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178. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Sainte-Beuve. Né en 1804. » pp. 566-577

Ayons la sincérité et le naturel de nos propres pensées, de nos sentiments, cela se peut toujours ; joignons-y, ce qui est plus difficile, l’élévation, la direction, s’il se peut, vers quelque but haut placé ; et, tout en parlant notre langue, en subissant les conditions des âges où nous sommes jetés, et où nous puisons notre force comme nos défauts, demandons-nous de temps en temps, le front levé vers les collines et les yeux attachés au groupe des mortels révérés : Que diraient-ils de nous 1 ? […] Prémunis par là contre bien des agitations insensées, sachons nous tenir à un calme grave, à une habitude réfléchie et naturelle, qui nous fasse tout goûter selon la mesure, nous permette une justice clairvoyante, dégagée des préoccupations superbes, et, en sauvant nos productions sincères des changeantes saillies du jour et des jargons bigarrés qui passent, nous établisse dans la situation intime la meilleure pour y épancher le plus de ces vérités réelles, de ces beautés simples, de ces sentiments humains bien ménagés, dont, sous des formes plus ou moins neuves et durables, les âges futurs verront se confirmer à chaque épreuve l’éternelle jeunesse.

179. (1845) Les auteurs latins expliqués... Horace. Art poétique pp. -72

Le Chœur est le défenseur naturel, le conseiller, l’ami de la vertu ; c’est lui qui apaise les ressentiments et glorifie l’innocence ; c’est lui qui chante la frugalité, la tempérance, les bienfaits de la justice, les lois tutélaires, et la paix et les tranquilles loisirs des cités : confident discret et sûr, c’est lui, enfin, qui prie, qui conjure les : Dieux de relever l’honnête homme abattu, et d’humilier l’orgueil triomphant. […] Il y a telle pièce, où les caractères sont naturels, et les mœurs bien senties ; mais le style en est sans grâce, le vers y est prosaïque et dur ; malgré tout, elle aura plus de succès, elle intéressera plus longtemps que des vers sans idées et des bagatelles sonores. […] O vous, l’aîné des Pisons, vous dont les leçons d’un père développent le goût précoce et les talents naturels, écoutez et retenez bien cette parole : en certaines choses, la médiocrité se comprend et s’excuse. […] , adoptant la transposition à la fois si ingénieuse et si naturelle de Bentley, nous disons avec lui : In verbis etiam temus cautusque serendis, Hoc amet, hoc spernat promissi carminis auctor…. […] Le passage ainsi modifié nous paraît avoir le triple avantage de la symétrie, d’une clarté plus grande, et d’une relation toute naturelle avec les vers qui viennent plus bas : Tua me infortunia lædent, Telephe, vel Peleu, etc.

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