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150. (1845) Leçons de rhétorique et de belles-lettres. Tome I (3e éd.)

La clarté ne nous suffit pas, c’est l’éclat que nous demandons ; ce n’est pas assez pour nous que d’autres puissent nous communiquer leurs pensées, nous voulons encore que, pour amuser notre imagination, ces pensées soient ornées et embellies, et ce désir on le trouve à chaque instant satisfait. […] Il ne dira pas, selon la construction de notre langue : « Donne à moi ce fruit ; » mais, selon l’ordre du latin : « Fruit donne à moi, » Fructum da mihi ; car son attention est entièrement dirigée vers le fruit, objet de ses désirs ; c’est ce fruit qui agit sur sa pensée, c’est lui qui le détermine à parler, et c’est aussi lui qu’il doit nommer d’abord. […] Il nous est suggéré par l’imagination et le désir, qui nous portent à placer avant tout le nom de l’objet qui les excite. […] La plupart des auteurs confondent les expressions et ne sont déterminés dans l’emploi qu’ils en font, que par le désir de bien remplir une période ou de donner au langage plus d’harmonie ou de variété, comme si leurs significations étaient absolument les mêmes, tandis qu’effectivement elles diffèrent beaucoup. […] On n’aime pas tout ce qui sent l’affectation, et le désir de paraître harmonieux entraîne souvent

151. (1881) Rhétorique et genres littéraires

L’ambitieux a plus de désirs que de moyens pour les satisfaire ; Celui qui a plus de désirs que de moyens pour les satisfaire est malheureux ; Celui qui est malheureux est digne de pitié ; Donc, l’ambitieux est digne de pitié. […] Supposons que Damis n’en ait pas bien use, Et que ce soit à tort qu’on vous ait accusé ; N’est-il pas d’un chrétien de pardonner l’offense Et d’éteindre en son cœur tout désir de vengeance ? […] Rien désirer ne doibt qu’à son honneur : Et toutesfois l’hôme tousjours aspire A son bien propre, à son aise et bonheur, Sans adviser, si point contemne, ou blesse En ses désirs la divine noblesse.

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