L’homme bien élevé2 lira Corneille, la Fontaine, Racine et Molière, comme nos pères lisaient Horace et Virgile. […] Prenez les plus connus de nos gens de lettres actuels, et transportez-les dans le milieu où vivaient la-Bruyère chez le prince de Conti, Racine à Versailles, Voltaire à Ferney ; qu’ils respirent le même air, qu’ils soient accueillis et fêtés du même monde, vous verrez bien que ce n’est pas le talent qui manque et l’esprit qui a baissé. […] Quelles charmantes matinées que celles qu’on passerait, par un beau soleil, dans une allée bien sombre, au milieu de ce bruit des champs, immense, confus, et pourtant si harmonieux et si doux, à relire tantôt une tragédie de Racine, tantôt l’histoire des origines du monde, racontées par Bossuet avec une grâce si majestueuse ! […] Bossuet, La Bruyère, Racine, Boileau, quelle époque que celle où ces grands hommes vivaient, conversaient ensemble, où l’on pouvait les voir et les écouter !
Ainsi Racine a eu l’art d’employer les mots chiens et pavé, sans que la délicatesse du lecteur en fût blessée. […] C’est ainsi que Racine a dit élégamment des Romains : Des biens des nations ravisseurs altérés, Le bruit de nos trésors les a tous attirés. […] J’observerai seulement que les vers, à rimes suivies, manquent d’harmonie, 1º quand les rimes masculines ont une trop grande convenance de son avec les féminines, comme dans ceux-ci de Racine : Avant que tous les Grecs vous parlent par ma voix, Souffrez que j’ose ici me flatter de leur choix, Et qu’à vos yeux, Seigneur, je montre quelque joie De voir le fils d’Achille, et le vainqueur de Troie. […] Il n’est aucun poète qui ait aussi bien connu cet art que Racine. […] Nous avons cependant de très beaux vers en ce genre, tels que ceux-ci de Racine : Hé bien, filles d’enfer, vos mains sont-elles prêtes ?