Notice sur la vie et les ouvrages de H. Blair. Voltaire se plaît à répéter souvent qu’avant lui la langue et la littérature anglaises étaient ignorées en France ; il se vante surtout de nous avoir fait connaître Locke et Newton, les deux plus beaux génies de l’Angleterre ; et c’est un noble titre à ajouter aux titres déjà si nombreux de sa gloire. Il est certain que jusqu’au commencement du xviiie siècle nos relations littéraires avec les Anglais étaient presque nulles ; qu’il n’existait qu’un très petit nombre de traductions d’ouvrages anglais, et que Boileau, Corneille et Racine connaissaient à peine les noms de Milton et de Shakspeare. À cette longue insouciance pour les productions littéraires de nos voisins succéda parmi nous une fureur qui n’eut bientôt plus de bornes : on ne consentit à admirer que ce qui nous venait de l’Angleterre ; on dévora ses livres, on voulut ses lois, et l’on adopta jusqu’à ses usages et ses modes.
Mettre de beaux vers en prose nécessairement mauvaise, et s’étudier ainsi à dire mal ce qu’un auteur a bien dit ; traduire en français de nos jours quelque morceau de notre vieille langue que l’on ne comprend qu’a moitié, et par là se familiariser avec des tournures et des locutions incorrectes, à quoi tout cela est-il bon ?