Or, il est impossible d’imaginer, et il serait en effet très malheureux que l’on imaginât un art qui n’attribuerait d’autre mérite à une composition que la richesse et le brillant des expressions, et croirait inutile d’examiner si les pensées n’en sont pas fausses ou frivoles. […] Les sentiments nobles et les grands exemples que nous rappellent souvent la poésie, l’éloquence et l’histoire, viennent naturellement nourrir dans notre âme l’amour de nos semblables, le désir de la gloire, le mépris des richesses, et l’admiration de tout ce qui est véritablement généreux et illustre. […] C’est dans ces objets que la beauté des couleurs déploie toute sa richesse ; aussi furent-ils toujours, et partout, le sujet favori des descriptions poétiques. […] Nous devons néanmoins prendre garde que l’étude trop assidue de la précision ne donne à notre style de la sécheresse et de la stérilité, et que nos efforts pour être concis ne nous engagent à ne pas profiter de la richesse d’un sujet, en le privant des ornements dont il est susceptible. […] Homère est semblable au Nil, qui couvre les terres lointaines de la richesse de ses ondes ; Virgile est comme une rivière qui promène entre ses bords une eau toujours égale.
Il cueillait le premier les roses du printemps, Le premier de l’automne amassait les présents ; Et lorsqu’autour de lui, déchaîné sur la terre, L’hiver impétueux brisait encor la pierre, D’un frein de glace encor enchaînait les roseaux, Lui déjà de l’acanthe émondait les rameaux, Et, du printemps tardif accusant la paresse, Prévenait les zéphyrs et hâtait sa richesse. […] Avant les Romains, les Grecs, dans les bons temps de leurs républiques, nourrissaient2 leurs enfants dans le mépris du faste et de la mollesse : ils leur apprenaient à n’estimer que la gloire ; à vouloir, non pas posséder les richesses, mais vaincre les rois qui les possédaient ; à croire qu’on ne peut se rendre heureux que par la vertu. […] Là croît enfin, richesse athénienne, Que ni l’Asie, en ses féconds jardins, Ni la grande île Dorienne14 N’ont jamais possédée, arbre aux rameaux divins, Qui naît libre, et fleurit dédaigneux de nos mains ; Terreur de la lance ennemie, Trésor de nos champs, l’olivier, Courbant sur nos berceaux, sur la vierge endormie, Son feuillage au gris pâle, ombrage nourricier ! […] Bientôt le Russe opulent s’empare des richesses qu’on lui présente et jette l’or, sans compter, à l’avide marchand. […] Depuis qu’elle se voit la maîtresse du inonde, Depuis que la richesse entre ses murs abonde, Et que son sein, fécond en glorieux exploits, Produit des citoyens plus puissants que des rois, Les grands, pour s’affermir achetant des suffrages, Tiennent pompeusement leurs maîtres à leurs gages, Qui, par des fers dorés se laissant enchaîner, Reçoivent d’eux les lois qu’ils pensent leur donner.