Mais, sans vouloir excuser ce qu’il a si hautement condamné lui-même, disons, pour n’en parler jamais, que, comme dans la gloire éternelle, les fautes des saints pénitents, couvertes de ce qu’ils ont fait pour les réparer, et de l’éclat infini de la divine miséricorde, ne paraissent plus ; ainsi, dans des fautes si sincèrement reconnues, et dans la suite si glorieusement réparées par de fidèles services, il ne faut plus regarder que l’humble reconnaissance du prince qui s’en repentit, et la clémence du grand roi qui les oublia ». […] « Certes, s’il y a une occasion au monde où l’âme pleine d’elle-même soit en danger d’oublier son Dieu, c’est dans ces postes éclatants où un homme, par la sagesse de sa conduite, par la grandeur de son courage, par la force de son bras, et par le nombre de ses soldats, devient comme le dieu des autres hommes, et rempli de gloire en lui-même, remplit tout le reste du monde d’amour, d’admiration ou de frayeur. […] En vain les peuples s’empressaient pour le voir ; en vain sa seule présence, sans train et sans suite, faisait sur les âmes cette impression presque divine qui attire tant de respect, et qui est le fruit le plus doux et le plus innocent de la vertu héroïque : toutes ces choses, si propres à faire rentrer un homme en lui-même par une vanité raffinée, ou à le faire répandre au dehors par l’agitation d’une vanité moins réglée, n’altéraient en aucune manière la situation tranquille de son âme ; et il ne tenait pas à lui qu’on n’oubliât ses victoires et ses triomphes ». […] Rendait-il compte d’une bataille : il n’oubliait rien, sinon que c’était lui qui l’avait gagnée.
Nos institutions et nos coutumes en ont fait, à leur tour, un événement dont on se hâte d’oublier, le plus vite qu’on peut, l’épouvantable appareil. Au lieu de nous accoutumer dès l’enfance, par la pensée et par les sens, à ne regarder cette séparation que comme le moment du départ pour un voyage sans retour, voyage que nous ferons un jour nous-mêmes, sans doute pour nous réunir dans des régions invisibles, on n’a rien oublié de ce qui était propre à en faire un objet d’horreur. […] En attendant que celle-ci prenne le dessus, agréez les assurances de l’estime d’un homme qui ne pourra jamais vous oublier, et qui sent plus vivement tout ce que vous valez depuis qu’il y a sur la terre moins de cœurs pour vous aimer1. […] Il nous rappelle les bienfaits de son amitié, et il n’est pas besoin qu’il nous prie d’en oublier les erreurs et les lacunes. […] La raison jusqu’ici ne nous le prouve pas ; elle ne peut tout prouver ; elle n’est pas la seule lumière de l’homme, quoi qu’on die ; mais elle a des droits sacrés, imprescriptibles, ne l’oublions pas et n’arrêtons jamais son essor.
Oubliez-vous que la saine politique consiste à faire tout ce qui peut rendre un peuple heureux et puissant, sans violer la justice ? […] Les jeunes gens allaient chercher dans leurs écoles et dans leurs cahiers des leçons qu’ils ne tardaient pas à oublier sur la place publique. […] Quelques orateurs, plus soigneux de plaire que de persuader, oublient que l’exorde n’est que la tête du discours. […] N’oubliez pas que le ridicule naît presque toujours du contraste et de la disproportion. […] Il en est de même des fleurs de la rhétorique, avec cette différence que le peuple a oublié de les baptiser.
L’orateur, en pensant au salut de la république, ne s’oublie pas, et ne se laisse pas oublier. […] Qui prendra la peine de se contenir devant lui, quand les parents eux-mêmes s’oublient assez pour lui ouvrir la route, et lui donner des exemples journaliers de tous les genres de corruption ?
…………………………………………………………………………… Ver-Vert vivait sans ennui, sans travaux ; Dans tous les cœurs il régnait sans partage : Pour lui sœur Thècle oubliait les moineaux ; Quatre serins en étaient morts de rage, Et deux matous, autrefois en faveur, Dépérissaient d’envie et de langueur. […] Mais la beauté, du tendre néophyte N’était encor que le moindre mérite ; On oubliait ces attraits enchanteurs Dès que sa voix frappait les auditeurs. […] « Endoctriné en route par un vieux matelot, dit l’illustre naturaliste, il avait pris sa voix rauque, mais si parfaitement qu’on pouvait s’y méprendre : quoiqu’il eût été donné ensuite à une jeune personne et qu’il n’eût plus entendu que sa voix, il n’oublia pas les leçons de son premier maître, et rien n’était si plaisant que de l’entendre passer d’une voix douce et gracieuse à son vieux enrouement et à son ton de marin. » 3.
