Nous indiquerons comme modèles l’énumération des tourments endurés par la mère des Machabées, dans le discours de saint Grégoire de Nazianze sur ces illustres martyrs ; l’énumération des malheurs de la reine d’Angleterre, dans l’exorde de son oraison funèbre ; celle des conséquences du péché originel, dans le magnifique sermon de Bourdaloue sur l’Immaculée Conception ; celle des difficultés qui pressent de toutes parts un général d’armée, par M. […] Cicéron, dans le discours pour Marcellus, établit un contraste entre la clémence de César et ses exploits ; Mascaron fait ressortir par les contraires la piété de Turenne au milieu des camps ; M. de Bonald met en regard la barbarie des sauvages et celle des peuples policés de notre époque.
Il peut aussi, sans faire un ouvrage régulier, s’élever dans un discours contre certains vices et certains ridicules, comme dans la satire ; ou présenter des réflexions morales sur les caractères des hommes et sur les faits qui se sont accomplis sous ses yeux, comme dans l’épître ; ou enfin cacher l’instruction sous le voile de la fiction, comme dans l’apologue, le conte et la métamorphose. […] Car c’est merveille, dit saint François de Sales, combien les discours resserrés dans les lois des vers ont de pouvoir pour pénétrer les cœurs et assujétir la mémoire. […] La satire est un petit poème, un discours en vers dans lequel on attaque directement les vices, les ridicules et le mauvais goût, pour corriger les hommes, ou au moins pour empêcher les erreurs, les travers et les faux jugements de devenir funestes en se propageant. […] Ce sera, dans les pensées, un degré de vérité si frappant et si sensible, que nous demeurions presque persuadés que le fabuliste a vu de ses propres yeux et qu’il croit voir encore l’action qui nous est racontée, et qu’il a entendu de ses propres oreilles et croit entendre les discours et les paroles qu’il rapporte.