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27. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Chapitre premier. Division générale. »

La musique enchante l’oreille et touche l’âme par la mélodie des sons et par la savante harmonie des accords. […] Le beau, selon nous, se sent mieux qu’il ne s’explique : c’est une lumière qui brille, une flamme qui échauffe, une puissance qui touche et remue toutes les fibres du sentiment. […] Le sublime en général est une puissance de beauté qui dépasse les proportions habituelles de la nature, et qui touche à l’infini dont elle nous donne une vague révélation.

28. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Descartes, 1596-1650 » pp. 11-20

Je sais combien nous sommes sujets à nous méprendre en ce qui nous touche, et combien aussi les jugements de nos amis nous doivent être suspects lorsqu’ils sont en notre faveur. […] J’ai senti depuis peu la perte de deux personnes qui m’étaient très-proches2, et j’ai éprouvé que ceux qui me voulaient défendre la tristesse l’irritaient, au lieu que j’étais soulagé par la complaisance de ceux que je voyais touchés de mon déplaisir. […] Si c’est pour votre propre intérêt, il est certain que vous la pouvez mieux réparer que l’autre, en ce que l’acquisition d’un fidèle ami peut autant valoir que l’amitié d’un bon frère2 ; et si c’est pour l’intérêt de celui que vous regrettez, comme sans doute votre générosité ne vous permet pas d’être touché d’autre chose, vous savez qu’il n’y a aucune raison ni religion qui fasse craindre du mal après cette vie à ceux qui ont vécu en gens d’honneur, mais qu’au contraire l’une et l’autre leur promettent des joies et des récompenses.

29. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre cinquième. De l’Éloquence des Livres saints. — Chapitre III. Beautés de sentiment. »

J’ai vu mes tristes journées Décliner vers leur penchant : Au midi de mes années Je touchais à mon couchant. […] Oui, malgré les clameurs de l’incrédulité, Disais-je, ce tombeau touche à l’éternité ; Et ces rois, maintenant éteints dans la poussière, S’éveilleront un jour rendus à la lumière. […] Le fond et les détails principaux sont restés exactement les mêmes ; les noms seuls et le lieu de la scène sont changés : c’est Lavinie et Palémon, au lieu de Ruth et de Booz ; quant au lieu de la scène, il est partout où l’on voudra, et ce vague qui prive le sujet de l’intérêt attaché aux circonstances locales, ces noms, ces personnages d’idée, qui ne tiennent à rien, qui ne se lient à aucun peuple, à aucune époque historique, rejettent nécessairement cet épisode dans la classe des morceaux qui plaisent plus à l’esprit qu’ils ne peuvent toucher le cœur. […] » Mon long pèlerinage enfin touche à son terme ; » Sans appeler la mort, je l’attends d’un cœur ferme.

30. (1825) Rhétorique française, extraite des meilleurs auteurs anciens et modernes pp. -433

La persuasion s’opère par trois moyens : instruire, plaire et toucher. […] Ce que c’est que de toucher. […] Mais s’il adresse la parole à une assemblée d’hommes cultivés et polis, c’est plutôt par la précision et la justesse des idées qu’il parviendra à les toucher. […] Pour toucher, il faut être touché soi-même. […] « Le grand secret pour toucher les juges, dit le second, c’est que nous soyons touchés nous-mêmes.

31. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Bossuet 1627-1704 » pp. 65-83

Ainsi étant retranché et enveloppé en lui-même, il ne vous présente plus que des piquants ; il s’arme à son tour contre vous, et vous ne pouvez le toucher sans que votre main soit ensanglantée, je veux dire votre honneur blessé par quelque outrage ; le moindre que vous recevrez sera le reproche de vos vains soupçons. […] Le coup est lâché ; l’enfer n’est pas loin de toi ; ses ardeurs éternelles nous touchent de près, puisque nous en avons en nous-mêmes et en nos propres péchés la source féconde. […] 2 le présent ne nous touche plus guère ; mais la jeunesse qui ne songe pas que rien lui soit encore échappé, qui sent sa vigueur entière et présente, ne songe aussi qu’au présent, et y attache toutes ses pensées. […] Vous estes en la mort, pendant que vous estes en vie ; pendant la vie, vous estes mourant ; et la mort touche bien plus rudement le mourant que le mort, et plus vifvement et essentiellement. » (Montaigne, Ess.

32. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Racine 1639-1699 » pp. 415-440

Cet âge est innocent : son ingénuité N’altère point encor la simple vérité4 Laissez-le s’expliquer sur tout ce qui le touche. […] Mais ne nous flattons point, et laissons le mystère : La sœur vous touche ici beaucoup moins que le frère ; Et pour Britannicus… Junie. […] Ce que c’est qu’à propos toucher la passion ! […] L’un, tout esprit et tout céleste, Veut qu’au ciel sans cesse attaché, Et des biens éternels touché, Je compte pour rien tout le reste ; Et l’autre, par son poids funeste, Me tient vers la terre penché.

33. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Cousin, 1792-1867 » pp. 492-503

Il a l’ampleur des périodes savantes, le ton grandiose et volontiers solennel, le tour naturel, l’expression simple et forte, la touche hardie, le dessin large et lumineux. […] Les saillies étincelantes de madame de Sévigné lui apporteront une légèreté inattendue ; Molière lui donnera une souplesse égale à celle de la plus vive pensée ; Bossuet l’emportera jusqu’à la plus haute poésie, sans l’altérer le moins du monde, sans toucher à sa solidité et à sa vigueur intime. […] Quand vous auriez retrouvé et prêté à l’acteur qui joue le rôle de Brutus le costume que porta jadis le héros romain, le poignard même dont il frappa César, cela toucherait assez médiocrement les vrais connaisseurs.

34. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre premier. Éléments généraux du Goût et du Style. — Chapitre premier. Du Goût. »

Celui dont le goût est sur, ne s’en laisse jamais imposer par des beautés factices ; il a sans cesse devant les yeux la règle invariable du bon sens, qui doit le guider dans tout ce qu’il veut juger ; il apprécie exactement le mérite relatif des diverses beautés que lui offrent les ouvrages du génie ; il les classe avec ordre, assigne, autant qu’il est possible de le faire, les sources d’où elles tirent le pouvoir de nous charmer, et n’en est lui-même touché que précisément autant qu’il le doit être. […] Dans toute espèce de composition, ce qui intéresse l’imagination, ou ce qui touche le cœur, est sûr de plaire dans tous les temps et dans tous les pays.

35. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section I. Des Ouvrages en Prose. — Chapitre II. Des différentes espèces de Discours Oratoires. »

Ainsi, suivant un grand docteur90, la prédication a trois fins, que la vérité soit connue, qu’elle soit écoutée avec plaisir, et qu’elle touche les cœurs. […] Pour que la vérité touche les cœurs, l’orateur doit employer ces grandes et nobles figures, ces images vives et frappantes, ce style pathétique et sublime, qui remuent, agitent, entraînent les âmes. […] Plein d’onction et de sentiment, il excelle dans l’art de toucher et de persuader. […] Aucun moyen ne doit être négligé pour instruire, plaire et toucher de la manière la plus convenable. […] Simple, fleuri et sublime tour à tour, il instruit avec exactitude, plaît avec toutes les grâces imaginables et touche avec véhémence.

36. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre III. — Ornements du Style, qui consistent dans les Mots ou Figures »

Ils n’ont contre vous d’autres armes que les pleurs ; ils songent plus à vous toucher qu’à vous nuire. […] La Prétérition consiste à feindre de passer sous silence ou de ne toucher que légèrement des choses sur lesquelles cependant on insiste même avec force. […] Nous en trouvons encore un bel exemple dans la tragédie d’Esther, lorsque la nièce de Mardochée raconte à Élise tous les efforts de ses rivales pour toucher le cœur d’Assuérus. […] Je touche au terme de ma vie ; bientôt j’irai rejoindre ton père. […] Que le salut de Rome et que le tien me touche.

