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88. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre IV. — Du Style. »

4° Dans les sujets qui appartiennent à l’imagination, où l’écrivain cherche à plaire, le style doit être gracieux, élégant, varié, brillant, fleuri, nombreux et pittoresque. […] Un chef-d’œuvre de style affecté et recherché est la lettre que Vincent Voiture se plut à écrire à M. le duc d’Enghien, après le passage du Rhin par l’armée française. […] Disons dès l’abord que ce genre de style, ainsi que les pensées qu’il dénature, ne saurait plaire aux esprits délicats, aux hommes de goût, qui recherchent en général tout ce qui peut laisser dans leur esprit, soit de belles expressions, soit de nobles sentiments qui les charment. […] Disant : « Cela vous plaît à dire ; » Puis sa tête désaffubla, Ses deux jarrets elle doubla, Pour lui faire la révérence. […] Quoique Scarron se serve du style burlesque pour censurer les mœurs, quoique ce badinage de style plaise à certains esprits, quoique nous entendions professer cette maxime : que lorsqu’un auteur nous fait rire, nous lui pardonnons volontiers ses excentricités, cependant nous ne conseillons pas aux jeunes élèves l’emploi de ce style ; car il nous semble que l’esprit ou la plume d’où il sort est bien voisin de la moquerie ; et jamais la moquerie n’a été la qualité caractéristique d’un bon cœur, Lecture. — Quelques passages de l’Énéide et du Télémaque travestis.

89. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre V. — Qualités particulières du Style »

Il plaît par la vérité des pensées et la justesse des expressions ; l’enjouement, la gaieté, la vivacité, des grâces naturelles, tous les charmes de la négligence lui appartiennent. […] C’est le style qui plaît aux écrivains lorsqu’ils nous offrent des récits de voyage, tels que M. de Lamartine, dans son Voyage en Orient ; M. de Chateaubriand, dans son Itinéraire de Paris à Jérusalem, M.  […] Il convient dans les discours d’apparat principalement destinés à plaire, dans les compliments faits aux puissances, dans les panégyriques où il est permis d’employer toutes les richesses de l’art et d’en étaler toute pompe. […] Mais le ton de l’orateur et du poète, dès que le sujet est grand, doit toujours être sublime, parce qu’ils sont les maîtres de joindre à la grandeur de leur sujet autant de couleur, autant de mouvement, autant d’illusion qu’il leur plaît ; et que, devant toujours peindre et toujours agrandir les objets, ils doivent ainsi partout employer toute la force, et déployer toute l’étendue de leur génie. […] Certes un tel spectacle peut causer de l’émotion, mais il effraye au lieu de plaire ; et les romantiques se permirent des hardiesses poussées jusqu’à l’extravagance, inspirèrent le dégoût par l’horreur de leurs tableaux, et ébranlèrent fortement les imaginations au lieu de les charmer agréablement.

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