Moyens à l’aide desquels on imite ; le rythme, la mélodie, la mesure. […] Mais, dans ces imitations, il y a trois différences : les moyens avec lesquels on imite, l’objet qu’on imite, et la manière dont on imite. […] Telles sont les différences des arts quant aux moyens avec lesquels ils imitent. […] De la manière d’imiter. […] Il y a donc nécessairement dans toute tragédie six parties : la fable, les mœurs, les paroles, les pensées, le spectacle, le chant ; deux de ces parties sont les moyens avec lesquels on imite ; une est la manière dont on imite ; trois sont l’objet qu’on imite.
Proposez-vous certains modèles à imiter. […] Imiter n’est point copier les vices du modèle : Quand sur une personne on prétend se régler, C’est par les beaux côtés qu’il lui faut ressembler. Malheureusement, il est infiniment plus aisé d’imiter le mal que le bien. […] Imiter n’est pas s’arrêter à une vaine ressemblance de mots et de formes, prendre l’apparence pour la réalité, l’ombre pour le corps. […] On a nommé Aristotel Aristote uerveux et concis, mais non pas sec, que je sache, et qui, si parfois on peut lui reprocher la sécheresse, n’est pas plus à imiter alors que le plus méchant érrivain.
Homère lui-même, a vraisemblablement imité les écrivains qui l’ont précédé, et qui ne nous sont point parvenus. […] S’il imite une pensée, il lui donne un tour différent, et le produit sous des expressions nouvelles. […] Voici un bien bel exemple de cette manière d’imiter ; Voltaire le cite, si je ne me trompe, dans une de ses lettres. […] C’est de cette manière que les grands génies imitent. […] C’est encore notre Racine qui imite Euripide.
Cette invention et ce talent de peindre ou d’imiter la nature, comme on dit, sont des dispositions particulières, que l’étude développe mais qu’elle ne donne pas. […] Disons seulement à propos de l’imitation de la nature, que c’est surtout la belle nature qu’il faut imiter dans la poésie. […] Il est donc bien entendu que le poète ne doit pas tout imiter ; et que ce qu’il imite, il l’imite en beau.
Si vous l’imitez, vous suivrez un maître, vous apprendrez l’art, et vous ne vous fierez plus à votre talent. Si vous ne l’imitez pas, vous ferez des choses tellement opposées aux idées reçues, à toutes les notions du beau, du naturel, du sublime, que chacun vous blâmera, et dira, tout en reconnaissant que vous avez du talent, qu’il faudrait qu’il fût perfectionné par l’art. […] En effet, si vous nous donnez un bel ouvrage, où dans un style tour à tour simple, sublime et tempéré, vous nous ayez réellement attachés, et montré toutes les ressources d’un talent qui sait imiter la belle nature, ce qui est le don le plus heureux des grands peintres, que nous importe que nous ne puissions classer votre style dans un des trois genres créés par les rhéteurs ? […] Homère fut le père de la poésie ancienne, c’est le créateur de l’épopée ; Virgile n’a fait que l’imiter. — Démosthène fut le père de l’éloquence et le modèle de Cicéron. — Le grand Corneille a été le père de la poésie française et a tellement contribué à la perfection de Racine, qu’il est permis de se demander si, sans Corneille, Racine eût fait ses chefs-d’œuvre.
Et le bandeau d’hymen n’orna point tes cheveux2 » Chrysé Ces vers sont imités de Properce. […] Ces vers sont imités de Properce. […] Vauvenargues disait : « Il ne faut pas croire que le caractère original doive exclure l’art d’imiter. […] Rousseau a imité Marot ; Corneille, Lucain et Sénèque ; Bossuet, les prophètes ; Racine, les Grecs et Virgile ; et Montaigne dit quelque part qu’il y a en lui une condition aucunement singeresse et imitatrice. Mais ces grands hommes, en imitant, sont demeurés originaux, parce qu’ils avaient à peu près le même génie que ceux qu’ils prenaient pour modèles ; de sorte qu’ils cultivaient leur propre caractère, sous ces maîtres qu’ils consultaient et qu’ils surpassaient quelquefois ; au lieu que ceux qui n’ont que de l’esprit sont toujours de faibles copistes des meilleurs modèles, et n’atteignent jamais leur art : preuve incontestable qu’il faut du génie pour bien imiter, et même un génie étendu pour prendre divers caractères ; tant s’en faut que l’imagination donne l’exclusion au génie. » 1.
