Ce précepte des anciens maîtres doit être aussi la première règle de l’art d’écrire. […] Jaloux de la faveur, on est digne de leur haine et de leur mépris, dès qu’on l’est de l’amitié et de la confiance du maître. […] La réflexion, l’expérience et l’étude attentive des grands maîtres sont indispensables pour acquérir la délicatesse de goût que réclame ce choix, et ta juste mesure hors de laquelle il n’y a que le faux. […] Même après tant de précautions, flattant et instruisant tour à tour, donnant et reprenant, l’orateur ne se croit pas encore assez maître des esprits pour attaquer la loi. […] Les serviteurs les plus fidèles et les plus sûrs résistent, les uns sont massacrés, les autres voyant que l’on combattait autour de la voiture et qu’on les empêchait de secourir leur maître, entendant même Clodius qui s’écriait : Milon est mort se persuadèrent qu’il n’était plus, et alors, sans que leur maître l’ordonnât, sans qu’il le sût, sans qu’il le vit, ils firent ce que chacun de nous eût voulu que ses esclaves fissent en pareille occasion.
Aussi est-il un maître dans toute la force du mot : par l’accent et l’autorité de ses doctrines, nul n’est plus propre à diriger, à féconder les esprits ; nul ne forme plus sûrement le goût par la ferveur de ses convictions persuasives. […] Mais si, dans cet orgueil de la vie, il en est un qui, par désœuvrement ou par fatigue des plaisirs, ouvre le livre dédaigné, quelle n’est pas sa surprise, en se retrouvant parmi ces animaux auxquels il s’était intéressé enfant, de reconnaître par sa propre réflexion, non plus sur la parole du maître ou du père, la ressemblance de leurs aventures avec la vie, et la vérité des leçons que le fabuliste en a tirées ! […] Le maître du chien n’a ni âge, ni condition, ni fortune ; le faible est pour le chien le seul puissant de ce monde ; le vieillard lui est un enfant aux fraîches couleurs ; le pauvre lui est roi. […] Que d’accent et d’autorité dans ces confidences d’un maître qui a le droit de se dire : Excelle et tu vivras !