J’embrassai de bon cœur ses jambes cagneuses, et je me regardai comme un homme qui était en train de s’enrichir. « Oui, mon enfant, reprit l’archevêque, dont mon action avait interrompu le discours, je veux te rendre dépositaire de mes plus secrètes pensées. […] Vous voyez que Monseigneur tombe ; vous devez l’en avertir, non-seulement comme dépositaire de ses pensées, mais encore de peur que quelqu’un de ses amis ne fût assez franc pour vous prévenir. […] Je jugeais qu’un auteur entêté de ses ouvrages pourrait le recevoir mal ; mais, rejetant cette pensée, je me représentais qu’il était impossible qu’il le prît en mauvaise part, après l’avoir exigé de moi d’une manière si pressante. […] Pascal a dit : « La coutume de voir les rois accompagnés de gardes, de tambours, d’officiers, de toutes les choses qui plient la machine vers le respect et la terreur, fait que leur visage, quand il est quelquefois seul et sans ces accompagnements, imprime dans leurs sujets le respect et la terreur, parce que, dans la pensée, on ne sépare pas leur personne d’avec leur suite. » 1.
Cette langue n’est si féconde que parce que les pensées qu’elle exprime se développent avec une abondance sans égale. […] Sans doute sa morale, comme celle de Pascal, est dominée par des préoccupations toutes chrétiennes ; il y a une élévation et une austérité qui tiennent assez bien leur place à coté de celles des Pensées ; mais on y sent moins de chaleur, moins d’anxiété, moins de ces tortures intimes empreintes à chaque page des Pensées, et qui en font un drame vivant ! […] Mais n’y a-t-il pas un autre sens à la pensée de La Bruyère ? […] Les divers genres littéraires sont-ils autre chose que des manifestations naturelles de la pensée humaine ? […] La famille de Corneille lui est sacrée : c’est dans ce sanctuaire de pure et austère vertu que s’élaborent les grandes pensées exprimées sur la scène par ses héros.