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66. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — La Bruyère, 1646-1696 » pp. 155-177

N’a-t-il pas dit : « Il faut rire avant d’être heureux, de peur de mourir sans avoir ri. » Observateur profond et peintre de caractères, il excelle dans l’art d’attirer l’attention par des remarques soudaines, des traits vifs et pénétrants, des métaphores passionnées, des hyperboles à outrance, des paradoxes simulés, des contrastes étudiés, des expressions originales, de petites phrases concises qui partent comme des flèches, des allégories ingénieuses, et des morceaux d’apparat où l’esprit étincelle dans les moindres détails ; même quand il expose des vérités ordinaires, il les marque d’une empreinte ineffaçable. […] Avouons-le, on sent la force et l’ascendant de ce rare esprit, soit qu’il prêche de génie et sans préparation, soit qu’il prononce un discours étudié et oratoire, soit qu’il explique ses pensées dans la conversation : toujours maître de l’oreille et du cœur de ceux qui l’écoutent, il ne leur permet pas d’envier ni tant d’élévation, ni tant de facilité, de délicatesse, de politesse ; on est assez heureux de l’entendre, de sentir ce qu’il dit, et comme il le dit ; on doit être content de soi si l’on emporte ses réflexions et si on en profite. […] Il y en a d’autres qui ont une fade attention à ce qu’ils disent, et avec qui l’on souffre dans la conversation de tout le travail de leur esprit : ils sont comme pétris de phrases et de petits tours d’expression, concertés1 dans leur geste et dans tout leur maintien ; ils sont puristes2 et ne hasardent pas le moindre mot, quand il devrait faire le plus bel effet du monde : rien d’heureux ne leur échappe ; rien ne coule de source et avec liberté : ils parlent proprement3 et ennuyeusement. […] Quelle interruption heureuse pour moi que celle qui vous est utile ! […] Voilà, direz-vous, une étrange manière de les rendre heureux.

67. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Chefs-d’œuvre de poésie. — L. Racine. (1692-1763.) » pp. 267-276

Quoique moins heureux dans son premier ouvrage sur la Grâce, il s’y était déjà annoncé comme un écrivain d’autant de mérite que de piété. […] Telle est de l’univers la constante harmonie : De son empire heureux la discorde est bannie ; Tout conspire pour nous, les montagnes, les mers, L’astre brillant du jour, les fiers tyrans des airs. […] D’un maître trop fameux trop fidèle interprète, De mon heureux espoir désormais détrompé, Je dois donc, du plaisir à toute heure occupé, Consacrer les moments de ma course rapide A la divinité que tu choisis pour guide1 : Et la mère des jeux, des ris et des amours Doit ainsi qu’à tes vers présider à mes jours… Tu veux me rassurer, et tu me désespères. […] Heureuse imitation d’Horace, qui a dit du soleil, Aliusque et idem nasceris , v. 10 et 11 du Chant séculaire.

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