C’est ce que les rhéteurs, uniquement occupés de l’art oratoire, appellent la narration, la confirmation et la réfutation. […] J’appelle thèse, dans les ouvrages didactiques, ce qu’on nomme narration dans l’art oratoire. […] Mais dans le drame, par exemple, il faut beaucoup plus d’art ; car ici l’auteur ne communique avec le public que par l’intermédiaire de deux personnages dont l’un doit avoir intérêt à instruire, l’autre à apprendre. […] Enfin la dernière qualité, la plus importante, est l’art de dramatiser, de passionner la description. […] Sans ce feu, ravi au ciel comme celui de Prométhée , l’art se matérialise, et la poésie descriptive, quelque étincelante qu’elle soit, devient une œuvre purement plastique.
Wey, étant préparé de longue main et tout tracé par les situations dont il ressort, comme l’effet ressort de la cause, l’auteur, s’il a disposé avec art les fils de son drame, n’a rien à chercher quand il en arrive là. […] Molière, si admirable en toutes les parties de l’art, n’excelle point dans le dénoûment. […] Aristote demande avec raison que, dans les créations de l’art, le hasard lui-même ne paraisse que comme une providence, une volonté, un dessein prémédité. […] Ce dénoûment donné par l’histoire, l’art le proscrivait ; Schiller sentit qu’il n’y avait pas de drame possible, s’il ne substituait au hasard la volonté de Verrina62 Le hasard d’ailleurs peut donner l’imprévu, mais il est bien rare qu’il donne le pathétique ; celui-ci, son nom le dit assez, n’accompagne guère que la passion. […] Le développement de ces préceptes démontre que la disposition ou l’art d’ordonner les idées n’est pas moins essentielle à l’écrivain que l’invention et l’élocution, qui l’aident l’une à les découvrir, l’autre à les formuler.