Dès lors, et puisque toutes les circonstances tendent à prouver que Milon ne songeait en aucune façon à hâter son départ, il n’y a plus un mot de trop ; chaque menu détail se change en argument ; tout ce qui eût été défaut en général devient vertu dans l’espèce. […] Si l’on décrit les campagnes, les épithètes communes sont d’autant plus à redouter qu’elles s’offrent sans cesse : les vertes prairies, plus ou moins émaillées de fleurs, les forêts mystérieuses, les roches sourcilleuses, le cristal des fleuves, les cieux azurés, etc… Toutes ces jolies choses si souvent exaltées affadissent le caractère d’une description et font qu’elle ressemble à tout. » Mais songez-y bien. […] Ces flambeaux, ce bûcher, cette nuit enflammée, Ces aigles, ces faisceaux, ce peuple, cette armée, Cette foule de rois, ces consuls, ce sénat, Qui tous de mon amant empruntaient leur éclat ; Cette pourpre, cet or, que rehaussait sa gloire, Et ces lauriers encor témoins de sa victoire : Tous ces yeux qu’on voyait venir de toutes parts Confondre sur lui seul leurs avides regards… Dans le sac de Troie, Andromaque ne voit que Pyrrhus, le suit partout des yeux, et à mesure qu’elle le suit, les objets se lèvent en quelque sorte, mais vagues et confus, autour du meurtrier d’Hector, dont les traits seuls sont fermes et bien accusés : Songe, songe, Céphise, à cette nuit cruelle Qui fut pour tout un peuple une nuit éternelle ; Figure-toi Pyrrhus, les yeux étincelants, Entrant à la lueur de nos palais brûlants, Sur tous mes frères morts se faisant un passage, Et de sang tout couvert, échauffant le carnage. Songe aux cris des vainqueurs, songe aux cris des mourants, Dans la flamme étouffés, sous le fer expirants.
Après l’avoir comparé à une beauté négligée qui a des grâces d’autant plus touchantes qu’elle n’y songe pas ; à un repas sans magnificence, mais où règne le bon goût avec l’économie ; « on n’y trouve, dit-il, aucune de ces figures de rhéteur qui semblent des piéges tendus pour séduire. » Les figures de répétition, qui veulent une prononciation forte et animée, ne s’accorderaient pas non plus avec ce ton modeste et simple ; mais il n’exclut pas les autres figures de mots, pourvu que les phrases soient coupées et toujours faciles, et les expressions conformes à l’usage, que les métaphores ne soient pas trop hardies, ni les figures de pensée trop ambitieuses. […] Villemain : « Il ne faut pas croire que le style soit une chose à part, qu’on puisse en quelque sorte enlever et remettre, et qui ne tienne pas à toute la pensée. » D’où je conclus qu’il ne faut rien faire pour l’amour des mots, puisque les mots ne sont faits que pour les choses ; que la meilleure méthode pour avoir un style, c’est de songer beaucoup plus à ce qu’on dira qu’à la façon dont on le dira ; la pensée, comme parlait Zénon, teindra l’expression, verba sensu tincta esse oportet. Mais comprenez bien mes paroles, et quand je recommande de songer surtout au fond, parce que le plus souvent il entraîne la forme, n’allez point pour cela mépriser la forme ; n’imitez pas le superbe dédain qu’affectent pour le style certains écrivains qui n’en ont pas, et qui nous répètent qu’il ne faut jamais s’occuper que de l’idée ; que la recherche de l’expression est vaine, oiseuse, indigne d’un esprit sérieux et inutile aux autres. […] Mais songez que, par la pensée et jusqu’à un certain point par la forme, tout écrivain appartient toujours à son siècle, et ne peut se dérober à l’influence du milieu dans lequel il vit.
Si j’osais vous donner un conseil, ce serait de songer à être simple, à ourdir votre ouvrage d’une manière bien naturelle, bien claire, qui ne coûte aucune attention à l’esprit du lecteur. […] Vous avez passé votre jeunesse3, vous deviendrez bientôt vieux et infirme ; voilà à quoi il faut que vous songiez. […] Songez qu’une bouteille qui a été fêtée quand elle était pleine d’eau des Barbades4, est jetée dans un coin dès qu’elle est cassée, et qu’elle reste en morceaux dans la poussière ; que voilà ce qui arrive à tous ceux qui n’ont songé qu’à être admis à quelques soupers ; que la fin d’une vieillesse inutile, infirme, est une chose bien pitoyable5. […] Cela posé, songez donc à vous, et puis à vos amis ; buvez du vin de Champagne avec des gens aimables, mais faites quelque chose qui vous mette en état de boire un jour du vin qui soit à vous.
