Mais il en advint « tout au rebours », et son imagination, « comme un cheval échappé », se donna tant de carrière que, pour réprimer ses saillies, et « lui en faire honte », il crut devoir « mettre en rôle toutes ses chimères ». […] Ie me tiens à cheval sans desmonter, et sans m’y ennuyer, huit et dix heures, Vires ultra sortemque senectæ 5 : nulle saison m’est6 ennemie, que7 le chauld aspre d’un soleil poignant8 ; car les ombrelles9, dequoy, depuis les anciens Romains, l’Italie se sert, chargent plus les bras qu’ils ne deschargent la teste. […] Mes chevaulx en valent mieulx : iamais cheval ne m’a failly, qui a sceu faire avecques moy la premiere iournee. […] Pourquoi monter ainsi sur nos grands chevaux, et nous guinder par un effort scientifique ? […] Morfondre, terme de vétérinaire, signifia d’abord causer chez un cheval un catarrhe nasal (morve… fondre).
Il avait toujours prétendu, malgré l’avis des généraux allemands, que l’infanterie pouvait résister en pleine campagne, même sans chevaux de frise2, à la cavalerie3 ; il en osa faire ce jour-là l’expérience contre cette cavalerie victorieuse, commandée par deux rois et par l’élite des généraux suédois. […] Son premier rang mit le genou en terre : il était armé de piques et de fusils ; les soldats extrêmement serrés présentaient aux chevaux des ennemis une espèce de rempart hérissé de piques et de baïonnettes ; le second rang, un peu courbé sur les épaules du premier, tirait par-dessus ; et le troisième debout faisait feu en même temps derrière les deux autres4. Les Suédois fondirent avec leur impétuosité ordinaire sur les Saxons, qui les attendirent sans s’ébranler : les coups de fusil, de pique et de baïonnette effarouchèrent les chevaux, qui se cabraient au lieu d’avancer.