Molière, dans son excellente comédie des Précieuses ridicules, nous en fournit, à dessein, beaucoup d’exemples. […] La scène X tout entière est le meilleur exemple que l’on puisse donner du style précieux, style que Molière, du reste, a si bien tourné en ridicule, et dont il a dit dans le Misanthrope : Ce n’est que jeux de mots, qu’affectation pure ; Et ce n’est point ainsi que parle la nature. […] Les Précieuses ridicules Scène X. […] En effet, je trouve que c’est renchérir sur le ridicule, qu’une personne se pique d’esprit, et ne sache pas jusqu’au moindre petit quatrain qui se fait chaque jour ; et pour moi, j’aurais toutes les hontes du monde, s’il fallait qu’on vînt à me demander si j’aurais vu quelque chose de nouveau que je n’aurais pas vu. […] On y voit les dieux et les héros déguisés en bourgeois de Paris, mais tous avec leur propre caractère, dont Scarron a saisi le côté ridicule avec beaucoup de justesse et d’esprit.
N’est-il pas ridicule de voir l’abbé Desfontaines, qui n’avait aucune connaissance en physique, prendre parti dans les querelles des newtoniens et des cartésiens, et écrire ces phrases singulières ou plutôt insensées : Quoique le newtonianisme soit une doctrine qui renverse toute la physique et éteint toutes les lumières que Dieu nous a données sur les propriétés de la matière, sur l’ordre et le mécanisme de la nature, et qu’il soit presque inconcevable qu’il puisse y avoir un homme qui soit newtonien de bonne foi, il faut avouer, cependant, que cette philosophie, hérissée de calculs géométriques et armée de fines observations, ne laisse pas, en plusieurs points, de donner de l’embarras aux cartésiens, et de les mettre souvent sur la défensive. […] Dans un autre endroit, après avoir cité un certain nombre de phrases très injurieuses, il résume ainsi ce point : Ridicule, impertinence, témérité aveugle, bévues grossières, folies, ignorances entassées, ces beaux mots sont semés dans le livre de madame Dacier, comme ces charmantes particules grecques qui ne signifient rien, mais qui ne laissent pas, à ce qu’on dit, de soutenir et d’orner les vers d’Homère. […] Lucien a fait aussi des dialogues pour censurer les vices des hommes, pour jeter du ridicule sur les faux dieux et sur les philosophes du paganisme.
Quelle source de la bonne plaisanterie, quelle imitation des mœurs, quelles images et quel fléau du ridicule ! […] Est-il moins dans la nature de s’attendrir sur le pitoyable que d’éclater sur le ridicule ? […] Mais le ridicule qui est quelque part, il faut l’y voir, l’en tirer avec grâce, et d’une manière qui plaise et qui instruise. […] Ce défaut vient d’une affectation ridicule. […] Hors M. de Fontenelle, patriarche respectable une secte ridicule, tous ces gens-là sont ignorants, et n’ont point de génie.
Ξ, v. 214) La Motte, qui mutile, étrangle et défigure si indécemment Homère, dans sa prétendue traduction de l’Iliade ; La Motte qui croyait avoir rendu la sublime allégorie des Prières par ces deux vers presque ridicules : On offense les dieux ; mais par des sacrifices De ces dieux irrités on fait des dieux propices ; a cependant bien réussi dans ce morceau qui n’exigeait que de la grâce, de l’esprit et de la galanterie moderne : Vénus lui donne alors sa divine ceinture, Ce chef-d’œuvre sorti des mains de la nature, Ce tissu, le symbole et la cause à la fois Du pouvoir de l’amour, du charme de ses lois. […] Fuyez sur ce point un ridicule excès, a dit Boileau ; et ce conseil, généralement applicable à l’emploi de tous les tropes, l’est surtout à l’égard de l’hyperbole dont nous allons nous occuper. […] Mais c’est ici surtout que l’abus touche de près à l’usage, et que le ridicule commence avec l’abus44. […] Il nous laisse froids, glacés, et frappés seulement du ridicule d’une figure déplacée. […] On serait tenté de croire que le ridicule exagérateur va s’arrêter après cette fastueuse énumération : point du tout ; il ajoute : Se tante lingue avessi, e tante voci Quant’ occhi il cielo, e quante arene il mare, Perderian tutto il suono, e la favella, Nel dire a pieno le vostri lodi immensi, (Guarini).
Je voudrais bien que cette lettre fût assez ridicule pour vous faire rire vous-même ; mais je crains qu’elle n’ait que ce qui est nécessaire pour vous ennuyer un quart d’heure, car il faut bien cela pour la lire. […] Il disait dans une première lettre : « J’ai honte de vous laisser voir ce que je présume de moi ; mais j’ai remarqué très-souvent que les espérances les plus ridicules et les plus hardies avaient été presque toujours la cause des succès extraordinaires. » 2.
L’affectation dans les mots se nomme encore précieux ridicule. […] L’expression du soldat est naïve, celle de l’Arioste n’est que ridicule. […] Quand ces derniers sont en jeu, il faut être sobre d’antithèses, car on est à deux pas de l’affectation et du ridicule. […] Le sublime est si près du pathos et même du ridicule qu’il faudrait une vertu divine pour éviter ces deux écueils. […] L’homme qui voudrait être toujours sublime, ne serait que ridicule et insensé.
On sent qu’il serait ridicule de donner aux bergers une imagination hardie et fougueuse, des pensées brillantes et profondes, des expressions pompeuses et magnifiques. […] Quand le poète veut peindre les mœurs et les ridicules, il doit en saisir les traits les plus frappants, et les présenter sous des images peu communes. […] Boileau les a aussi quelquefois violées : il a pris plaisir à tourner en ridicule l’indigence de quelques écrivains médiocres de son temps ; et en cela il ne doit pas être imité. […] Philosophe aimable et plein d’urbanité, poète ingénieux et délicat, il n’attaque les vices et les travers des hommes qu’en riant, ou en les couvrant de ridicule. […] Un poème de cette espèce, dicté par l’esprit, sera nécessairement froid, fade et langoureux, ou chargé d’ornements frivoles, non moins ridicules que déplacés.
