Quant a leur théâtre, une vue particulière qui nous a guidé souvent dans la composition du recueil tout entier, comme en feront foi plus d’une des notes qui accompagnent nos citations, nous a particulièrement dirigé dans le choix de celles qu’il nous a fournies : nous avons de préférence reproduit quelques scènes ou fragments de scènes qui offraient des éléments de comparaison avec les écrivains latins ou grecs, poètes ou prosateurs, qu’associent à nos poètes français les programmes des classes auxquelles notre recueil s’adresse. […] Tel était l’inventaire du Moyen Âge : des épopées oubliées ; un système de poésie allégorique, vieillot, mais toujours pratiqué par les imitateurs attardés et encore nombreux du Roman de la Rose ; des moules poétiques (ballades, rondeaux, villanelles, etc.), gracieux, mais courts et maigres ; enfin un théâtre déjà suranné, produit et image des temps qui finissaient, mais d’ailleurs toujours goûté, et répondant, faute de mieux, à cet éternel besoin de la représentation et de l’illusion dramatique qui a été, dans tous les temps, un des caractères et une des passions de l’esprit français, et qui faisait applaudir, dans lu première moitié du xvie siècle, les soties, farces et moralités de Pierre Gringoire (mort en 1534), et au lendemain de l’interdiction des Mystères, l’Abraham sacrifiant, offert par Theodore De Beze aux réfugiés français de Genève. […] D’un vanneur de blé aux vents A vous, troppe legere, Qui d’aele passagere Par le monde volez, Et d’un sifflant murmure L’ombrageuse verdure Doulcement esbranlez, J’offre ces violettes, Ces lis et ces fleurettes Et ces roses icy, Ces vermeillettes roses Tout freschement ecloses Et ces œillets aussi. […] Qui mon procès jugé tire encore et retire507, Et depuis seize mois m’a tant villonizé508 Que je le tiens déjà pour immortalizé…… — On n’ose offrir aux Dieux que victimes de choix : Les escus des procès doivent estre de poids.
Il est des auteurs qui, emportés par une première fougue, ou s’abandonnant par intervalles aux écarts de leur imagination, laissent prendre soit aux idées qui s’offrent d’abord, soit à celles qui leur sourient davantage, un développement auquel le reste ne correspond pas. […] Victor Hugo, et de quelque poids que soit un si grand nom dans la balance, nous persistons à croire que l’art n’est point la reproduction fidèle et illimitée de la nature tout entière, mais la représentation savante et soumise à certaines lois d’une nature choisie ; que si les choses existent ainsi confondues dans la vie réelle, quand elles s’offrent à nous, nous les séparons instinctivement, comme nous bannirions un nain ou un mendiant qui viendraient étaler leurs plaies et leurs difformités dans la salle du festin et au milieu des chœurs de danse.