Pensez-vous qu’après tout ses mânes en rougissent 2 ; Qu’il méprisât, madame, un roi victorieux Qui vous fait remonter au rang de vos aïeux 3, Qui foule aux pieds pour vous vos vainqueurs en colère, Qui ne se souvient plus qu’Achille était son père, Qui dément ses exploits et les rend superflus ? […] Dois-je oublier son père à mes pieds renversé, Ensanglantant l’autel qu’il tenait embrassé 1 Songe, songe, Céphise, à cette nuit cruelle, Qui fut pour tout un peuple une nuit éternelle ; Figure-toi Pyrrhus, les yeux étincelants, Entrant à la lueur de nos palais brûlants, Sur tous mes frères morts se faisant un passage, Et, de sang tout couvert, échauffant le carnage ; Songe aux cris des vainqueurs, songe aux cris des mourants, Dans la flamme étouffés, sous le fer expirants2 ; Peins-toi dans ces horreurs Andromaque éperdue : Voilà comme Pyrrhus vint s’offrir à ma vue ; Voilà par quels exploits il sut se couronner ; Enfin, voilà l’époux que tu me veux donner. […] Croyez-en ses transports : père, sceptre, alliés, Content de votre cœur, il met tout à vos pieds ; Sur lui, sur tout son peuple il vous rend souverain Est-ce là ce vainqueur digne de tant de haine ?
De là, ces trois fameux Dialogues qui contiennent les derniers moments de Socrate, depuis celui où il est traîné aux pieds d’un tribunal qui l’avait condamné d’avance, jusqu’à l’instant fatal où la ciguë lui est présentée. […] Ce qui me perd aujourd’hui, ce n’est pas le défaut de moyens, mais le manque d’audace et d’impudence, indispensables pour s’en servir : c’est de n’avoir pas flatté vos oreilles par des choses agréables, de ne vous avoir pas offert le spectacle de Socrate pleurant et gémissant à vos pieds… Que d’autres accusés emploient ces moyens : ils sont indignes de moi.