/ 154
87. (1854) Éléments de rhétorique française

Lorsqu’on dit que le vent souffle, que le tonnerre gronde, que le lion rugit, que le serpent que la mouche bourdonne, que le bois craque, que la rivière coule, et que le ruisseau murmure, le rapport entre ces mots et la chose qu’ils expriment est facile à saisir. […] Ainsi, il y a une grande différence entre cette proposition : je me promène, et celle-ci : je me promène dans un bois, dans une prairie, à quatre heures, à midi, avant ou dîner. […] Eût instruit les humains, eût enseigné des lois, Tous les hommes suivaient la grossière nature, Dispersés dans les bois couraient à la pâture ; La force tenait lieu de droit et d’équité ; Le meurtre s’exerçait avec impunité. […] des prairies, ces gazouillements des bois, ont des charmes que je préfère aux plus brillants accords ; mon âme s’y abandonne, elle se berce avec le feuillage ondoyant des arbres, elle s’élève avec leur cime dans les cieux, elle se transporte dans les temps qui les ont vus naître et dans ceux qui les verront mourir ; ils étendent dans l’infini mon existence circonscrite et fugitive. […] C’est en vain qu’à travers les bois, avec sa cavalerie toute fraîche, Beck précipite sa marche pour tomber sur nos soldats épuisés ; le prince l’a prévenu ; les bataillons enfoncés demandent quartier : mais la victoire va devenir plus terrible pour le duc d’Enghien que le combat.

88. (1845) Les auteurs latins expliqués... Horace. Art poétique pp. -72

Souvent, à un début imposant et qui promet de grandes choses, on rattache, pour nous éblouir à distance, un ou deux lambeaux de pourpre ; on décrit un bois sacré et l’autel de Diane, ou bien le ruisseau qui serpente en fuyant à travers de riantes prairies, ou le Rhin majestueux, ou les brillantes couleurs de l’arc-en-ciel : descriptions charmantes, oui, mais qui ne sont pas à leur place. […] Je vise à la concision, je deviens obscur ; on court après la grâce : adieu le nerf et la chaleur ; tel vise au sublime, et se perd dans l’enflure ; par excès de prudence, et pour échapper à la tempête, celui-là se traîne terre à terre ; celui-ci croit trouver la variété dans le merveilleux, et son pinceau bizarre nous représente un dauphin dans les bois, un sanglier dans les flots. […] Les hommes vivaient dispersés dans les bois, quand un poëte sa cré, interprète des Dieux, Orphée, leur inspira l’horreur du sang et d’une affreuse nourriture. […] 1144La sagesse autrefois 1145fut telle (consista en ceci) : 1146distinguer les intérêts généraux 1147des intérêts particuliers, 1148les choses sacrées des choses profanes ; 1149détourner les hommes 1150de leurs unions vagabondes ; 1151tracer des droits-et-des-devoirs 1152aux gens-mariés ; 1153construire des villes ; 1154graver des lois sur le bois.

/ 154