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49. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Racine 1639-1699 » pp. 415-440

Pour venger je ne sais quels prophètes Dont elle avait puni les fureurs indiscrètes : Et moi, reine sans cœur, fille sans amitié, Esclave d’une lâche et frivole pitié, Je n’aurais pas du moins à cette aveugle rage Rendu meurtre pour meurtre, outrage pour outrage, Et de votre David traité tous les neveux Comme on traitait d’Achab les restes malheureux ! […] Il n’a point détourné ses regards d’une fille, Seul reste du débris d’une illustre famille6 : Peut-être il se souvient qu’en un temps plus heureux Son père7 me nomma pour l’objet de ses vœux. […] Et pouvez-vous, seigneur, souhaiter qu’une fille Qui vit presque en naissant éteindre sa famille, Qui, dans l’obscurité nourrissant sa douleur, S’est fait une vertu conforme à son malheur, Passe subitement de cette nuit profonde Dans un rang qui l’expose aux yeux de tout le monde, Dont je n’ai pu de loin soutenir la clarté, Et dont une autre enfin remplit la majesté6 ?

50. (1882) Morceaux choisis de prosateurs et de poètes des xviii e et xix e siècles à l’usage de la classe de rhétorique

Il a promis à un de mes sujets « de lui donner en mariage la fille de Saturninus ; s’il ne veut « pas tenir sa parole, je lui déclare la guerre ; s’il ne le peut pas, et qu’il soit dans cet état qu’on ose lui désobéir, je « marche à son secours. » Il ne faut pas croire que ce fût par modération qu’Attila laissa subsister les Romains ; il suivait les mœurs de sa nation, qui le portaient à soumettre les peuples, et non pas à les conquérir. […] Je l’en louerais plus si l’on n’en avait tant abusé depuis. » Malgré cette production sans repos, Diderot était pauvre, et il dut aux bienfaits de Catherine II de n’être pas obligé de vendre sa bibliothèque pour doter sa fille. […] Le bon vieillard, qui a aimé ses enfants, mais qui n’a jamais souffert qu’aucun d’eux lui manquât, fait effort pour se lever ; mais une de ses filles, à genoux devant lui, le retient par les basques de son habit. […] La fille aînée, assise dans le vieux confessionnal de cuir, a le corps renversé en arrière, dans l’attitude du désespoir, une main portée à sa tempe, et l’autre élevée et tenant encore le crucifix qu’elle a fait baiser à son père. […] A ce livre placé sur une table, devant cette fille aînée, je devine qu’elle a été chargée, la pauvre malheureuse !

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