Nul goût, nulle connaissance des véritables beautés du théâtre. […] Mais ce ne sont point les seuls bienfaits du roi qui ont produit tant de miracles, et qui ont porté toutes choses à ce degré de perfection : la finesse de son discernement y a plus contribué que ses libéralités : les plus grands génies, les plus savants artistes, ont remarqué que, pour trouver le plus haut point de leur art, il leur suffisait d’étudier le goût de ce prince2. […] On remarquera cette admiration, ce goût de l’antiquité, qui, comme l’a déjà indiqué un trait de ce même discours, ont éclairé et soutenu la marche de nos plus grands écrivains. […] Louis XIV, en effet, avait fourni plus d’une idée à Le Nôtre, le créateur des jardins de Versailles, des Tuileries, de Saint-Cloud, de Saint-Germain, etc. ; et celui-ci s’en applaudissait, parlant toujours de son maître et de son roi avec un vif enthousiasme, et ne rendant pas moins justice à son goût qu’à sa douceur et à sa bonté.
On l’eût chassée avec justice de la république de Sparte et des autres États bien policés ; et il ne la faudrait estimer guère davantage que l’art qui enseigne à faire les confitures, et a pour objet le plaisir du goût, ou celui qui flatte un autre sens, et travaille à la composition des parfums2. […] que cette amertume me semble bien de meilleur goût que toutes les douceurs fades et tout le sucre des beaux parleurs ! […] Boileau ne se mêla point aux thuriféraires, il prit la revanche du bon sens et du goût. […] L’heureuse combinaison des tours et la noblesse des termes sont entrés dans le trésor de la prose oratoire : l’exagération emphatique, le faux goût, la recherche, sont demeurés sur le compte de Balzac, et l’on n’a plus compris la gloire de cet écrivain, parce que les fautes seules lui restaient, tandis que ses qualités heureuses étaient devenues la propriété commune de la langue qu’il avait embellie. »
L’enthousiasme et les arts 3 Les hommes sans enthousiasme croient goûter des jouissances par les arts ; ils aiment l’élégance du luxe, ils veulent se connaître en musique et en peinture, afin d’en parler avec grâce, avec goût, et même avec ce ton de supériorité qui convient à l’homme du monde, lorsqu’il s’agit de l’imagination ou de la nature ; mais tous ces arides plaisirs, que sont-ils à côté du véritable enthousiasme ? […] Le goût des spectacles est universel ; car la plupart des hommes ont plus d’imagination qu’ils ne croient, et ce qu’ils considèrent comme l’attrait du plaisir, comme une sorte de faiblesse qui tient encore à l’enfance, est souvent ce qu’ils ont de meilleur en eux : ils sont, en présence des fictions, vrais, naturels, émus, tandis que, dans le monde, la dissimulation, le calcul et la vanité disposent de leurs paroles, de leurs sentiments et de leurs actions. […] Le goût est un sentiment ; il voudrait plaire à tout le monde. […] Racine eut la raison et le goût éminemment.
Sans déprécier un ouvrage qui compte d’honorables services, il est permis de dire qu’il ne suffit plus à notre goût littéraire ; car en lisant ces pages où apparaît comme un revenant habillé à la mode du premier Empire, on est parfois tenté de croire que des morceaux choisis ne sont pas toujours des morceaux de choix. […] N’ayons pas l’air de rougir de ce qui nous honorera plus tard ; et, en attendant les arrêts de la postérité, qui commence dès aujourd’hui pour plus d’un nom illustre, tirons des œuvres qui nous ont charmés le plaisir ou le profit que le tact d’un goût prudent peut mettre à la portée de la jeunesse. […] Oui, nous pouvons, en toute sécurité, nous rendre ce témoignage que le fond des idées nous a préoccupé à l’égal de la forme ; nous serons donc récompensé d’un travail souvent pénible, si les jeunes lecteurs de notre recueil comprennent bien cette leçon écrite à toutes ses pages, à savoir que le goût et la conscience se confondent, et que les pensées dignes de vivre procèdent toujours d’un caractère élevé, d’une volonté vaillante, d’un cœur honnête, d’un esprit droit et d’une âme saine.
