En faisant ces vers, il pensait manifestement à Pope1, à Despréaux, à Horace, leur maître à tous. […] Aussi, j’y ai souvent pensé : de même qu’autour d’un vaisseau menacé d’être pris par les glaces on est occupé incessamment à briser le cercle rigide qui menace de l’emprisonner, de même chacun, à chaque instant, devrait être occupé à briser dans son esprit le moule qui est près de prendre et de se former. […] Ce n’est là rien de plus qu’un juste tribut payé à leur renommée ; en d’autres termes, c’est la modestie convenable à tout individu, de penser que son jugement inexpérimenté est sujet à se méprendre plutôt que la voix unanime du public.
Il est absurde de penser que les grands orateurs soient allés frapper à la porte de chaque lieu pour construire leurs preuves. […] L’orateur cesse d’être quelque chose dès qu’il fait penser à lui. […] C’est abuser des mots que de passer du sens collectif au sens distributif, ou réciproquement, et de dire, par exemple : L’homme pense ; or, l’homme est composé de corps et d’âme : donc le corps et l’âme pensent ; car il suffit, pour attribuer en général la pensée à l’homme, qu’il pense selon l’une de ses parties ; mais il ne s’ensuit nullement qu’il pense selon l’autre, etc. […] Jamais ces deux auteurs ne sont plus différents que lorsqu’ils pensent de même. […] Il y a aussi des dialogismes par hypothèse ; ainsi : « Que pensez-vous que l’on dise, si vous portez cette sentence ?