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146. (1854) Éléments de rhétorique française

et croyez-vous qu’alors il acceptera des hommages si forcés et si honteux à sa gloire, lui qui ne veut que des sacrifices volontaires, lui qui n’a pas besoin de l’homme, et qui lui fait grâce lors même qu’il accepte ses vœux les plus purs et ses hommages les plus sincères ?   […] Bossuet dit, en parlant de Henriette, reine d’Angleterre : « Combien de fois a-t-elle en ce lieu remercié Dieu humblement de deux grandes grâces, l’une de l’avoir fait chrétienne, l’autre, messieurs, qu’attendez-vous ? […] Nous avons choisi les formes qui donnent à la pensée une force ou une grâce particulière. […] Quelle grâce et quelle élégance dans cette allégorie, employée par La Fontaine pour exprimer les dangers et les écueils de la cour ! […] De quels yeux regardèrent-ils le jeune prince dont la victoire avait relevé la haute contenance, à qui la clémence ajoutait de nouvelles grâces !

147. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — La Bruyère, 1646-1696 » pp. 155-177

L’autre2 fait revivre Virgile parmi nous, transmet dans notre langue les grâces et les richesses de la latine, compose des romans qui ont une fin, en bannit le prolixe et l’incroyable, pour y substituer le vraisemblable et le naturel. […] Celui-ci1 passe Juvénal, atteint Horace, semble créer les pensées d’autrui et se rendre propre tout ce qu’il manie ; il a, dans ce qu’il emprunte des autres, toutes les grâces de la nouveauté et tout le mérite de l’invention ; ses vers forts et harmonieux, faits de génie quoique travaillés avec art, pleins de traits et de poésie, seront lus encore quand la langue aura vieilli, en seront les derniers débris ; on y remarque une critique sûre, judicieuse et innocente, s’il est permis du moins de dire de ce qui est mauvais qu’il est mauvais. […] On l’a regardé comme un homme incapable de céder à l’ennemi, de plier sous le nombre ou sous les obstacles ; comme une âme du premier ordre, pleine de ressources et de lumières5, et qui voyait encore où personne ne voyait plus ; comme celui qui, à la tête des légions, était pour elles un présage de la victoire, et qui valait seul plusieurs légions ; qui était grand dans la prospérité, plus grand quand la fortune lui a été contraire : la levée d’un siège, une retraite, l’ont plus ennobli que ses triomphes ; l’on ne met qu’après les batailles gagnées et les villes prises ; qui était rempli de gloire et de modestie ; on lui a entendu dire : « Je fuyais », avec la même grâce qu’il disait : « Nous les battîmes » ; un homme dévoué à l’État, à sa famille, au chef de sa famille ; sincère pour Dieu et pour les hommes, autant admirateur du mérite que s’il lui eût été moins propre et moins familier : un homme vrai, simple, magnanime, à qui il n’a manqué que les moindres vertus1.

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