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85. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Descartes, 1596-1650 » pp. 11-20

Outre que les fables font imaginer plusieurs événements comme possibles qui ne le sont point, et que même les histoires les plus fidèles, si elles ne changent ni n’augmentent la valeur des choses pour les rendre plus dignes d’être lues, au moins en omettent-elles presque toujours les plus basses et moins illustres circonstances, d’où vient que le reste ne paraît pas tel qu’il est, et que ceux qui règlent leurs mœurs par les exemples qu’ils en tirent sont sujets à tomber dans les extravagances des paladins de nos romans et à concevoir des desseins qui passent leurs forces. […] Ceux qui ont le raisonnement le plus fort, et qui digèrent le mieux leurs pensées afin de les rendre claires et intelligibles, peuvent toujours le mieux persuader ce qu’ils proposent, encore qu’ils ne parlassent que bas breton ou qu’ils n’eussent jamais appris de rhétorique ; et ceux qui ont les inventions les plus agréables, ou qui les savent exprimer avec le plus d’ornement et de douceur, ne laisseraient pas d’être les meilleurs poëtes, encore que l’art poétique leur fût inconnu. […] Car il me semblait que je pourrais rencontrer beaucoup plus de vérité dans les raisonnements que chacun fait touchant les affaires qui lui importent, et dont l’événement le doit punir bientôt après s’il a mal jugé, que dans ceux que fait un homme de lettres dans son cabinet touchant des spéculations qui ne produisent aucun effet, et qui ne lui sont d’autre conséquence, sinon que peut-être il en tirera d’autant plus de vanité qu’elles seront plus éloignées du sens commun, à cause qu’il aura dû employer d’autant plus d’esprit et d’artifice à tâcher de les rendre vraisemblables. […] En sorte que le plus grand profit que j’en retirais était que, voyant plusieurs choses qui, bien qu’elles nous semblent fort extravagantes et ridicules, ne laissent pas d’être communément reçues et approuvées par d’autres grands peuples, j’apprenais à ne rien croire trop fermement de ce qui ne m’avait été persuadé que par l’exemple et par la coutume ; et ainsi je me délivrais peu à peu de beaucoup d’erreurs qui peuvent offusquer notre lumière naturelle et nous rendre moins capables d’entendre raison. […] La profession des armes, en laquelle vous êtes nourri, accoutume les hommes à voir mourir inopinément leurs meilleurs amis, et il n’y a rien au monde de si fâcheux que l’accoutumance ne le rende supportable.

86. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Mirabeau, 1749-1791 » pp. 368-376

Savoir sa valeur, et ne pouvoir l’imposer que par accident et surprise, entendre murmurer autour de soi le nom de Catilina, quand on aborde la tribune avec le courage d’un bon sens supérieur et convaincu ; subir des résistances occultes, sous lesquelles se cache l’injure d’un mépris anonyme ; rendre la vérité suspecte, parce qu’on en est l’interprète : telle fut l’expiation sous laquelle il courba la tête jusqu’au dernier jour, tantôt exaspéré par d’injustes outrages, tantôt abattu par le sentiment de son impuissance. […] Ne vous a-t-il pas dit que tout délai aggravait le péril ; qu’un jour, une heure, un instant pouvait le rendre mortel ? […] quand je crie : Sauvez-moi, je ferai tout ce que l’on exigera pour m’en rendre digne ; me répondra-t-on : Meurs ?  […] Les circonstances étaient-elles difficiles, les esprits fatigués d’une longue discussion, on intimidés par le danger, un cri, un mot décisif s’échappait de sa bouche, sa tête se montrait effrayante de laideur et de génie, et l’assemblée éclairée ou raffermie rendait des lois, on prenait des résolutions magnanimes. […] Il ne se rendit pas toujours ce témoignage, et voulut trop tard pacifier les esprits qu’il avait passionnés.

