Mais la péroraison, comme l’exorde, se tire le plus souvent de la personne du client, ou de l’adversaire, ou des juges et de l’auditeur, ou enfin de l’orateur lui-même. […] Dans celle-ci, c’est la péroraison suppliante, commiseratio ; il termine par le tableau le plus pathétique des douleurs de son client, d’autant plus habile ici, que, connaissant la fierté du caractère de Milon, il prend pour lui-même ce rôle de suppliant que dédaignait l’accusé ; et après lui avoir ainsi concilié l’intérêt de ses juges, s’il le fait parler, les paroles qu’il lui prète ne sont plus empreintes que d’une dignité affectueuse et d’une touchante fermeté. […] » Un beau modèle de péroraison tirée de la personne du juge, c’est celle du Mémoire de Pélisson en faveur de Fouquet, le seul morceau peut-être réellement éloquent qu’ait produit le genre judiciaire en France au xviie siècle. […] Cessez à présent d’être leurs mères pour devenir leurs juges ; leur vie et leur mort sont entre vos mains.
Il est essentiel pour l’orateur de commencer par se concilier la bienveillance de ses auditeurs ou de ses juges, en se présentant devant eux avec modestie et non avec assurance ni suffisance. […] etc. » Cet exorde, que caractérisent la présomption et l’emportement contre Ulysse et les juges, indisposa tous les esprits, et Ajax perdit sa cause. […] Ulysse se lève et, après avoir tenu quelque temps ses yeux fixés sur la terre, il les porte sur les juges : « Ô Grecs, dit-il, si vos vœux et les miens avaient été exaucés, l’héritier de ces armes ne serait pas incertain ; tu posséderais tes armes, Achille, et nous, nous te posséderions encore ! […] etc. » Cet exorde, plein de modération, de désintéressement, de regrets pour Achille, de respect pour les juges, fit triompher la cause d’Ulysse.