Son fils était dans un transport inexprimable. […] Comment aimer son fils sans se flatter qu’il sera noble et fier, sans souhaiter pour lui la gloire qui multiplierait sa vie, qui nous ferait entendre de toutes parts le nom que notre cœur répète ? Pourquoi ne jouirait-on pas avec transport des talents de son fils, du charme de sa fille ?
Mais si le malheur arrive à des personnes qui s’aiment ; si c’est un frère qui tue ou qui est au moment de tuer son frère, un fils son père, une mère son fils, un fils sa mère, ou quelque chose de semblable, c’est alors qu’on est ému : et c’est à quoi doivent tendre les efforts du poète. […] Enfin la dernière de ces manières est la meilleure : comme dans le Cresphonte, où Mérope est au moment de frapper son fils, qu’elle ne frappe pas, parce qu’elle le reconnaît : et dans Iphigénie, la sœur était au moment d’immoler son frère : et dans Hellé, Phryxus allait livrer sa mère : il la reconnaît. […] La quatrième espèce est par le raisonnement, comme dans les Choëphores : « Il est venu un homme qui me ressemble ; personne ne me ressemble qu’Oreste : c’est donc Oreste qui est venu. » Et dans l’Iphigénie de Polyidus le sophiste, il est naturel qu’Oreste fasse cette réflexion : « Ma sœur a été immolée, je vais donc l’être comme elle. » Et dans le Tydée de Théodecte : « Un roi allait pour chercher son fils, et lui-même il périt. » Et encore dans les Filles de Phinée : « Ces filles, voyant le lieu où on les menait, raisonnèrent sur le sens de l’oracle qui leur avait été rendu, et jugèrent que c’était là qu’elles devaient mourir, parce que c’était là même qu’elles avaient été exposées7. » Il y a une autre reconnaissance qui se fait par un faux raisonnement du spectateur, comme dans Ulysse faux messager. […] D’un autre côté, sa maison est au pillage ; les amants de sa femme dissipent son bien et veulent faire périr son fils. […] Qui peut reprocher à Homère, comme l’a fait Protagore, d’avoir commandé, au lieu de prier, lorsqu’il a dit : « Muse, chante la colère du fils de Pélée ?