87. (1881) Morceaux choisis des classiques français des xvie , xviie , xviiie et xixe siècles, à l’usage des classes de troisième, seconde et rhétorique. Prosateurs

Il est à croire que c’est ung chastiment paternel et que ceste necessité et pauvreté vous rendra capables de la cognoissance de Dieu. […] Travaille à présent et tu rendras honteux tes detracteurs. […] L’escripture de mon livre vous en rendra témoignage. […] Ce sont, Sire, les considérations qui me rendent hardy, quelque défiance que j’aye au reste, et qui ont fait que je n’ay craint de rendre au Pape la lettre que Vostre Majesté luy escrivoit. […] Étant si sage qu’il est, il a connu après tant d’expériences ce qui est le meilleur, et il tournera ses desseins à rendre cet État le plus florissant de tous, après l’avoir rendu le plus redoutable.

88. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Guizot Né en 1787 » pp. 247-250

Le besoin de faire mieux à l’avenir, si je ne me trompe ; il ne s’agit ni de le rendre malheureux d’un tort irréparable, ni de l’accabler sous le poids des regrets : il faut associer pour lui à l’idée de sa faute un vif désir de la réparer, et la certitude qu’il y parviendra, s’il le veut. […] Mais, pour vous en rendre dignes et capables, écartez de votre pensée les préoccupations étrangères ; concentrez vos forces sur l’étude profonde et désintéressée. […] C’est la jeunesse, ce sont ses ignorances naturelles et ses préoccupations passionnées qui nous rendent exclusifs et âpres dans nos jugements sur autrui. […] Toute vérité a ses écueils, aussi ajoutons : « Il faut rendre les enfants raisonnables, mais non pas raisonneurs.

89. (1868) Morceaux choisis des écrivains contemporains à l’usage des classes supérieurs de l’enseignement classique et spécial. Prose et poésie

qu’un jour, une heure, un instant, pouvaient le rendre mortel ? […] Guizot à une retraite prématurée, l’a rendu tout entier aux études historiques. […] Le domaine de Vitry, témoin de tant d’événements, fut le lieu où il se rendit d’abord. […] Elle demanda à un cocher de fiacre l’adresse de Marat, s’y rendit, et fut refusée. […] La force donc pouvait seule nous rendre maîtres du passage.

90. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Molière 1622-1672 » pp. 379-400

— Quand viendra-t-il, par son retour charmant, Rendre mon âme satisfaite ? […] Que de son cuisinier il s’est fait un mérite, Et que c’est à sa table à qui l’on rend visite2. […] Ce n’est point un esclave, mais un de ces valets roués et futés qui savent se rendre nécessaires. […] Il est sot, avantageux ; sans doute qu’il se veut rendre agréable à ses amis. […] Cherchez à vous faire estimer Plus qu’à vous rendre aimable.

91. (1882) Morceaux choisis des prosateurs et poètes français des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. Cours supérieur. Poètes (2e éd.)

« Tu m’as rendu la vie !  […] Jamais plus grands sentiments ne furent rendus dans une langue plus magnifique et plus sublime. […] Sa passion le rend mauvais fils, menteur improbe et amant infidèle. […] S’il rendit la comédie un peu sérieuse et froide, il sut au moins en conserver le caractère. […] Jamais en ce pays il ne pourra se rendre.

92. (1865) De la Versification française, préceptes et exercices à l’usage des élèves de rhétorique. Première partie. Préceptes. Conseils aux élèves.

Seigneur, je ne rends point compte de mes desseins Ma fille ignore encor mes ordres souverains ; Et, quand il sera temps qu’elle en soit informée, Vous apprendrez son sort, j’en instruirai l’armée. […] Ne courons-nous pas rendre Hélène à son époux ? […] Moi-même je vous rends le serment qui vous lie. […] De la Grèce déjà vous vous rendez l’arbitre : Ses rois, à vous ouïr, m’ont paré d’un vain titre. […] Ainsi, les passages défectueux de ce maître en versification tourneront encore à l’avantage des élèves, et serviront à rendre prudents nos jeunes versificateurs, Conduire le carrosse où l’ont le voit traîné.

93. (1867) Rhétorique nouvelle « Troisième partie. la rhétorique » pp. 194-

Que de ressources nouvelles nous vous apportons, ô Athéniens, et que nous allons vous rendre heureux ! […] A rendre meilleurs leurs concitoyens ? […] Si c’est votre ami qui s’est rendu coupable, ne le défendez pas, livrez-le, dans son intérêt, à la vindicte des lois. […] Des voyageurs se sont donné rendez-vous chez un ami dans une ville éloignée. […] Mais comment triompher des esprits, si on ne se rend maître des cœurs ?

94. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — André de Chénier 1762-1794 » pp. 480-487

— Tiens, mon unique enfant, mon fils, prends ce breuvage ; Sa chaleur te rendra ta force et ton courage. […] L’art de rendre l’imitation originale C’est ainsi que Phébus me verse ses largesses. […] Le 9 thermidor lui rendit la liberté. […] Si d’ailleurs quelque endroit plein chez eux d’excellence Peut entrer dans mes vers sans nulle violence, Je l’y transporte, et veux qu’il n’ait rien d’affecté, Tâchant de rendre mien cet air d’antiquité. […] Le 9 thermidor lui rendit la liberté.

95. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome I (3e éd.) « Première partie. De l’Art de bien écrire. — Section I. De l’Art d’écrire correctement. — Chapitre II. De l’arrangement des Mots. » pp. 87-179

Mais dans ce vers de La Fontaine : Ni l’or ni la grandeur ne nous rendent heureux. l’action est attribuée aux deux substantifs, parce que chacun d’eux, pris en particulier, ne peut nous rendre heureux. […] On dira donc : je ne suis pas surpris de la justice que vous ont rendue vos juges. = Vous savez les peines que m’a données cette affaire. […] Il faut, plutôt que de se rendre. […] Ces sortes de constructions rendent souvent la diction aisée, vive, naturelle, comme on le voit dans les charmantes lettres de madame de Sévigné.

96. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Racine 1639-1699 » pp. 415-440

Heureux, heureux mille fois L’enfant que le Seigneur rend docile à ses lois ! […] Je vous l’avais promis : Je vous rends le dépôt que vous m’avez commis1. […] Venez, famille désolée ; Venez, pauvres enfants qu’on veut rendre orpheline, Venez faire parler vos esprits enfantins. […] Altérer, rendre autre, changer, corrompre. […] Cela veut dire : « La nature, en tout l’univers, n’était, comme disent les Grecs, qu’un chaos, une masse informe et confuse. » Racine altère à dessein le deuxième vers, et le rend faux pour se moquer de l’Intimé.

97. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Napoléon Ier , 1769-1821 » pp. 428-446

Le génie de la liberté, qui a rendu, dès sa naissance, la république l’arbitre de l’Europe, veut qu’elle le soit des mers et des nations les plus lointaines. […] Les bataillons russes épouvantés fuyaient en déroute, ou, enveloppés, rendaient les armes à leurs vainqueurs. […] Elle m’a donné rendez-vous le 8. […] Elle m’a dit qu’elle m’avait souvent rendu des services ; eh bien ! […] Rendons-lui le coq des Gaulois ; Il sut aussi lancer la foudre.

98. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre cinquième. De l’Éloquence des Livres saints. — Chapitre II. De l’emploi des figures dans les écrivains sacrés. »

Voyez comme chacun des traits de ce petit tableau a son caractère de justesse et de vérité : comme cette image est naturelle, et comme les circonstances qui la développent concourent à en rendre l’effet plus touchant ! […] Voici maintenant comment Moïse, plus grand poète encore qu’Homère, va rendre cette même pensée, et faire une beauté de sentiment de ce qui n’est, dans l’écrivain profane, qu’une simple beauté de diction. […] Quand la tendre sollicitude d’un père et ses soins multipliés pour ses enfants ont-ils été rendus par des images plus vraies et sous des traits plus touchants que ce qu’on va lire ? […] Rends-lui tes premières faveurs, etc. […] ………………………………………………… Il est venu ce temps, l’espoir de nos aïeux, Où le fer, dont la dent rend les guérets fertiles, Sera forgé du fer des lances inutiles.

99. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre II. — Choix des Pensées »

Boileau a rendu cette image d’une manière encore plus expressive : Le chagrin monte en croupe ; et galope avec lui. […] Il manda les coupables qui venaient d’être condamnés à mort, les fit communier, traiter splendidement, puis rendre à la liberté, en disant : « On ne peut faire mourir ceux que Jésus-Christ vient d’admettre à sa table. […] Cette réponse si noble et si fière plut au vainqueur, qui rendit sur-le-champ à Porus la liberté et ses États. […] Si le long de vos bords Louis porte ses pas, Tâchez de l’adoucir ; fléchissez son courage ; Il aime ses sujets, il est juste, il est sage ; Du titre de clément rendez-le ambitieux : C’est par là que les rois sont semblables aux dieux. […] Ce n’est point sur le plan, sur la succession des idées que notre étude vient de porter, mais sur la manière dont les idées analogues sont rendues par les deux écrivains.