Sans déprécier un ouvrage qui compte d’honorables services et adroit aux égards dus au grand âge, il est permis de dire qu’il ne suffit plus à notre goût littéraire ; car en lisant ces pages, où apparaît comme un revenant habillé à la mode du premier Empire, on est parfois tenté de croire que des morceaux choisis ne sont pas toujours des morceaux de choix. […] N’ayons pas l’air de rougir de ce qui nous honorera plus tard ; et, en attendant les arrêts de la postérité, qui commence dès aujourd’hui pour plus d’un nom illustre, tirons des œuvres qui nous ont charmés le plaisir ou le profit que le tact d’un goût prudent peut mettre à la portée de la jeunesse. […] Oui, nous pouvons, en toute sécurité, nous rendre ce témoignage que le fonds des idées nous a préoccupé à l’égal de la forme ; nous serons donc récompensé d’un travail souvent pénible, si les jeunes lecteurs de notre recueil comprennent bien cette leçon écrite à toutes ses pages, à savoir que le goût et la conscience se confondent, et que les pensées dignes de vivre procèdent toujours d’un caractère élevé, d’un volonté vaillante, d’un cœur honnête, d’un esprit droit et d’une âme saine.
Il est encore plus ridicule de dire qu’un savant a eu son goût pour précepteur. Un précepteur est un homme qui instruit des enfants ; et assurément on ne peut pas donner au goût d’un individu la figure d’une personne, quoiqu’en poésie on personnifie le goût en général, et qu’on le représente sous la forme d’un Dieu. Ce sont donc là des façons de parler toutes nouvelles, que les hommes de goût réprouvent, et que les bons écrivains ont le plus grand soin d’éviter. […] La métaphore en effet est une des figures qui donnent le plus de grâce, de force et de noblesse au discours, pourvu qu’elle soit employée à propos, avec goût et avec justesse. […] Mais un écrivain qui a du goût et de la justesse dans l’esprit, ne dira point que les rayons du soleil sont les éclairs de l’œil ardent du jour.
Le goût qui aperçoit les beautés est plus rare et plus utile mille fois, que le misérable métier de borner ses découvertes à indiquer quelques fautes de grammaire. […] La lecture des grands modèles est autant au-dessus de l’étude des règles, que le talent de créer des beautés de génie est supérieur à l’art d’éviter les fautes de goût. […] Éloignés du culte fanatique que de certaines gens ont voué à une certaine classe d’écrivains, mais incapables en même temps des vains ménagements dont les grands hommes n’ont pas besoin, nous avons dit sur des matières de goût et de morale ce que nous avons cru la vérité, et nous continuerons de la dire, sans crainte, parce que nous nous y sommes consacrés sans réserve.
c’est sans doute aimer avant tout l’élégance, la grâce, le naturel, la vérité, la sensibilité, une passion touchante et charmante ; mais n’est-ce pas cependant aussi, sous ce type unique de perfection, laisser s’introduire dans son goût et dans son esprit de certaines beautés convenues et trop adoucies, de certaines mollesses et langueurs trop chères, de certaines délicatesses excessives, exclusives ? Enfin, tant aimer Racine, c’est risquer d’avoir trop, ce qu’on appelle en France le goût, et qui rend si dégoûté3. […] Oui, il en est pour qui le goût n’est que du dégoût.