On doit, ajoute-t-il, s’attacher fortement à imiter toutes les perfections que l’on découvre en eux ; car il est indubitable que l’art consiste en grande partie dans l’imitation : Neque enim dubitari potest, quin artis pars magna contineatur imitatione. […] — En premier lieu, on peut prendre les pensées d’un auteur en adoptant d’autres expressions, d’autres tournures, pour les exprimer. — On imite encore en appliquant avec habileté à d’autres sujets des traits empruntés à une autre langue, comme l’a fait Voltaire pour le Te, dulcis conjux… — Enfin, une autre manière, appelée méthode de reproduction, consiste à lire plusieurs fois avec attention un morceau intéressant, à le reproduire librement et à le comparer avec le modèle. […] C’est ainsi que Virgile a pris dans le poème des Argonautes, d’Apollonius de Rhodes, l’idée de l’épisode de Didon, même avec assez de détails ; c’est ainsi que Corneille a imité Sénèque dans la scène d’Auguste avec Cinna ; que Voltaire, dans la Mort de César, a embelli Shakespeare, etc. […] Il faut d’abord éviter cette imitation servile, qui consiste à se traîner sur les pas d’un écrivain et qui a fait tant de mauvaises copies des meilleurs modèles, et imiter d’une manière noble, généreuse, pleine de liberté et d’aisance, comme La Fontaine qui dit de lui-même : Mon imitation n’est point un esclavage. […] Ce défaut a très-souvent de funestes conséquences : Un modèle imparfait égare, S’il a du brillant et du faux ; Souvent un copiste bizarre N’en imite que les défauts.
Phèdre, esclave grec amené à Rome et affranchi par Auguste, imita Ésope, et se montra original avec succès ; ses fables sont courtes, ses vers élégants et d’un style très pur. […] La Fontaine a puisé à toutes les sources : il a copié, imité, traduit ; et pourtant jamais écrivain n’atteignit un plus haut degré d’originalité. […] La Fontaine en a imité quelques-unes, telles que les Filles de Minée, Philémon et Baucis.
Les hommes, n’ayant d’abord que le geste pour se communiquer leurs idées, imitèrent la figure et le mouvement des objets qu’ils voulaient représenter. […] Dans les écrivains du second ordre, au contraire, tout présente les traces pénibles d’efforts rarement heureux ; et ce rapprochement involontaire, mais perpétuel, de la nature, grande et belle sans effort, et de l’art qui se tourmente infructueusement pour l’imiter mal, altère sensiblement quelquefois le plaisir que pourraient nous faire les plus beaux morceaux de poésie moderne. […] Il est impossible d’ajouter à la vérité de cette description, et c’est avec la même supériorité que Virgile imite toujours Homère ! […] Au reste, il n’est pas inutile d’observer ici que le premier poète qui ait donné de l’harmonie à la versification latine, Lucrèce, a imité avec succès ce beau morceau d’Homère.
Ils les changent et les corrompent quand ils sortent de l’enfance ; ils croient qu’il faut imiter ce qu’ils voient, et ils ne le peuvent parfaitement imiter : il y a toujours quelque chose de faux et d’incertain dans cette imitation. […] On imite souvent, même sans s’en apercevoir, et on néglige ses propres biens pour des biens étrangers, qui d’ordinaire ne nous conviennent pas.
Différentes sortes de poésie selon les objets imités. […] Différentes sortes de poésie selon la manière d’imiter.
que la plus indispensable des dispositions dans un traducteur, est cette espèce d’analogie naturelle qui le rapproche, à son insu, du modèle qu’il se propose d’imiter, qui établit d’avance entre eux un rapport de goût et de sentiments, sans lequel le traducteur, quel que soit d’ailleurs son talent, restera toujours infiniment au-dessous de son auteur. […] Mais, me dira-t-on, imite-t-on le génie ? Non, sans doute, on n’imite point le génie des choses ; mais il n’est que trop facile de singer celui de l’expression : il n’est que trop facile, et surtout trop commun, de se croire sublime, parce qu’on prodigue de grands mots ; et profond, parce qu’on s’enveloppe à dessein de ténèbres épaisses. […] Mais pardonnons à ce fleuve majestueux, de mêler de temps en temps quelques grains de sable à l’or pur qu’il roule habituellement, et n’imitons point les défauts de Bossuet, ou plutôt ne cherchons jamais à suivre le vol de cet aigle infatigable : bornons-nous à en mesurer de loin la hauteur ; cela même ne suppose point une force vulgaire. […] On n’imitera que trop facilement les défauts de M. de Châteaubriand : mais aura-t-on son génie, pour les compenser comme lui par des beautés du premier ordre ?
Les Latins imitèrent ces contes, témoin l’Âne d’or d’Apulée, où l’on trouve la fable si ingénieuse et si délicate de Psyché. — Les Amours de Théagène et de Chariclée, par Héliodore d’Émèse, sont célèbres pour avoir charmé la jeunesse de Racine et excité la mauvaise humeur de son maître Lancelot, qui lui en brûla deux exemplaires. […] Pendant ce temps, l’Italie avait sa langue déjà fixée ; elle chantait avec Dante et Pétrarque, elle écoutait les contes de Boccace, que Marguerite de Navarre, sœur de François Ier, devait imiter en France ; mais ces contes sont des récits d’aventures, et non des études de caractères et de mœurs. […] L’Espagne avait eu ses Amadis ; la France les imita, puis elle tomba dans les Artamènes, race de héros aussi fades qu’ennuyeux, aussi peu conformes à l’histoire qu’à la nature.
