Mais vous, Seigneur, qui étiez et qui portiez tout en votre puissance, « vous n’avez fait qu’ouvrir votre main, et vous avez rempli de bénédictions3 » le ciel et la terre. […] Elle va descendre à ces sombres lieux, à ces demeures souterraines, pour y dormir dans la poussière avec les grands de la terre, comme parle Job, avec ces rois et ces princes anéantis, parmi lesquels à peine peut-on la placer, tant les rangs y sont pressés, tant la mort est prompte à remplir ces places ! […] Vous êtes né, Sire, avec un amour extrême pour la justice, avec une bonté et une douceur qui ne peuvent être assez estimées ; et c’est dans ces choses que Dieu a renfermé la plus grande partie de vos devoirs, selon que nous l’apprenons par cette parole de son Écriture : « La miséricorde et la justice gardent le roi ; et son trône est affermi par la bonté et par la clémence2. » Il faut donc considérer, Sire, que le trône que vous remplissez est à Dieu, que vous y tenez sa place, et que vous y devez régner selon ses lois3. […] Que vous servira d’avoir tant écrit dans ce livre, d’en avoir rempli toutes les pages de beaux caractères, puisque, enfin, une seule rature5 doit tout effacer ? […] « Le trône que vous remplissez est à Dieu », etc.
Boileau a dit : Qu’en un lieu, qu’en un jour, un seul fait accompli Tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli. […] Les autres répondent que l’amour fougueux, violent, jaloux et cruel, n’est que trop souvent le principe de ces dangers, de ces malheurs qui nous effrayent et nous attendrissent ; et qu’ainsi c’est une source d’émotions dont il est absurde de se priver ; que si les Grecs et les Romains n’y ont pas eu recours, c’est en grande partie parce qu’ils n’avaient pas de comédiennes, que c’étaient des hommes qui remplissaient les rôles de femmes, et que l’expression de l’amour eût été ridicule dans cette situation ; que ce n’est pas défigurer ni rabaisser les héros que de leur donner de l’amour, puisque l’histoire réelle ou poétique prouve qu’ils n’ont pas été exempts de cette passion ; qu’enfin la peinture de l’amour n’est pas dangereuse par elle-même ; qu’elle ne l’est que par l’excès de licence qu’on s’y donne ; et que l’abus qu’on en peut faire n’est pas un motif suffisant pour en interdire l’usage158. […] Ce sont les paroles mêmes de Voltaire dont je vais me servir : « Créer un sujet, inventer un nœud et un dénouement ; donner à chaque personnage son caractère et le soutenir ; faire en sorte qu’aucun d’eux ne paraisse et ne sorte sans une raison sentie de tous les spectateurs ; ne laisser jamais le théâtre vide ; faire dire à chacun ce qu’il doit dire, avec noblesse sans enflure, avec simplicité sans bassesse ; faire de beaux vers qui ne sentent point le poète et tels que le personnage aurait dû en faire s’il parlait en vers : c’est là une partie des devoirs que tout auteur d’une tragédie doit remplir. […] Ce fut lui qui nous marqua le but de l’art avec précision, qui montra par des préceptes, et plus encore par des exemples, quels objets il fallait choisir, comment on devait les présenter, comment on pouvait développer un sujet, le partager, en lier les parties, les combiner, les graduer, séparer les actes sans les isoler, amener et remplir les scènes, dessiner les caractères, peindre les mœurs dans les actions et dans les discours.