Il est facile de comprendre pourquoi les figures sont plus nombreuses et plus hardies dans la poésie que dans la prose : on sait, en effet, que sous l’influence d’une émotion forte, les objets ne paraissent pas tels qu’ils sont, mais tels que la passion les représente ; on les grossit, on les exagère, on veut intéresser les autres à l’objet de sa passion ; on compare les plus petites choses aux plus grandes, on parle aux absents comme s’ils étaient présents, on s’adresse même aux choses inanimées : ces divers mouvements de l’âme suggèrent ces tours hardis que nous appelons figures. […] Ainsi, il sert à composer de fort belles odes, des sonnets, et plus ordinairement des épîtres, des contes et des épigrammes. […] Il en est de même des mots qui ne sont pas terminés par la même consonne, ou par une consonne équivalente, comme essor avec transport, sultan avec instant ; tandis qu’on fait bien rimer instant avec attend, accord avec fort, comme nous l’avons vu plus haut. […] Ainsi, on ne peut faire rimer ensemble altiers et fiers, je reconnois et à la fois, lois et françois, fluet et étroit que l’on prononçait autrefois étrait : Damoiselle belette, au corps long et fluet, Entra dans un grenier par un trou fort étroit (étrait).
Cependant l’apôtre de l’Évangile, revêtu d’un simple surplis, assemble ses ouailles devant la grande porte de l’église ; il leur fait un discours, fort beau sans doute, à en juger par les larmes de l’assistance. […] D’abord il frappe l’écho des brillants éclats du plaisir : le désordre est dans ses chants : il saute du grave à l’aigu, du doux au fort : il fait des pauses ; il est lent, il est vif : c’est un cœur que la joie enivre, un cœur qui palpite sous le poids de l’amour.