Viennent ensuite les nuances ; et c’est ici que commence l’ouvrage du goût, et que l’art peut offrir quelques conseils pour le diriger. […] Sans parler encore de tous les vices d’un style, dont nous ferons justice ailleurs, des ouvrages où l’on remarque à chaque pas les efforts pénibles et souvent malheureux de l’auteur, ne pouvaient tenir longtemps contre l’examen sévère d’une critique judicieuse. […] Je sais, comme un autre, qu’il se trouve de fort beaux vers dans Claudien ; des morceaux même que l’on peut mettre sans danger sous les yeux de la jeunesse : je n’ignore point qu’il y a, dans Thomas, des choses aussi bien pensées que bien écrites ; que son Essai sur les Éloges est un ouvrage neuf, plein de recherches curieuses et qui fait honneur à notre littérature, qui compte peu de morceaux oratoires plus véritablement éloquents que l’Éloge de Marc-Aurèle. Mais comme les vices que je combats ici dominent également dans ces deux écrivains ; comme je les crois, en général, de fort mauvais modèles à proposer aux jeunes gens, j’ai dû les signaler au commencement d’un ouvrage qui n’a pour but, et ne saurait avoir d’autre mérite, que de défendre les principes éternels du goût et de la raison.
Cet ouvrage est-il le rêve d’un utopiste et d’un poëte, ou le vœu d’un philosophe et d’un sage ? […] Je voudrais qu’un orateur se préparât longtemps en général pour acquérir un fonds de connaissances, et pour se rendre capable de faire de bons ouvrages. […] Un ouvrage n’a une véritable unité que quand on ne peut en rien ôter sans couper dans le vif. […] Afin qu’un ouvrage soit véritablement beau, il faut que l’auteur s’y dérobe et que je ne puisse le voir. […] Après avoir joui de leur ivresse et de leur enthousiasme, l’abbé leur montra que l’ouvrage était de Fénelon.