Toujours pleins de l’objet auquel ils tendent, ils voient à regret l’intervalle qui les en sépare : l’un voudrait être à demain, l’autre au mois prochain, l’autre à dix ans de là ; nul ne veut vivre aujourd’hui ; nul n’est content de l’heure présente, tous la trouvent trop lente à passer. […] Tel passe la moitié de sa vie à se rendre de Paris à Versailles, de Versailles à Paris, de la ville à la campagne, de la campagne à la ville, et d’un quartier à l’autre, qui serait fort embarrassé de ses heures, s’il n’avait le secret de les perdre ainsi, et qui s’éloigne exprès de ses affaires, pour s’occuper à les aller chercher : il croit gagner le temps qu’il y met de plus, et dont autrement il ne saurait que faire ; ou bien, au contraire, il court pour courir, et vient en poste, sans autre objet que de retourner de même1. […] La source du bonheur n’est tout entière ni dans l’objet désiré ni dans le cœur qui le possède, mais dans le rapport de l’un et de l’autre ; et comme tous les objets de nos désirs ne sont pas propres à produire la félicité, tous les états du cœur ne sont pas propres à la sentir. […] Je dispose en maître de la nature entière ; mon cœur, errant d’objet en objet, s’unit, s’identifie à ceux qui le flattent, s’entoure d’images charmantes, s’enivre de sentiments délicieux. […] Je revenais en me promenant par un assez grand tour, occupé à considérer avec intérêt et volupté les objets champêtres dont j’étais environné, les seuls dont l’œil et le cœur ne se lassent jamais. » 1.
Elle admet le récit des faits les plus ordinaires, les plus petits détails, la description des objets les plus communs, pourvu que tout y soit exprimé avec grâce. […] L’âme du poète doit être toute remplie de son objet, toute pénétrée des malheurs qu’il s’agit de déplorer. […] Le début de l’ode peut être hardi, véhément, impétueux, parce que, quand le poète saisit sa lyre, on le suppose fortement frappé des objets qu’il se représente. […] Car, si elle est toute dans le sentiment, et dans le sentiment produit à la vue d’un objet, il n’est pas possible qu’elle se soutienne longtemps. […] Les cantates sont des pièces destinées à être mises en musique, et la musique en est l’objet principal.