Songez que la marée est peut-être arrivée comme il expirait. […] Voici un bel incident : M. l’abbé1 avait mandé que nous arriverions le mardi, et puis tout d’un coup il l’oublie : ces pauvres gens attendent le mardi jusqu’à dix heures du soir ; et quand ils sont tous retournés chacun chez eux, bien tristes et bien confus, nous arrivons paisiblement le mercredi, sans songer qu’on eût mis une armée en campagne pour nous recevoir : ce contre-temps nous a fâchés ; mais quel remède ? […] Je vous avoue que le reste de ma vie est couvert d’ombre et de tristesse, quand je songe que je la passerai si souvent éloignée de vous.
Mais telle est la célébrité qu’ils ont laissée après eux, que tout le monde a brigué l’honneur d’appartenir à leur race, et que la patrie elle-même, les regardant comme ses enfants les plus chers, se glorifiait de leur avoir donné la naissance, et s’applaudissait de leurs actions, bien loin de songer à les désavouer. […] Il y aurait bien des choses à dire là-dessus ; mais admirons cette impétuosité du génie, qui franchit les obstacles sans daigner presque les apercevoir ; et dont la pensée rapide a atteint le but, avant que celle des autres ait songé seulement à mesurer la carrière. […] Pensons à la distance qui nous sépare maintenant de la Grèce ; songeons que nous n’aurons de terrain à nous, que celui que nous emporterons à la pointe de l’épée. […] Songez à vos exploits passés ; chargez vos ennemis avec ardeur, et croyez que la nécessité présente et votre position critique, sont ce que vous avez de plus redoutable à combattre ». […] Enfin, si tu es un dieu, tu dois faire du bien aux hommes, et non leur ravir le leur ; si tu n’es qu’un homme, songe toujours que tu es un homme ».
Ils ne songeaient point à parer leurs discours d’ornements étrangers : mais bientôt l’église compta ses orateurs, et il se forma des écoles où l’on enseigna publiquement l’éloquence sacrée. […] Brillant dans ses pensées, riche dans ses expressions, élégant dans ses tours, subtil, ingénieux dans ses réflexions, lumineux dans ses raisonnements, il n’a été surpassé que par saint Jean Chrysostôme, auquel il ne faut songer à rien comparer.
Et de tout cela je conclus que je dois donc passer tous les jours de ma vie sans songer à chercher ce qui doit m’arriver. […] Je songe donc à vous, et je souhaite toujours de vos lettres : quand je viens d’en recevoir, j’en voudrais bien encore. […] L’on ne songe qu’à se flatter soi-même par toutes sortes de plaisirs, lorsque la mort arrête soudainement le cours de ces folles joies. […] Songez, milord, que sans le voyage et les expériences de ceux qu’il envoya à Cayenne en 1672, et sans les mesures de M. […] Pauline pressent les malheurs qui vont l’accabler : un songe redouble son effroi.
Et comme Démophile le fait voler, le voilà dans le cœur du royaume : il entend déjà sonner le beffroi des villes et crier à l’alarme ; il songe à son bien et à ses terres. […] Ils ont eu un songe confus, informe, et sans aucune suite ; ils sentent néanmoins, comme ceux qui s’éveillent, qu’ils ont dormi longtemps. […] Pascal a dit : « La vie est un songe un peu moins inconstant. »
Si quelqu’un était doué d’une assez grande force pour y résister, songez combien une haute position attire de jalousie et de haine. […] quel frère songerait à lancer un javelot contre son frère ? […] Songez que nous avons pénétré au-delà de Nisa ; le rocher d’Aornos, dont Hercule n’a pu s’emparer, est en notre pouvoir. […] Songez donc, braves compagnons, que nous posséderons seulement ce que nos armes et notre courage nous auront assuré. […] J’appelle à moi tous ceux qui ne songent pas à conserver la vie, tous ceux pour qui c’est assez de me suivre.