On dirait de ces caricatures où le dessinateur termine une tête gigantesque par un corps et des jambes de nain, ou encore de ces plantes exotiques dans lesquelles la nature, paraissant oublier ses lois, fait sortir d’un tronc grêle et fragile des branches interminables et des appendices monstrueux. […] Il ne faut pas oublier non plus les dimensions proportionnelles pour les diverses formes employées dans un écrit. […] C’est une règle qu’oublient plusieurs des romanciers actuels, ceux surtout qui écrivent d’ordinaire pour le théâtre ; ils multiplient singulièrement le dialogue ; l’habitude de la scène les emporte à chaque page. […] mais en lui permettant les délassements et la curiosité, je n’admets pas qu’il s’écarte à tout propos de la route, qu’il s’arrête pour étudier ici une fleur, là une ruine, au point d’oublier le terme et de se laisser surprendre à la nuit.
Ses erreurs mêmes recouvrent parfois des instincts clairvoyants, et, si la science n’a pas grand-chose à démêler avec ses conjectures, il n’en faut pas moins regarder comme un service rendu cet appel qui anima la curiosité des intelligences, et les conduisit vers des sources trop oubliées. […] N’oublions pas du moins le pronom indéfini aucun (aliquis), qui, toujours affirmatif, comme au moyen âge, signifiait quelqu’un, avec ou sans substantif singulier ou pluriel […] Faisons donc un retour vers ces formes oubliées ; et, sans en dresser l’inventaire complet, éveillons la curiosité de nos lecteurs qui, par leurs propres recherches, suppléeront à nos lacunes. […] — Férir répondait à une action plus vive que frapper. — Gaudir évoque l’ingénuité d’une joie toute naïve et spontanée, dont il semble que nous ayons oublié le secret. […] N’oublions pas non plus qu’une part de gratitude est due à la royauté, dont les destinées se sont toujours associées parmi nous à celles de notre langue, depuis Charlemagne jusqu’à Louis XIV.
Bientôt on oublia les louanges et les aventures de Bacchus ; le chœur, lié à l’action, ne fut plus la partie principale : la tragédie grecque atteignit sa perfection avec Sophocle et Euripide. […] Quoique les jeux de la scène soient destinés à intéresser et à distraire le spectateur, il ne faut pas oublier que le théâtre doit avoir un but et un résultat moral, comme toute poésie et toute œuvre d’imagination. […] Il ne faut pas oublier que, dans la tragédie, personnages, sentiments et style, tout doit être héroïque et aspirer au sublime. […] Dans la chaleur du dialogue et de l’action, on oublie la forme et le mètre ; le pathétique l’emporte. […] Ce que l’auteur ne doit jamais oublier, c’est l’élégance de la diction.
« Cependant Sion a dit : le Seigneur m’a abandonnée, le Seigneur m’a oubliée ! — Voici la réponse du Seigneur : Une mère peut-elle oublier l’enfant qu’elle allaite, et n’avoir point de compassion du fils qu’elle a porté dans son sein ? Mais quand même elle l’oublierait, pour moi, je ne vous oublierai jamais » 129.
Dois-je les oublier, s’il ne s’en souvient plus ? Dois-je oublier Hector privé de funérailles, Et traîné sans honneur autour de nos murailles ? Dois-je oublier son père à mes pieds renversé, Ensanglantant l’autel qu’il tenait embrassé 1 Songe, songe, Céphise, à cette nuit cruelle, Qui fut pour tout un peuple une nuit éternelle ; Figure-toi Pyrrhus, les yeux étincelants, Entrant à la lueur de nos palais brûlants, Sur tous mes frères morts se faisant un passage, Et, de sang tout couvert, échauffant le carnage ; Songe aux cris des vainqueurs, songe aux cris des mourants, Dans la flamme étouffés, sous le fer expirants2 ; Peins-toi dans ces horreurs Andromaque éperdue : Voilà comme Pyrrhus vint s’offrir à ma vue ; Voilà par quels exploits il sut se couronner ; Enfin, voilà l’époux que tu me veux donner. […] il la faut oublier.
Ils montraient, par cette définition, que la vertu est inséparable de la vraie éloquence : c’est une vérité qui ne devrait jamais être oubliée. […] N’oublions pas ces belles paroles de Fénelon : « L’homme digne d’être écouté est celui qui ne se sert de la parole que pour la pensée, et de la pensée que pour la vérité et la vertu. » § II. […] Mais dans la bouche de ces hommes turbulents et pervers, qui font de la tribune un piédestal pour leur vanité et leur ambition, cette éloquence oublie son but véritable, et dégénère en fléau ; elle soulève les passions avides et ignorantes, égare les esprits de la multitude et bouleverse l’ordre des sociétés.
