Sur le principe d’autorité 2 Le respect que l’on porte à l’antiquité est aujourd’hui à tel point, dans les matières où il doit avoir moins de force, que l’on se fait des oracles de toutes ses pensées, et des mystères même de ses obscurités ; que l’on ne peut plus avancer de nouveautés sans péril, et que le texte d’un auteur suffit pour détruire les plus fortes raisons. […] L’homme est visiblement fait pour penser : c’est toute sa dignité et tout son mérite ; et tout son devoir est de penser comme il faut : or l’ordre de la pensée est de commencer par soi, et par son auteur et sa fin. […] Quand on voit le style naturel, on est tout étonné et ravi ; car on s’attendait de voir un auteur, et on trouve un homme3. […] « Je disais à quelqu’un fort savant qu’il parlait en auteur : — Eh !
Autour du nom de Marot, roi incontesté de la poésie dans la première moitié du xvie siècle, se groupent en faisceau, — d’abord les noms de ses prédécesseurs et contemporains, parmi lesquels nous citerons Jean Bouchet (1475-1555), dont il faut renoncer à nommer les poèmes de toute espèce, comptant plus de cent mille vers ; — Jehan des Mares, dit Marot, mort vers 1525, qui fut valet de chambre de François Ier, et qui écrivit, comme après lui son fils, des rondeaux, des épîtres, des élégies, des églogues ; — et surtout Jean le Maire des Belges, né en Hainaut (mort en 1524 ou 1548), qui fut historiographe de Louis XII, et qui dans ses poèmes allia, un des premiers, avec originalité, l’érudition antique à, toutes les traditions épiques, allégoriques et satiriques du moyen âge ; — puis les noms de ses amis, de ses contemporains et de ses successeurs : d’abord ceux qui le défendirent dans sa querelle contre Sagon et consorts (voir infra sa Notice biographique), et qu’il mène gaiement à la victoire par la plaisante, mordante et triomphante épître de « Fripelippes, valet de Marot, à Sagon » (Épîtres, II, 12), tels que : Antoine Héroet (1492-1568), qui fut évêque de Digne, et qui cultivait les Muses et Platon ; — Maurive Sève, échevin de Lyon, qui vivait encore en 1562, et qui écrivit des églogues, force dixains et un Microcosme, sorte de prélude à la Création de Du Bartas ; — Claude Chappuis, d’Amboise, le « capitaine Chappuis » de Rabelais, qui fut, comme Marot, valet de chambre de François Ier et son bibliothécaire ; — Charles Fontaine, de Paris, bien connu par ses « Ruisseaux de Fontaine », qui railla Du Bellay, et qui batailla vaillamment pour son maître et ami et pour lui-même contre Sagon et contre l’école de Ronsard ; — puis : l’imprimeur-poète Corrozet, traducteur d’Ésope, auteur de vers moraux, de chants royaux, etc., dont le joli conte du Rossignol se trouve in extenso dans le recueil d’Auguis (1824, t. […] Var.) comme il eut de l’esprit dans sa prose ; — Marguerite d’Angoulême, qui le protégea, et qui, dans le mélange assez disparate de ses poésies diverses, chansons, épîtres, etc., cultiva l’allégorie mystique et l’allégorie mythologique ; — une antre femme, Louise Labé, « la Belle cordière » de Lyon (1526-1566), qui a fait le Débat de la Folie et de l’Amour et, comme lui, des élégies ; — François Ier encore, si l’on veut, qui écrivit des vers dans le goût de Marot, comme son petit-fils Charles IX en écrivit à la gloire de Ronsard ; — Jacques Pelletier, du Mans, qui, avant 1550, ouvrit l’hospitalité de son Recueil à la première ode de Ronsard, supprimée depuis par son auteur, et qui passa ensuite dans le camp nouveau ; — enfin, et surtout, pour clore une liste qui ne saurait épuiser tous les noms de cette époque, le plus brillant des seconds de Marot, Melin de Saint-Gelais, mort en 1558, qui ne ménagea pas les épigrammes aux jeunes poètes de l’école nouvelle, se réconcilia avec eux en souriant, et reçut leurs fleurs sur sa tombe ; c’était un acte de reconnaissance : il avait emprunté le premier à l’Italie le sonnet, auquel ils firent une éclatante fortune à côté des genres renouvelés de l’antiquité. […] Il convient de ne pas séparer d’eux leur ami Estienne Pasquier (mort en 1645), le savant auteur des Recherches de la France qui, lui aussi, fit des vers sur tous sujet (Jeux poétiques) ; qui, juge aux Grands Jours de Poitiers en 1579, provoqua, à cinquante ans, une joute de petits vers dans le salon des dames Des Roches, et qui donna une pointe d’enjouement Philosophique à sa Pastorale du Vieillard amoureux, fruit de sa souriante vieillesse, né en son plein hiver. […] Joachim du Bellay (1525-1560) Notice Joachim du Bellay, né à Lyré, près d’Angers, cousin des trois frères du Bellay, Guillaume et Martin, capitaines, diplomates et auteurs de Mémoires importants, et Jean, cardinal et ambassadeur, a consacré par la renommée littéraire leur commun nom. […] Ne faites point qu’encor nous voyions en vous-mesme, Pour estre de César trop grand imitateur, Des effects de clemence et de douceur extresme Conserver tout le monde et perdre leur auteur.