Le poète emploiera donc toutes les beautés du langage, la finesse, la richesse, la magnificence, les figures, les pensées nobles ou profondes, les tours vifs, élégants et variés. […] Tout s’embellit et s’anime sous le pinceau du poète : il est inspiré ; tout est présent devant lui ; les pensées et les expressions nobles et hardies sont toujours de son ressort, ainsi que les comparaisons, les descriptions, les métaphores, le pathétique, le gracieux, le sublime, tous les ornements du langage et toutes les variétés du style que le goût peut permettre. […] Il n’est pour le poète, qui se jette au milieu de l’action et fait un choix parmi les circonstances, qu’un moyen de toucher le cœur, d’exciter l’imagination et de remuer fortement tous les nobles sentiments de l’âme, comme l’enthousiasme pour les œuvres de Dieu, pâles reflets de sa grandeur et de sa puissance, l’admiration et l’amour pour le bien, l’horreur pour le mal. […] Dans le même récit, le style varie aussi suivant les différentes situations : il est tantôt sérieux et tantôt enjoué, tantôt lent et tantôt vif, tantôt noble et tantôt naïf, tantôt sombre et tantôt léger. […] Parmi les écrivains épistolaires dignes d’être proposés comme modèles, nous citerons les suivants : Cicéron, qui a laissé près de 900 lettres, remarquables par la simplicité, la finesse et la beauté d’élocution ; Sénèque et Pline le Jeune, qui ont écrit pour la postérité, et qui, à cause de cela, manquent souvent de naturel et de simplicité ; Saint Basile le Grand, saint Grégoire de Nazianze, saint Jérôme, saint Augustin, saint Bernard, sainte Thérèse, saint François de Sales, qui présentent de beaux modèles épistolaires, surtout dans le genre pieux ; Balzac, appelé par Ménage le Grand Épistolier, et Voiture auquel on ne peut refuser beaucoup d’esprit, qui se font trop souvent remarquer dans leurs lettres par les défauts les plus opposés au genre épistolaire, l’affectation et l’enflure ; Bussy-Rabutin, qui a en général trop d’esprit dans ses lettres ; Boileau, qui est dépourvu d’aisance dans le genre épistolaire ; Racine, qui offre de beaux modèles de lettres familières ; Mme de Sévigné, qui possède au plus haut degré l’animation du récit, la vivacité des tournures, la justesse des expressions et l’éclat des peintures ; Mme de Maintenon, vrai modèle de correction, de noble simplicité en même temps que de bon sens et de raison ; Bossuet et Fénelon, qui se font remarquer en ce genre par les qualités qui les distinguent ordinairement dans leurs écrits ; Enfin, Lamotte, qui se montre spirituel et agréable dans ses lettres ; Voltaire qui, à défaut de sentiments honorables, brille par la forme ; Et M. de Maistre, dont la correspondance présente l’enjouement ou la haute raison, suivant la nature du sujet.
Si l’écrivain a bien médité son sujet, s’il s’est fait un plan, « il s’apercevra aisément, dit Buffon, de l’instant auquel il doit prendre la plume ; il sentira le point de maturité de la production de l’esprit ; il sera pressé de la faire éclore ; il n’aura même que du plaisir à écrire ; la chaleur naîtra de ce plaisir, se répandra partout, et donnera de la vie à chaque expression ; tout s’animera de plus en plus ; le sentiment se joignant à la lumière, l’augmentera, la fera passer de ce qu’on a dit à ce qu’on va dire, et le style deviendra intéressant et lumineux. » Il est donc important de profiter de ce premier mouvement de verve qui suit la méditation ; il est ordinairement fécond en sentiments vifs, en pensées nobles et élevées ; c’est une flamme qui est d’autant plus précieuse qu’elle dure moins longtemps.