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52. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XXVI. des figures. — figures par mutation et inversion  » pp. 370-387

Enfin la suspension consiste à disposer la phrase sans l’interrompre, de telle sorte que le lecteur, en la commençant, n’en prévoi pas la fin, et à reculer assez le dernier mot pour que l’attention soit soutenue ou la curiosité piquée. […] « C’est d’elle seule, dit avec raison l’Encyclopédie, que les autres constructions empruntent la propriété qu’elles ont de signifier, au point que si la construction nécessaire ne pouvait pas se retrouver dans les autres sortes d’énonciations, celles-ci n’exciteraient aucun sens dans l’esprit, ou n’y exciteraient pas celui qu’on voudrait y faire naître. » La langue française, la plus claire des langues analytiques, suit en général cet ordre naturel, dont elle s’écarterait cependant bien plus souvent, si elle avait moyen d’y suppléer par des terminaisons variées. […] Enfin dans toutes les langues analytiques, en anglais, en italien, en espagnol, comme en français, le génie de la langue, le point de vue où l’on se place pour apprécier les relations logiques entre les mots, la liaison des idées surtout, loi souveraine de toute construction, justifient, exigent même, en certains cas, ces sortes de contraventions à la construction naturelle, mais on peut toujours, me semble-t-il, les expliquer facilement d’après ce que j’ai dit, et elles ne détruisent pas le principe. […] En voici un dans son admirable lettre sur la mort de Turenne : « Chacun conte l’innocence de ses mœurs, la pureté de ses intentions, son humilité éloignée de toutes sortes d’affectations, la solide gloire dont il était plein, sans faste et sans ostentation, aimant la vertu pour elle-même, sans se soucier de l’approbation des hommes, une charité généreuse et chrétienne. » L’énallage est une figure de syntaxe.

53. (1876) Traité de versification latine, à l'usage des classes supérieures (3e éd.) « PREMIÈRE PARTIE. DE L'ÉLÉGANCE LATINE. — CHAPITRE III. De la disposition des mots qui composent le discours. » pp. 78-143

Or, nous disons que ces cinq parties doivent se coordonner entre elles de telle sorte, que la plus importante, celle qui offre le plus d’intérêt, occupe le premier rang dans la phrase, et que les autres soient disposées selon le degré d’importance qu’elles renferment. […] Au contraire, l’homme écoute avec plaisir ce qui lui plaît ; et c’est ce plaisir qui l’amène à croire ce qu’on lui dit. » Il y a trois sortes d’harmonies dans le discours : l’harmonie des mots, l’harmonie des périodes, et l’harmonie imitative. […] Il importe donc, pour la clarté du discours, de soumettre ces sortes de phrases à une analyse rigoureuse, et d’apprendre aux jeunes élèves à distinguer les différentes espèces de propositions, et le rôle que chacune d’elles joue dans la phrase dont elle fait partie. […] Ainsi, quand le sujet amène à sa suite quelques circonstances de temps ou de lieu, quelques termes modificatifs, il faut avoir soin de placer ces derniers de telle sorte que l’objet principal puisse être bien aperçu, et se montrer dans tout son jour. […] Quand nous voulons décrire ces divers mouvements, il s’opère dans nous une sorte de mélodie, qui a de l’analogie avec la passion qui nous agite, et qui se manifeste dans notre langage de la même manière que les sentiments du musicien se reproduisent dans les morceaux de musique qu’il compose.

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