La satire badine on enjouée prend un ton piquant et léger ; elle critique, en plaisantant, les ridicules, les faiblesses du cœur, et les erreurs du goût et de la raison ; elle se borne à la raillerie, regardant ce moyen comme plus efficace et plus convenable que la colère, pour arriver à son but. […] Lorsque le poète satirique s’érige en censeur des ouvrages d’esprit, il faut que, dirigé par un goût sûr, il se montre toujours sans amertume, sans passion, sans partialité et sans prévention. […] Boileau a peint le passage du Rhin en vers dignes de l’épopée ; il a fait les peintures les plus gracieuses des douceurs de la paix et des agréments de la campagne ; il a, à l’imitation d’Horace, développé dans un style noble et plein de dignité les lois de la morale et du goût. […] Phèdre et La Fontaine placent indifféremment la moralité tantôt avant, tantôt après le récit, selon que le goût l’exige ou le permet. […] Qu’il nous suffise de dire que personne ne le dispute à La Fontaine dans cette partie de la fable : il était né avec ce goût, et il l’avait perfectionné par la lecture de nos vieux auteurs français, dont la naïveté est admirable.
J’avoue que j’ai dérobé quelque chose à la simple nature3, pour m’accommoder au goût d’un peuple magnifique et délicat sur toutes les choses qui ont rapport à la politesse. […] … » Le rapprochement de ces deux morceaux fera sentir le goût excellent et sûr de l’auteur français. […] L’auteur suppose ici une conversation entre deux personnes, dont l’une, celle qui parle en ce moment, a un goût et des connaissances aussi solides que l’esprit de l’autre est dénué de justesse et superficiel. […] On rapprochera avec intérêt ces observations, placées dans la bouche de Virgile et d’Horace par un juge si plein de délicatesse et de goût, d’un autre ouvrage de Fénelon, de la Lettre sur les occupations de l’Académie française, § 5.
Mêlant la lumière aux ténèbres, il prêta un faux jour d’évidence à des thèses que lui inspirait le goût du paradoxe, de la contradiction ou de la singularité. […] L’exercice et la vie active nous feraient un nouvel estomac et de nouveaux goûts. […] S’il m’appartenait de vous donner des conseils, le premier que je voudrais vous donner, serait de ne point vous livrer à ce goût que vous dites avoir pour la vie contemplative, et qui n’est qu’une paresse de l’âme, condamnable à tout âge et surtout au votre4. […] Voilà, monsieur, des conseils qui valent tous ceux que vous pourriez venir prendre à Montmorency ; peut-être ne seront-ils3pas de votre goût, et je crains que vous ne preniez pas le parti de les suivre ; mais je suis sûr que vous vous en repentirez un jour.
. — Sans cette sobriété, qui dépend du tact et du goût de l’historien, la narration devient prolixe et diffuse : tout ce qui ne va pas droit au but doit être mis de côté. […] Analyser avec goût les auteurs, soumettre les ouvrages à une critique judicieuse et impartiale, étudier le caractère des écrivains, l’influence qu’ils ont reçue de leur siècle, celle qu’ils ont exercée sur lui à leur tour ; constater les progrès de la pensée et de la langue mêler à cette étude des observations justes et profondes sur les mœurs, le goût et l’art d’écrire : tel est l’objet multiple de l’histoire littéraire.
Goût de madame de Sévigné pour la nature ; son appréciation de Corneille et de La Fontaine. […] Ce sont dans celui-là des maximes, des règles, des préceptes, et dans celui-ci du goût et des sentiments. […] Mais, en général, quel faux goût d’éloquence ! […] Vous me demandez des conseils ; il ne vous en faut point d’autres que votre goût. […] On n’a de maître que son plaisir et son goût.
De là viennent ses erreurs, ses ignorances, ses grossièretés et ses niaiseries sur son sujet ; de là vient qu’il croit que ses sentiments sont morts lorsqu’ils ne sont qu’endormis, qu’il s’imagine n’avoir plus envie de courir dès qu’il se repose, et qu’il pense avoir perdu tous les goûts qu’il a rassasiés. […] Bien loin de les contredire et de les interrompre, on doit au contraire entrer dans leur esprit et dans leur goût, montrer qu’on les entend, louer ce qu’ils disent autant qu’il mérite d’être loué, et faire voir que c’est plutôt par choix qu’on les loue que par complaisance. […] Il faut choisir ce qui est de leur goût et ce qui est convenable à leur condition, à leur sexe, à leurs talents : il faut choisir même le temps de le dire.