100. (1892) La composition française aux examens du baccalauréat de l’enseignement secondaire moderne, d’après les programmes de 1891, aux examens de l’enseignement secondaire des jeunes filles et aux concours d’admission aux écoles spéciales pp. -503

Son caractère de prêtre rend son rôle plus détestable encore. […] Il rend à la prose l’éloquence, mais il y fait entrer la déclamation. […] Voilà une partie de ce que La Bruyère a vu, ce que lui a prêté son siècle et ce qu’il lui a rendu. […] Il a rendu au public bien au delà de ce que celui-ci lui avait prêté. […] Il a d’abord et plus que personne peut-être, le don de bien voir et de rendre en perfection ce qu’il a vu.

101. (1875) Les auteurs grecs expliqués… Aristote, Poétique « Avant-propos de la première édition. » pp. -

Dans la traduction française, j’ai voulu surtout donner un calque fidèle de l’original et rendre sensibles les défauts comme les mérites du style d’Aristote. Ce caractère de scrupuleuse exactitude manquait souvent aux anciennes traductions de la Poétique : je l’ai recherché, même au détriment d’une élégance qui eût pu rendre plus agréable la lecture de ce petit ouvrage. Toutes les fois que l’excessive concision du texte rendait quelques additions nécessaires, elles sont distinguées avec soin du reste de la phrase, de façon que le lecteur en puisse juger au premier coup d’œil.

102. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Massillon, 1663-1742 » pp. 205-215

Les passions, les volontés injustes, les désirs excessifs et ambitieux que les princes mêlent à l’autorité, loin de l’étendre, l’affaiblissent ; ils deviennent moins puissants dès qu’ils veulent l’être plus que les lois ; ils perdent en croyant gagner : tout ce qui rend l’autorité injuste et odieuse l’énerve et la diminue1. […] Elle seule est la lumière de notre esprit, la règle de notre cœur, la source des vrais plaisirs, le fondement de nos espérances, la consolation de nos craintes, l’adoucissement de nos maux, le remède de toutes nos peines ; elle seule est la source de la bonne conscience, la terreur de la mauvaise, la peine secrète du vice, la récompense intérieure de la vertu ; elle seule immortalise ceux qui l’ont aimée, illustre les chaînes de ceux qui souffrent pour elle, attire des honneurs publics aux cendres de ses martyrs et de ses défenseurs, et rend respectables l’abjection ou la pauvreté de ceux qui ont tout quitté pour la suivre ; enfin, elle seule inspire des pensées magnanimes, forme des âmes héroïques, des âmes dont le monde n’est pas digne, des sages seuls dignes de ce nom. […] Donnez-lui tous les matins l’argent qu’il peut gagner chaque jour, à la charge qu’il ne joue point, vous le rendrez malheureux. » 1. […] notre arrêt est prononcé : nos crimes rendent notre condamnation certaine ; on nous laisse encore un jour pour éviter ce malheur et changer la rigueur de notre sentence éternelle ; et ce jour unique, et ce jour rapide, nous le passons indolemment en des occupations vaines, oiseuses, puériles ; et ce jour précieux nous est à charge, nous ennuie : nous cherchons comment l’abréger ; à peine trouvons-nous assez d’amusements pour en remplir le vide : nous arrivons au soir sans avoir fait d’autre usage du jour qu’on nous laisse, que de nous être rendus encore plus dignes de la condamnation que nous avions déjà méritée. […] Comme donc elle se sent piquée d’un certain appétit qui la rend affamée de quelque bien hors de soi, elle se jette avec avidité sur l’objet des choses créées qui se présentent à elle, espérant s’en rassasier ; mais ce sont viandes creuses, qui ne sont pas assez fortes et n’ont pas assez de corps pour la sustenter ; au contraire, la retirant de Dieu, qui est sa véritable et solide nourriture, ils la jettent insensiblement dans une extrême nécessité et dans une famine désespérée. »

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