« Une femme bien née et qui pense mûrement ne consulte, dans sa parure, que la décence et la modestie ; loin d'afficher un luxe propre à fixer l'attention, elle rejette tous les ornements coûteux ou ridicules. […] La satire signale les vices et les ridicules, et venge la piété, la vertu et le savoir. […] Le vaudeville poursuit les ridicules en agitant les grelots de la folie. […] Si elle est prise dans la vie commune et peint nos travers, nos ridicules, elle prend le nom de comédie. […] La satire du vice, les modes ridicules, les préjugés contraires au bonheur de tous et la parodie des ouvrages de littérature sont de son domaine ; mais quelle que soit la fable que l'on a choisie, la marche du vaudeville doit être rapide, parce que les couplets en prolongent toujours assez la durée.
Quelque achevés que puissent être ces morceaux, ils n’en sont pas moins des hors-d’œuvre très déplacés, quand ils ne sont pas souverainement ridicules. […] Il vaudrait beaucoup mieux alors laisser les juges à leurs propres dispositions ; car ici les grands efforts, les grands mouvements, sont tout près du ridicule ; et ce qui ne fait pas pleurer, fait nécessairement rire : nihil habet ista res medium ; sed aut lacrymas meretur aut risum .
On y a trouvé du pathos ; c’est assez la critique des gens de cette cour ; c’est le ridicule que les âmes froides donnent aux âmes ardentes. […] L’homme a un grand empire sur l’homme, et de tous les maux qu’il peut faire à ses semblables, le plus grand peut-être est de placer le fantôme du ridicule entre les mouvements généreux et les actions qu’ils peuvent inspirer. » « Il n’y a que les gens médiocres qui voudraient que le fond de tout fût du sable, afin que nul homme ne laissât sur la terre une trace plus durable que la leur. » « Le talent a besoin de confiance.
Rien de plus imposant que l’idée d’une force surnaturelle, qui rend des êtres surnaturels capables d’arracher des montagnes et de les lancer dans les airs avec autant de facilité que de justesse ; mais plus cette idée est grande, plus elle deviendra puérile, basse et dégoûtante, si on l’accompagne de circonstances ridicules. […] La froideur consiste à défigurer un objet ou un sentiment sublime, en le concevant faiblement ou en l’exprimant d’une manière ridicule.
S’il est des pertes à regretter, à réparer même, autant que possible, il me semble ridicule de galvaniser, en quelque sorte, des mots que la raison, le goût ou le sentiment de l’harmonie ont tués depuis longtemps. […] Quoi qu’il en soit, l’argot de ces messieurs n’est que ridicule ; celui du vol et du meurtre est odieux.
Il est bon de savoir quelque chose des mœurs de divers peuples, afin de juger des nôtres plus sainement, et que nous ne pensions pas que tout ce qui est contre nos modes soit ridicule et contre raison, ainsi qu’ont coutume de faire ceux qui n’ont rien vu3. […] En sorte que le plus grand profit que j’en retirais était que, voyant plusieurs choses qui, bien qu’elles nous semblent fort extravagantes et ridicules, ne laissent pas d’être communément reçues et approuvées par d’autres grands peuples, j’apprenais à ne rien croire trop fermement de ce qui ne m’avait été persuadé que par l’exemple et par la coutume ; et ainsi je me délivrais peu à peu de beaucoup d’erreurs qui peuvent offusquer notre lumière naturelle et nous rendre moins capables d’entendre raison.
Si j’osais me compter parmi ceux dont les travaux n’ont eu que la persécution pour récompense, je vous ferais voir des gens acharnés à me perdre, du jour que je donnai la tragédie d’Œdipe ; une bibliothèque de calomnies ridicules imprimées contre moi. […] Vous lui répondez, il réplique : vous avez un procès par écrit devant le public, qui condamne les deux parties au ridicule. […] Il plaide les circonstances atténuantes d’une manie innocente et ridicule. […] « De toutes les républiques, celle des lettres est sans contredit la plus ridicule. » 2.
Grand seigneur, élevé dans des idées féodales, jaloux jusqu’au ridicule de son rang de duc et pair, il en soutint les prérogatives avec une fureur de vanité qui ressemblait à une monomanie. […] Les plus tristes spectacles sont assez souvent sujets aux contrastes les plus ridicules.
Ce pléonasme, qui partout ailleurs serait ridicule, est ici d’un grand effet. […] Il y a l’ironie plaisante, à l’air paterne et bénin, qui joue avec sa victime et la tue innocemment par le ridicule ; on l’appelle quelquefois persiflage : — De ce bourbier vos pas seront tirés, Dit Pompignan, votre dur cas me touche.
La vraie satire attaque les vices généraux de la-société, frappe le ridicule sans avilir les personnes, flétrit le mal, le préjugé, l’erreur, sans sortir des bornes des convenances, sans blesser le goût ni la pudeur.
Je l’ai dit vingt fois et ne puis assez le redire : rien d’insupportable comme l’affecté et le précieux, rien de fade comme le langoureux et l’efféminé ; mais enfin entre les ridicules d’un incroyable ou d’un Céladon et les trivialités d’un bourgeois ou d’un rustre, il y a, me semble-t-il, l’aisance distinguée de l’homme comme il faut. […] Paul de Kock et ses imitateurs, en dépit des ridicules panégyriques de la presse anglaise, j’indiquerai MM.