Le saint roi rendit aux peuples, avec la tranquillité, la joie et l’abondance : les familles virent renaître ces siècles heureux qu’elles avaient tant regrettés ; les villes reprirent leur premier éclat ; les arts, facilités par les largesses du prince, attirèrent chez nous les richesses des étrangers : le royaume, déjà si abondant de son propre fonds, se vit encore enrichi de l’abondance de nos voisins. […] Par elles, dit Saint-Simon, qui nous a laissé un récit touchant de ces catastrophes, « s’éclipsèrent joie, plaisirs, amusements même, et toutes espèces de grâces : si la cour subsista encore, ce ne fut plus que pour languir ».
Mais il y a deux sentiments contraires qui se disputent sans cesse notre âme : la joie et la douleur, qui se manifestent par le rire et les larmes : c’est comme la double face de l’humanité. […] L’homme, dans ses plaisirs, ne recherche pas toujours le rire et la joie ; il se plait encore, et plus vivement peut-être, au spectacle de la douleur ; il aime les émotions de la terreur et de l’effroi, qui lui font verser des larmes : c’est ainsi que les enfants aiment le merveilleux, le terrible, les contes à faire peur ; que certains peuples ont recherché les combats de gladiateurs et d’animaux. […] Ces sentiments impétueux qui poussent au crime les héros tragiques, ces amours qui font leur joie et leur tourment, nous émeuvent et nous attendrissent sans nous inquiéter. » Le tableau du malheur, dans la tragédie, a aussi un effet moral : il perfectionne la sensibilité, et attendrit l’âme aux souffrances de l’humanité. […] Tout en représentant une action malheureuse, il peut y mêler des alternatives de joie, d’espérance et de plaisirs : par ce moyen, l’opéra admet tous les tons, toutes les pompes, toutes les merveilles de la scène, les danses, les féeries, le jeu des machines, les décorations éblouissantes, les effets les plus saisissants de l’harmonie musicale.