Écrivain juste, clair, exact, uni, probe comme sa pensée, il a l’expression ferme, nette, appropriée, simple sans bassesse, noble sans recherche ; il songe à instruire plus qu’à plaire, et nous émeut par la force pénétrante de la vérité. […] Voici un petit sermon de Madame de Sévigné sur la Providence : « Qui m’ôterait la vue de la Providence m’ôterait mon unique bien ; et si je croyais qu’il fût en nous de songer, de déranger, de faire, de ne pas faire, de vouloir une chose ou une autre, je ne penserais pas à trouver un moment de repos.
Pour expier ses tragédies, ne songea-t-il pas à se faire chartreux ? […] Songez qu’ils ne doivent servir qu’à votre récréation, et non pas à faire votre véritable étude.
Sa présence nous plonge dans une rêverie ravissante ; et lorsque nous sortons de cette rêverie, la beauté n’est plus ; elle a passé comme une ombre ; elle s’est évanouie comme le souvenir confus d’un songe plein d’enchantement. […] II, nº 26. — 2° Songe d’Athalie. […] Il ne songeait qu’à conserver la délicatesse de son teint, qu’à peigner ses cheveux blonds flottants sur ses épaules, qu’à se parfumer, qu’à donner un tour gracieux aux plis de sa robe ; enfin qu’à chanter ses amours sur sa lyre. […] Racine donne moins de détails dans le songe affreux d’Athalie : C’était pendant l’horreur d’une profonde nuit. […] Ils n’ont contre vous d’autres armes que les pleurs ; ils songent plus à vous toucher qu’à vous nuire.
Voici celle de notre vieux satirique Regnier, qui la fit aussi lui-même : J’ai vécu sans nul pensement, Me laissant aller doucement À la bonne loi naturelle, Et si m’étonne fort pourquoi La mort osa songer à moi, Qui ne songeai jamais à elle.
Idole et victime de la mode, il porta la livrée de son temps, et la postérité l’a puni d’avoir plus songé au présent qu’à l’avenir. […] Aussi ce grand esprit qui n’a été occupé jusqu’à présent qu’à songer aux moyens de fournir aux frais de la guerre, à lever de l’argent et des hommes, à prendre des villes et à gagner des batailles, ne s’occupera désormais qu’à rétablir le repos, la richesse et l’abondance.
Songez que le ministre Necker, pour remédier à l’embarras des finances, ne demandait rien moins que le quart de la fortune de chaque citoyen ; songez quelle opposition devait soulever et souleva réellement l’idée d’un si formidable impôt ; songez que l’orateur avait déjà parlé trois fois dans la séance, qu’il était plus de quatre heures, ce qui répond à six ou à sept dans nos habitudes actuelles, que l’attention de tous était fatiguée, épuisée par la longueur et la violence de la discussion.
6° LE SONGE D’ATHALIE. Un songe (me devrais-je inquiéter d’un songe ?) […] J’ai vu ce même enfant dont je suis menacée, Tel qu’un songe effrayant l’a peint à ma pensée. […] Ce songe et ce rapport, tout me semble effroyable.
Ils ne songent point à vaincre : ils ne songent qu’à finir la guerre et à sortir des incommodités présentes, voire par leur défaite, voire par leur mort. […] la colère m’a monté à la tête : je songeai que c’était la centième sottise qu’il m’avait faite, qu’il n’avait ni cœur ni affection ; en un mot, la mesure était comble. […] En même temps, au milieu d’un songe si mystérieux, elle fit l’application : de la belle comparaison de l’aveugle aux vérités de la religion et de l’autre vie. […] Mais la jeunesse, qui ne songe pas que rien lui soit encore échappé, qui sent sa vigueur entière et présente, ne songe aussi qu’au présent, et y attache toutes ses pensées. […] Pas plus qu’un songe de la nuit309 ; vous rêvez que vous avez vécu : voilà tout ce qui vous en reste.
Chaque chose occupe la place qui lui convient ; il s’efforce de convaincre, avant de songer à émouvoir ; c’est sur les passions douces qu’il a en général le plus d’empire. […] Pardonnons-lui pourtant, et surtout après son exil ; songeons qu’il eut sans cesse à combattre la jalousie et la haine, et rappelons-nous qu’un grand homme persécuté a des droits que n’a pas le reste des hommes.