Si je veux prouver à un jeune homme qu’il faut éviter le jeu, je lui dirai que la passion du jeu est irrésistible, qu’elle entraîne avec elle la ruine, le déshonneur, le crime même, et qu’elle peut conduire à l'échafaud : les moyens seront intrinsèques. […] Si un débiteur me conteste une créance, je me contenterai de prouver qu’elle est légitime, et mon compétiteur sera condamné à payer ; je n’aurai besoin ni des mœurs ni du pathétique.
« Plus de sévérité, dit Voltaire, rendrait souvent impraticables de très beaux sujets, et plus d’indulgence ouvrirait la porte à de trop grands abus. » De nos jours, on a voulu fouler aux pieds les règles des unités ; mais ce qui est certain, c’est qu’il n’y a pas une seule des pièces faites en dépit de ces règles qui ait eu un succès durable ; ce qui prouve qu’elles sont dans l’intérêt des auteurs comme dans celui de la beauté de l’œuvre. […] Les autres répondent que l’amour fougueux, violent, jaloux et cruel, n’est que trop souvent le principe de ces dangers, de ces malheurs qui nous effrayent et nous attendrissent ; et qu’ainsi c’est une source d’émotions dont il est absurde de se priver ; que si les Grecs et les Romains n’y ont pas eu recours, c’est en grande partie parce qu’ils n’avaient pas de comédiennes, que c’étaient des hommes qui remplissaient les rôles de femmes, et que l’expression de l’amour eût été ridicule dans cette situation ; que ce n’est pas défigurer ni rabaisser les héros que de leur donner de l’amour, puisque l’histoire réelle ou poétique prouve qu’ils n’ont pas été exempts de cette passion ; qu’enfin la peinture de l’amour n’est pas dangereuse par elle-même ; qu’elle ne l’est que par l’excès de licence qu’on s’y donne ; et que l’abus qu’on en peut faire n’est pas un motif suffisant pour en interdire l’usage158. […] Ses dispositions naturelles, son caractère observateur, son talent de style sont certainement pour beaucoup dans le succès qu’il a obtenu ; mais les mœurs françaises, nos habitudes de société, le ton de notre conversation, notre langue enfin y sont aussi pour quelque chose ; et ce qui le prouve, c’est cette suite de poètes comiques du plus grand talent, que nous avons eus depuis sa mort, et cette innombrable quantité de comédies qu’ils nous ont données et dans lesquelles on trouve toujours, jusque dans les plus faibles, plus ou moins des qualités qu’il a mises dans les siennes.