Rousseau, dans une pièce de vers intitulée Aveuglement des hommes, demande aux riches de la terre à quoi leur serviront leurs richesses, lorsque la mort viendra les frapper : Que deviendront alors, répondez, grands du monde, Que deviendront ces biens où votre espoir se fonde, Et dont vous étalez l’orgueilleuse moisson ? […] Le premier qui fut roi fui un soldat heureux ; Qui sert bien son pays n’a pas besoin d’aïeux. […] Mais il est un autre ordre d’idées qui n’ont de valeur que par la manière dont elles sont exprimées : ce sont des pensées ordinaires, mais qui doivent leur charme à l’expression, au choix des mots dont on se sert pour les représenter. […] L’espérance, toute trompeuse qu’elle est, sert au moins à nous mener à la fin de la vie par un chemin agréable. […] La Fontaine, dans la fable, le Chêne et le Roseau, lorsque le Roseau a fini de répondre au discours orgueilleux du Chêne, se sert d’une transition pour passer à l’arrivée de la tempête : Votre compassion, lui répondit l’arbuste, Part d’un bon naturel : mais quittez ce souci ; Les vents me sont moins qu’à vous redoutables : Je plie, et ne romps pas.
Si je sers tes besoins, c’est lui qui me l’ordonne : Les présents qu’il me fait, c’est à toi qu’il les donne… Mon suc, dans la racine à peine répandu, Du tronc qui le reçoit à la branche est rendu : La feuille le demande ; et la branche fidèle, Prodigue de son bien, le partage avec elle. De l’éclat de ses fruits justement enchanté, Ne méprise jamais ces plantes sans beauté : Troupe obscure et timide, humble et faible vulgaire, Si tu sais découvrir leur vertu salutaire, Elles pourront servir à prolonger tes jours. […] A me servir aussi cette voix empressée, Loin de moi, quand je veux, va porter ma pensée : Messagère de l’âme, interprète du cœur, De la société je lui dois la douceur. […] Si notre ambition ne sert qu’à nous confondre, Bornons-nous à la terre : elle est faite pour nous.