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62. (1850) Rhétorique appliquée ou recueil d’exercices littéraires. Préceptes « Deuxième partie. Préceptes des genres. — Chapitre troisième. Du discours. »

Récit de la bataille de Fribourg. […] C’est faire accorder admirablement le récit avec l’action. […] La curiosité, l’intérêt, l’amour de la patrie, l’admiration, la joie ont successivement occupé notre âme, et nous sommes arrivés à la fin du récit aussi éclairés et satisfaits que si l’action s’était passée sous nos yeux. […] Mais n’est-il pas vrai que dans le premier cas le narrateur doit joindre la pantomime au récit, et que dans le second les intonations, les inflexions de la voix contribuent à l’intelligence parfaite du langage d’un auteur ? […] C’est celui qui convient le mieux au récit.

63. (1875) Poétique

Mais elle en diffère par la forme, qui est le récit ; par le vers, qui est toujours le même ; et enfin par l’étendue : la tragédie tâche de se renfermer dans un tour de soleil, ou s’étend peu au-delà, et l’épopée n’a point de durée déterminée, quoique dans les commencements il en fût de même pour les tragédies. […] La tragédie est l’imitation d’une action grave, entière, étendue jusqu’à un certain point, par un discours revêtu de divers agréments, accompagné dans ses diverses parties de formes dramatiques, et non par un simple récit, qui, en excitant la terreur et la pitié, admet ce que ces sentiments ont de pénible. […] Quant aux imitations en récit et en vers hexamètres, il est évident que dans ce genre, comme dans la tragédie, les fables doivent être dressées dramatiquement et renfermer une action qui soit une et entière ; qui ait un commencement, un milieu, une fin ; en un mot, qui soit un tout complet, comme l’est un animal, et qui nous donne un plaisir d’une espèce particulière, sans ressembler aucunement aux compositions historiques, dans lesquelles on est obligé, non de se renfermer dans une action, mais seulement dans un temps, dont on raconte tous les événements arrivés, soit à un seul, soit à plusieurs, de quelque manière que ces événements soient entre eux. […] L’épopée, au contraire, étant en récit, peut peindre tout ce qui est d’un même moment, en quelque lieu qu’il soit, pourvu qu’il tienne au sujet : ce qui la met en état de se montrer avec magnificence, de transporter le lecteur d’un lieu à l’autre, et de varier ses épisodes d’une infinité de manières ; et par là de prévenir la satiété qui naît de l’uniformité, et fait tomber les tragédies. […] On verrait d’un côté les Grecs immobiles, et de l’autre Achille leur faisant signe de s’arrêter ; mais, dans un récit, cela ne s’aperçoit point.

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