Le peuple, paisible dans ses foyers au milieu des siens, et dans le sein d’une grande ville où il n’a rien à craindre ni pour ses biens ni pour sa vie, respire le feu et le sang, s’occupe de guerres, de ruines, d’embrasements et de massacres ; souffre impatiemment que des armées qui tiennent la campagne ne viennent point à se rencontrer ; ou, si elles sont une fois en présence, qu’elles ne combattent point ; ou, si elles se mêlent, que le combat ne soit pas sanglant, et qu’il y ait moins de dix mille hommes sur la place1. […] La mort n’arrive qu’une fois, et se fait sentir à tous les moments de la vie ; il est plus dur de l’appréhender que de la souffrir. […] Il n’y a pour l’homme que trois événements : naître, vivre et mourir : il ne se sent pas naître, il souffre à mourir, et il oublie de vivre.
Mais comment rendre ce qu’un autre a éprouvé, à moins de l’éprouver soi-même, à moins de s’identifier avec celui qui souffre et se plaint, afin de souffrir et de se plaindre comme lui ? […] La terre où vous mourrez verra finir ma vie ; Ruth dans votre tombeau veut être ensevelie : Jusque-là vous servir fera mes plus doux soins ; Nous souffrirons ensemble et nous souffrirons moins.