Lorsque ce grand homme commençait à vieillir, Racine, né avec un génie heureux, un goût exquis, entra dans la carrière et donna une nouvelle forme à la tragédie. […] Le goût seul de l’auteur ou celui des spectateurs doit assigner la limite qu’on peut ou qu’on ne peut pas dépasser. […] Plus on a le goût fin et exercé sur les bons modèles, plus on le sent ; mais ce sont de ces choses qu’on ne peut que sentir165. […] Térence a un genre tout différent de Plaute : sa comédie n’est que le tableau de la vie civile ; tableau où les objets sont choisis avec goût, disposés avec art, peints avec grâce et élégance. […] Le goût de ces changements a été poussé si loin de nos jours, qu’on a imaginé, pour les représenter, un mot nouveau, ou du moins l’emploi nouveau d’un mot ancien : on les appelle des tableaux.
Les règles, dans chaque ouvrage didactique, sont tracées à l’auteur parle sujet même ; c’est de son goût, de son jugement que dépendent la forme, le plan et le style convenables. […] Le goût de l’écrivain doit le guider en cela.
Ces passages et les notes qui, à l’occasion, les accompagnent peuvent contribuer à satisfaire ou à développer chez l’élève la curiosité et le goût des œuvres d’art, dont la connaissance, s’alliant heureusement à celle des œuvres littéraires, entre de plus en plus dans l’éducation, à provoquer ses visites dans nos musées, à fixer son attention sur nos monuments. […] Nous avons pensé que les tableaux que nous offrons tout d’abord au lecteur, que les remarques que peuvent provoquer chez lui le choix, le rapprochement, les contrastes des morceaux, et surtout l’enseignement du professeur, qui est son guide le plus direct et le plus sûr, suppléeraient avec profit aux commentaires de goût qu’il eût été facile de multiplier : nous avons trouvé à cette réduction des commentaires de cette nature l’avantage de laisser le jugement et le goût de l’élève s’exercer et se former, sous la direction vigilante de ses maîtres, par sa réflexion personnelle. […] C’est entre 1648 et 1651 que parurent les romans de Mlle de Scudéry (Cyrus, Clélie), fort goûtés à l’hôtel de Rambouillet : de même que pour Chapelain, l’impression fut leur écueil auprès des gens de goût et de bon sens. […] Le monarque dit : l’État, c’est moi ; le poète satirique et critique dit : le goût, c’est moi. […] Il a donné en vers et en prose, particulièrement dans ses lettres, des modèles d’ingénieux badinage, qui, malgré leur mélange trop fréquent d’affectation et de faux goût, ont séduit jusqu’au sévère Boileau298.
Rien ne contribue plus d’ailleurs à former le goût. […] Il inspire par-tout le goût du simple, du beau et du naturel. […] C’est dommage que l’auteur n’ait pas eu assez de goût, pour savoir se renfermer dans de certaines bornes. […] C’est vraiment dommage qu’il n’ait point assujetti son imagination aux règles du goût et à celles des moeurs. […] Le goût de la bonne comédie n’a pénétré que tard en Allemagne.
Il doit surtout les développer et les appuyer par un grand nombre d’exemples choisis ; c’est le plus sûr moyen d’en faire sentir la justesse, la nécessité et les avantages ; de former même le jugement et le goût de ceux à qui il donne des leçons. […] C’est ce que l’on doit discerner avec finesse, et ce discernement est l’effet d’un jugement droit, d’un goût pur et sain. […] L’un a plus de savoir ; l’autre a plus de goût. […] On sait que La Motte, ayant fait, dans le siècle dernier, une imitation en vers de l’Iliade, et mis au-devant de cet ouvrage un Essai sur Homère, où il relevait dans ce père de la poésie grecque un grand nombre de défauts, madame Dacier, qui avait traduit Homère elle-même, prit fait et cause pour son auteur, et imprima, sous le titre des Causes de la corruption du goût, un gros volume où elle combattait toutes les opinions de La Motte.