37. (1867) Rhétorique nouvelle « Troisième partie. la rhétorique » pp. 194-

Distinction que les critiques ont résumée après lui en cette formule : plaire, convaincre et toucher, et qu’il serait plus juste de résumer en celle-ci : plaire et toucher pour convaincre. […] Prouver est le but de l’éloquence : plaire et toucher ne sont que les moyens. […] Les hommes, en effet, ne sont pas de purs esprits : ils ont besoin d’être touchés autant que convaincus. […] Y a-t-il des règles particulières pour toucher ? […] Rappelez-vous la fameuse péroraison des Plaideurs, et les larmes des petits chiens, et le malicieux trait du bonhomme Dandin : Ce que c’est qu’à propos toucher la passion !

38. (1873) Principes de rhétorique française

L’orateur parfait étant l’homme qui sait persuader, c’est-à-dire plaire, convaincre et toucher, on peut dire que le savant parfait serait un orateur capable surtout de convaincre ; le poëte, un orateur qui charme et qui touche. […] — L’homme qui écrit ou qui parle se propose toujours de persuader ; or, pour persuader, il faut, dit Cicéron, plaire, prouver et toucher. […] On a dit avec raison : Convaincre est l’essentiel, plaire est un agrément, toucher c’est vaincre. […] — Ainsi que les mœurs plaisent à l’auditeur ou au lecteur, ainsi que les arguments peuvent le convaincre, de même les passions servent à le toucher. […] O dieux, vous le savez, quelle fut ma joie quand je sentis que mes mains le touchaient !

39. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome I (3e éd.) « Première partie. De l’Art de bien écrire. — Section III. De l’Art d’écrire pathétiquement. — Chapitre II. De l’Éloquence. » pp. 318-338

Mais je vois que mes pleurs touchent mon empereur ; Je vois que sa vertu frémit de leur fureur. […] L’Orateur devant instruire, plaire et toucher, est obligé de les entremêler, parce que chacun de ces trois genres a un rapport plus marqué à chacun de ces trois devoirs. Dans les endroits du discours où il veut instruire, il doit s’exprimer d’une manière simple : dans les endroits où il veut plaire, il doit répandre les plus belles fleurs de l’élocution : dans les endroits où il veut toucher, il doit parler fortement au cœur, élever l’âme par le sublime des pensées et des sentiments.

40. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section première. La Tribune politique. — Chapitre IV. Continuation du même sujet. Historiens latins. »

Cyrus, dit Xénophon, sentant sa fin approcher, fit appeler ses deux fils, avec ses amis, et les principaux magistrats des Perses ; et les voyant tous rassemblés, il leur tint ce discours : « Mes enfants, et vous tous, mes amis, qui êtes ici présents, je reconnais à plusieurs signes que je touche au terme de ma vie. […] Que personne donc ne soit disposé plus que vous, Cambyse, à servir le vôtre, et ne vole plus promptement à son secours, puisque sa bonne et sa mauvaise fortunes vous touchent de plus près que personne. — Voyez s’il est quelque autre homme qu’il vous soit plus honteux de ne pas aimer, et plus louable d’honorer. […] Si quelqu’un d’entre vous désire de toucher encore ma main, ou de voir encore dans mes yeux un reste de vie, qu’il approche. — Invitez les Perses et nos alliés à se réunir autour de mon tombeau, pour me féliciter tous ensemble de ce que je serai désormais dans un état sûr, à l’abri de tout événement fâcheux. […] Il n’y a qu’un moment que nous avons juré, par tout ce qu’il y a de plus saint, que nous avons touché la main d’Annibal, pour être admis à ce banquet sacré ; et à peine sortis de cette conférence, nous nous a armerions contre lui !

41. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre second. Définition et devoir de la Rhétorique. — Histoire abrégée de l’Éloquence chez les anciens et chez les modernes. — Chapitre III. De l’Éloquence chez les Romains. »

Je proteste, dit Fénelon, que personne n’admire plus que moi Cicéron : il embellit tout ce qu’il touche ; il fait des mots ce qu’un autre n’en saurait faire ; il a je ne sais combien de sortes d’esprit ; il est même court et véhément, toutes les fois qu’il veut l’être, contre Catilina, contre Verrès, contre Antoine. […] « Je suis charmé de ces deux orateurs, conclut Fénelon ; mais j’avoue que je suis moins touché de l’art infini et de la magnifique éloquence de Cicéron, que de la rapide simplicité de Démosthène ».

42. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Descartes, 1596-1650 » pp. 9-14

J’ai senti depuis peu la perte de deux personnes qui m’étaient très-proches1, et j’ai éprouvé que ceux qui me voulaient défendre la tristesse l’irritaient, au lieu que j’étais soulagé par la complaisance de ceux que je voyais touchés de mon déplaisir. […] Si c’est pour votre propre intérêt, il est certain que vous la pouvez mieux réparer que l’autre, en ce que l’acquisition d’un fidèle ami peut autant valoir que l’amitié d’un bon frère1 ; et si c’est pour l’intérêt de celui que vous regrettez, comme sans doute votre générosité ne vous permet pas d’être touché d’autre chose, vous savez qu’il n’y a aucune raison ni religion qui fasse craindre du mal après cette vie à ceux qui ont vécu en gens d’honneur, mais qu’au contraire l’une et l’autre leur promettent des joies et des récompenses.

43. (1839) Manuel pratique de rhétorique

— Par quoi est-il touché ? […] L’orateur doit y montrer plus de grâce que de force, plus d’art que de nature ; tout annonce qu’il veut plaire plutôt qu’éclairer l’esprit et toucher le cœur. […] L’autre touche et attendrit, il cause une émotion douce et pénible tout ensemble. […] Chacun trouve en soi la source de sa douleur, et ouvre lui-même sa plaie ; et le cœur, pour être touché, n’a pas besoin d’être ému. […] Touché d’un si digne objet, sa grande âme se déclara toute entière ; son courage croissait avec les périls, et ses lumières avec son ardeur.

44. (1897) Extraits des classiques français, seizième, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours moyens. Première partie : prose. [Seizième siècle] « Étude littéraire et philologique sur la langue du XVIe siècle » pp. -

Ces deux races n’auraient pu se toucher que dans la colonie phocéenne de Marseille ; mais, comme elle devint rapidement toute romaine, l’idiome originaire fut submergé sous cette inondation. […] Influence de la langue latine sur la grammaire du XVIe  siècle Si Athènes et Paris se touchent, Rome est plus voisine encore de la France. […] Les particules pas et point pouvaient de même s’abstenir d’escorter la négation : « Je n’ay soucy de… — Ne bougez… — Ne touchez à…  » Entre ne et sinon, le mot rien (qui est affirmatif et vient de rem) n’était nullement de nécessité : Je ne suis à tes yeux sinon Qu’un fétu sans force et sans non. […] Ils eussent attendri le cœur de Fénelon ; car plusieurs d’entre eux ont touché celui de La Fontaine toujours si hospitalier pour ce vieux langage qui « avoit je ne sais quoi de court, de naïf, de hardi, de vif et de passionné », comme dit la lettre à l’Académie. […]  — Issir (sortir avec vitesse) parlait à l’imagination, et n’a pas laissé sa vertu au verbe sortir (sortiri). — Rober (voler) s’applique à un rapt violent auquel ne suffit point dérober ou même ravir. — Tollir a une tout autre véhémence qu’enlever. — Liesse (lætitia) nous communique le sentiment d’une jouissance, d’une délectation, dont la plénitude n’est traduite que languissamment par des synonymes dégénérés. — Ramentevoir (remettre en mémoire) désignait je ne sais quelle réminiscence de souvenir éloigné, dont le vague rappel chercherait aujourd’hui vainement son verbe définitif. — Enfin souloir (solere) a droit au moins à une oraison funèbre, ne fût-ce qu’en mémoire de La Fontaine qui, dans son épitaphe, disait nonchalamment de sa vie écoulée : Deux parts en fit, dont il soulait passer L’une à dormir, et l’autre à ne rien faire Je ne dirai rien de marri, d’accort, de discourtois, d’assagir, d’amusoir, de charlataner, de coquiner, de dévaller, d’embesogner, d’encager, de routiner, de pluviner et de tant d’autres vocables qui, tout morts qu’ils sont, pourraient bien être plus vivants que leurs héritiers ; car, après l’ostracisme qui sévit entre 1600 et 1620, nous avons été réduits à leur substituer des termes abstraits qui sentent l’officine des savants, au lieu d’avoir jailli de source vive, je veux dire de l’imagination populaire, si prompte à peindre et animer tout ce qu’elle voit, tout ce qu’elle touche.

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