Évite les discussions et les dangereuses rivalités ; les Grecs, jeunes et vieux, t’en honoreront davantage. » — Voilà les recommandations que lui faisait le vieillard, mais Achille les a oubliées. […] ses faveurs, toutes funestes qu’elles sont, sont réputées si chères à tous les cœurs haut placés, qu’il trouve toujours de nouveaux chefs, aussi prêts à lui offrir leurs services que lui à les oublier. […] Oubliez les harangues de Tite-Live, les lieux communs des Catilinaires de Cicéron et les déclamations de la tribune française. Oubliez même, si vous pouvez, les couronnes décernées à vos amplifications de concours. […] (Vous n’avez pas oublié combien il en fallait pour parler à des Athéniens.)
Ils n’ont aucun arrêt : ce sont esprits volages, Qui souvent sont tout gris avant que d’être sages ; Et doit-on souhaiter, pour leur utilité, De voir finir leur vie avecque leur beauté : Semblables à ces fleurs dont Vénus se couronne, De qui jamais les fruits n’enrichissent l’automne Oubliez, oubliez l’amour de ce berger, Et prenez en son lieu quelque bon ménager, De qui la façon mâle, à vos yeux moins gentille, Témoigne un esprit mûr à régir sa famille, Et dont la main robuste au métier de Cérès Fasse ployer le soc en fendant les guérets.
Il va même souvent jusques à oublier ses intérêts les plus chers, le repos et la sûreté, par l’amour qu’il a pour le changement, et par le goût de la nouveauté ou des choses extraordinaires. […] Mais, à ma gauche, Basilide met tout d’un coup sur pied une armée de trois cent mille hommes ; il n’en rabattrait pas une seule brigade ; il a la liste des escadrons et des bataillons, des généraux et des officiers ; il n’oublie pas l’artillerie ni le bagage. […] Il n’y a pour l’homme que trois événements : naître, vivre et mourir : il ne se sent pas naître, il souffre à mourir, et il oublie de vivre.
L’oubli et l’abandon des pauvres Combien de pauvres sont oubliés ! […] Parmi ceux qu’on connaît pour pauvres, et dont on ne veut ni ignorer, ni même oublier le douloureux état, combien sont négligés !
Corinne disait encore : « Il y a dans les plus petites villes d’Italie un théâtre, de la musique, des improvisateurs, beaucoup d’enthousiasme pour la poésie et les arts, un beau soleil ; enfin, on y sent qu’on vit ; mais je l’oubliais tout à fait dans la province que j’habitais, et j’aurais pu, ce semble, envoyer à ma place une poupée légèrement perfectionnée par la mécanique, elle aurait très-bien rempli mon emploi dans la société. […] Corinne disait encore : « Il y a dans les plus petites villes d’Italie un théâtre, de la musique, des improvisateurs, beaucoup d’enthousiasme pour la poésie et les arts, un beau soleil ; enfin, on y sent qu’on vit ; mais je l’oubliais tout à fait dans la province que j’habitais, et j’aurais pu, ce semble, envoyer à ma place une poupée légèrement perfectionnée par la mécanique, elle aurait très-bien rempli mon emploi dans la société.
Tant que tout prospère dans un État, on peut oublier les biens infinis que produit la royauté et envier seulement ceux qu’elle possède : l’homme, naturellement ambitieux et orgueilleux, ne trouve jamais en lui-même pourquoi un autre lui doit commander, jusqu’à ce que son besoin propre le lui fasse sentir. […] Vous oubliez l’embarras de vos affaires, et vous vous applaudissez de tenir seul vos conseils.
Il est du moins certain que les conquérants oublièrent vite leur propre langue. […] Aussi restera-t-il voisin de nous ; son talent lui fera pardonner ses misères, et la postérité n’oubliera pas plus ses touchantes ballades que la farce anonyme de Maître Pathelin (xve siècle), chef-d’œuvre impérissable comme une page de Molière. […] Mais éclatèrent ensuite des guerres séculaires et des discordes civiles qui devaient retarder pour nous la résurrection accomplie déjà depuis longtemps au delà des Alpes, chez un peuple heureusement doué pour les arts, et qui semblait le dépositaire naturel des trésors oubliés. […] Nous lui devons un courageux exemple, et il fraya la route aux maîtres qui le firent trop injustement oublier.
Si je savais quelque chose qui fût utile à ma famille, et qui ne le fût pas à ma patrie, je chercherais à l’oublier. […] Vous êtes un de ces hommes qu’on n’oublie point, et qui frappez une cervelle de votre souvenir. […] L’un et l’autre ont porté la concision aussi loin qu’elle peut aller ; car, dans un espace très-court, Bossuet a saisi toutes les grandes idées, et Montesquieu n’a oublié ni un fait ni une pensée. […] Il restera, et les folliculaires seront oubliés. » 1.