Fontenelle, dans ses ouvrages scientifiques, nous montre souvent mal à propos le bel esprit ; mais on aime à voir Buffon orner de brillantes couleurs ses descriptions de la nature ; Chateaubriand, dans le Génie du Christianisme, animer de sa puissante imagination les preuves qu’il donne au sentiment religieux ; et Platon faire circuler dans ses dialogues philosophiques le souffle inspiré de la poésie35.
L'heureux enchaînement de l'exorde, de la narration et des autres parties du discours oratoire ; la pureté, l'harmonie et l'énergie du style ; l'éloquence de la voix et du geste ne sont, pour l'orateur, que des accessoires ; et si la nature n'a rien fait pour lui, si le génie n'a rien ajouté à ses moyens, il ne portera que difficilement la persuasion dans les cœurs, il ne touchera que faiblement. » (Châteaubriand.) […] Toutefois, nous dirons au littérateur, et particulièrement au poëte, que si la pureté du langage donne ordinairement de la clarté à la phrase, quelquefois elle arrête les élans du génie, les épanchements de l'âme ou émousse les traits de l'esprit. […] Les écrivains du Nord et ceux de l'Allemagne et de l'Angleterre devaient donc, dans les premiers temps, suivre l'impulsion de leurs génie ; ils devaient donc unir, dans leurs compositions, les larmes et le rire ; les idées abstraites aux épanchements de l'âme ; le courage et la terreur ; le fanatisme religieux et la philosophie. […] Bien que le plan d'un ouvrage ne soit pas toujours tracé par les règles, bien que, lorsqu'un ouvrage est long et compliqué, l'écrivain ne puisse pas toujours le pénétrer d'un seul effort de génie, il parvient ordinairement, après une longue méditation, à en saisir tous les rapports. Mais quels que soient le génie et le savoir de celui qui jette à l'aventure des traits de lumière, quelque justes que soient les pensées, quelques beautés qu'offrent les détails, son ouvrage, dont l'esprit ne peut saisir l'ensemble, ne touche que faiblement.