’ont point d’ombres mortelles ; Ni des poisons épars dans tes herbes nouvelles Ne trompent une main crédule2 ; ni tes bois Des tigres frémissants ne redoutent la voix ; Ni les vastes serpents ne traînent sur tes plantes.

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