On imite la nature, en représentant fidèlement un objet tel qu’il existe, ou tel qu’il peut vraisemblablement exister. On imite la belle nature, en représentant fidèlement un objet aussi parfait que nous pouvons le concevoir, soit qu’il existe, soit que n’existant pas, il puisse exister. […] Voilà en quoi consiste l’art de l’imiter, cette belle nature : voilà ce qu’on doit entendre en poésie et dans les autres arts par inventer. […] C’est ainsi qu’il imite, qu’il exprime la belle nature dans toute sa noblesse, dans toute sa vérité, dans toute sa perfection. […] Il y a une harmonie imitative, qui consiste à faire si bien concerter les mots avec les choses signifiées, que le son de ces mots imite la nature des choses qu’ils expriment.
Ce mouvement est imité de Juvénal, début de la Ire satire. […] Ici encore, et même quelques vers plus loin, Boileau a imité la satire citée de Perse. […] « Il faut, observe Daunou, que cet épisode de la Mollesse soit d’une beauté suprême, pour se faire tant admirer dans ce grand nombre de morceaux achevés et de vers immortels. » — Quelques-uns des traits que ce passage renferme ont été imités par Voltaire, chant IX de la Henriade ; et ce n’est certes pas le seul endroit où il a rendu hommage à Boileau en l’imitant. […] Quelques vers plus bas, le même auteur est encore imité de nouveau.
Ces premiers vers sont imités de très-près de la prière de Chrysès. […] Chénier imite les poëtes du dix-septième siècle, qui donnent souvent la valeur de pour à la préposition à : Je suis mal propre à décider la chose. […] Virgile a dit mieux, dans sa première égloque, v. 77 : Non ego vos posthac (capellæ)… Dumosa pendere procul de rupe videbo ; ce que Delille a imité ainsi dans les Jardins, c.
La fortune ayant continué à me favoriser, même à une époque de ma vie déjà avancée, mes descendants seront peut-être charmés de connaître les moyens que j’ai employés pour cela, et qui, grâce à la Providence, m’ont si bien réussi ; et ils peuvent servir de leçon utile à ceux d’entre eux qui, se trouvant dans des circonstances semblables, croiraient devoir les imiter. » Ce que Franklin adresse à ses enfants peut être utile à tout le monde. […] Le génie ne s’imite pas ; il faut avoir reçu de la nature les plus beaux dons de l’esprit et les plus fortes qualités du caractère pour diriger ses semblables, et influer aussi considérablement sur les destinées de son pays. […] Là, retraçant leurs faiblesses passées, Leurs actions, leurs discours, leurs pensées, À chaque état ils reviennent dicter Ce qu’il faut fuir, ce qu’il faut imiter ; Ce que chacun, suivant ce qu’il peut être, Doit pratiquer, voir, entendre, connaître ; Et, leur exemple en diverses façons Donnant à tous les plus nobles leçons, Rois, magistrats, législateurs suprêmes, Princes, guerriers, simples citoyens mêmes, Dans ce sincère et fidèle miroir Peuvent apprendre et lire leur devoir.
L’esprit humain qui puise les germes de ses productions dans les connaissances acquises par l’éducation, peut les féconder par la méditation, s’il imite la nature dans sa marche lente et son travail continu sur un plan bien conçu et graduellement développé ; ce n’est qu’à cette condition qu’il établira, sur des fondements inébranlables, des monuments immortels. […] Il n’est pas de serpent ni de monstre odieux, Qui, par l’art imité, ne puisse plaire aux yeux, A dit Boileau ; mais il ne faut pas prendre ce précepte à la lettre. […] On imite donc forcément la nature, et le talent de l’invention se montre d’autant plus qu’elle est imitée plus fidèlement et plus noblement en même temps. […] Leurs conseils de discipline, leurs règlements, leur conduite publique, témoignent de leurs efforts à imiter les vertus éminentes des Démosthène et des Cicéron.
Nous disons d’abord que l’on peut imiter, par la parole, les sons que produisent les objets physiques, comme le bruit des vagues, le mugissement des vents, le murmure d’un ruisseau, etc. […] On peut aussi imiter, par la parole, les divers mouvements des corps, en employant des sons qui aient quelque analogie avec ces mouvements : des syllabes longues pour ceux qui s’exécutent avec lenteur, des syllabes brèves pour ceux qui se font rapidement. […] Ce monosyllabe, hâc, placé à la césure et après une élision, imite merveilleusement la pesanteur de la montagne qui écrase le géant. […] Cicéron a voulu imiter ainsi la rapidité de cette course débarrassée de toute entrave, et offrant toutes les facilités pour un coup de main. […] Enfin, on peut imiter aussi, par l’harmonie du style, les sentiments, les émotions vives, les mouvements passionnés de l’âme.