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97. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section cinquième. La Tribune académique. — Chapitre VI. Analyse du discours sur l’esprit philosophique, par le P. Guénard. »

On ne saurait trop regretter, avec M. le cardinal Maury, que l’écrivain, beaucoup trop resserré dans les bornes d’une demi-heure de lecture, ne les ait pas franchies, au lieu de sacrifier son sujet à cette loi du concours, et qu’il se soit réduit à une ébauche, en appliquant uniquement les rapports de l’esprit philosophique à la religion, à l’éloquence et à la poésie, tandis qu’il aurait dû en étendre les effets à l’agriculture, aux beaux-arts, à l’administration, à la société, enfin à tous les autres objets scientifiques, moraux, politiques, littéraires, etc., sur lesquels s’exerce visiblement son influence. […] Quel morceau, par exemple, que celui-ci, sur l’accord de la philosophie avec la la poésie et l’éloquence ! […] Vous n’apportez que des vérités tranquilles, un tissu de réflexions inanimées : cela peut éclairer l’esprit ; mais le cœur qui veut être remué, l’imagination qui veut être échauffée, demeurent dans une triste et fatigante inaction : une poésie morte et des discours glacés, voilà tout ce que l’esprit philosophique pourra tirer de lui-même : il enfante, et ne peut donner la vie.

98. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Chefs-d’œuvre de poésie. — J. B. Rousseau. (1671-1741.) » pp. 254-266

Au préjudice de la réputation de Rousseau, qu’on a parfois trop déprimée de nos jours, la poésie lyrique devait trouver, vers la fin du dernier siècle et au commencement du nôtre, une source nouvelle d’inspirations touchantes et sublimes1. […] « Cette cantate de Circé, dit La Harpe, est un morceau à part ; elle a toute la richesse et l’élévation des plus belles odes de Rousseau, avec plus de variété : c’est un des chefs-d’œuvre de la poésie française. » 5. […]  » Pour ce genre de poésies, dont Rousseau fit présent à notre langue, « il semble, comme l’a remarqué Le Brun, qu’il s’est plu à réserver toute la flexibilité de son beau talent : elles suffiraient pour le placer au plus haut rang, parce qu’il y développe toutes les qualités qui font le grand poëte ».

99. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Delille 1738-1813 » pp. 464-472

Delille 1738-1813 [Notice] Né à Clermont, professeur d’humanités au collége de la Marche, puis de poésie latine au Collége de France, Delille se recommande surtout par sa traduction des Géorgiques que Chateaubriand comparait à un tableau de Raphaël copié par Mignard. […] Comparez à l’élégie d’Hégésippe Moreau sur la Voulzie, jolie rivière du pays où s’écoula son enfance : S’il est un nom bien doux, fait pour la poésie, Oh ! […] Cette pièce est le chef-d’œuvre et la condamnation du genre, c’est-à-dire de cette poésie artificielle qui décrit pour décrire et montrer son savoir-faire.

100. (1875) Les auteurs grecs expliqués… Aristote, Poétique « Commentaire sur la Poétique d’Artistote. — Chapitre XV. » pp. 109-111

Racine, Réflexions sur la poésie, p. 203, éd. 1747. […] « Le poëte doit observer toutes ces choses et prendre garde surtout de ne rien faire qui choque les sens qui jugent de la poésie, c’est-à-dire les oreilles et les yeux : car il y a plusieurs manières de les choquer, j’en ai parlé dans d’autres discours où je traite de cette matière. » (Trad. de Racine.)

101. (1850) Rhétorique appliquée ou recueil d’exercices littéraires. Préceptes « Préface. »

Homère fut le père de la poésie ancienne, c’est le créateur de l’épopée ; Virgile n’a fait que l’imiter. — Démosthène fut le père de l’éloquence et le modèle de Cicéron. — Le grand Corneille a été le père de la poésie française et a tellement contribué à la perfection de Racine, qu’il est permis de se demander si, sans Corneille, Racine eût fait ses chefs-d’œuvre.

102. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Voiture 1598-1648 » pp. 15-17

Il y représente la poésie légère, au lendemain de Malherbe, et le badinage frivole près du solennel Balzac. […] Ses lettres et ses poésies légères sont, au dix-septième siècle, un monument unique où brillent les qualités les plus rares, infiniment d’esprit, une verve comique inépuisable qui part et jaillit à tout propos, une hardiesse qui se permet tout, avec un art qui sait tout dire. » 3.

103. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Voltaire 1694-1778 » pp. 445-463

Ses comédies ne font rire qu’à ses dépens ; mais il reste sans rival dans la poésie légère, badine et philosophique. […] « Il entre souvent dans la poésie, mais il en sort aussitôt. […] Car il y eut de la poésie dans sa philosophie. […] Ce fragment nous offre un des modèles de la poésie légère, dans laquelle Voltaire excella.

104. (1885) Morceaux choisis des classiques français, prose et vers, … pour la classe de rhétorique

La lecture de notre poésie doit tenir le milieu entre l’uniformité de la prose et cette sorte de chant rhythmé qui marquerait tous les temps et toutes les cadences du vers. […] En effet, outre son vocabulaire et ses licences, la poésie a aussi son rhythme et sa mélodie ; c’est par là qu’elle charme et remplit doucement l’oreille ; briser ce rhythme, c’est dépouiller la poésie de son agrément musical, c’est méconnaître un de ses caractères essentiels. […] Les lettres, quoi qu’on en dise, les lettres, à travers des écarts qu’il faut déplorer, auront marqué d’une trace brillante le siècle dont nous n’avons encore vu que la moitié : la poésie lyrique a pris un puissant essor ; la poésie rêveuse et contemplative s’est élevée vers des régions nouvelles, et a sondé plus profondément les replis du cœur ; la chanson a été portée à la hauteur de l’ode patriotique et sociale par un poète cher à la patrie. […] Enfin si la poésie dramatique, qui fut naguère le champ de bataille des doctrines rivales, semble aujourd’hui languir, c’est peut-être que le drame sérieux qui se joue à la clarté du soleil sur tous les points du monde, fait paraître un peu frivoles les catastrophes imaginaires de la scène ; et sur les travers de tous exposés au grand jour par un Aristophane aux mille noms, la liberté de la presse fait, il faut l’avouer, une formidable concurrence à la comédie. […] La Poésie Chasser tout souvenir et fixer la pensée, Sur un bel axe d’or la tenir balancée, Incertaine, inquiète, immobile pourtant ; Éterniser peut-être un rêve d’un instant ; Aimer le vrai, le beau, chercher leur harmonie ; Écouter dans son cœur l’écho de son génie ; Chanter, rire, pleurer, seul, sans but, au hasard ; D’un sourire, d’un mot, d’un soupir, d’un regard ; Faire un travail exquis, plein de crainte et de charme, Faire une perle d’une larme : Du poète ici-bas voilà la passion, Voilà son bien, sa vie et son ambition.

105. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XXI. des figures  » pp. 289-300

Il en est de ce langage comme de la poésie dont il est un des caractères distinctifs. […] La poésie est la langue des enfants et des dieux, la prose est celle des hommes. Si parfois la poésie fait encore entendre de nos jours une voix aussi pure et aussi brillante que dans les temps antérieurs, ce ne sont que des accents personnels, en quelque sorte, presque toujours sans écho, perdus dans la foule qui ne les écoute pas, et auxquels renonce le poëte lui-même, à mesure qu’il avance dans la société et se mêle à la vie active et réelle.

106. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Chefs-d’œuvre de poésie. — L. Racine. (1692-1763.) » pp. 267-276

« Jamais l’éducation des oiseaux, dit La Harpe, n’a été mieux traitée en poésie. » — Sur les nids des oiseaux, on peut lire un charmant passage dans le Génie du Christianisme de Châteaubriand, Ier part., liv.  […] Il y a là plus que le mérite d’un bon versificateur, comme Voltaire appelait le fils du grand poëte Racine : il y a de l’émotion, cette âme de la véritable poésie. […] Louis Racine n’en conservera pas moins l’honneur d’avoir exprimé le premier, avec grandeur et souvent avec poésie, beaucoup d’idées qui semblaient jusque-là, parmi nous, exclues du domaine des vers.

107. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Descartes, 1596-1650 » pp. 11-20

Je savais que les langues que l’on y apprend sont nécessaires pour l’intelligence des livres anciens ; que la gentillesse des fables réveille l’esprit ; que les actions mémorables des histoires le relèvent, et qu’étant lues avec discrétion elles aident à former le jugement ; que la lecture de tous les bons livres est comme une conversation avec les plus honnêtes gens des siècles passés, qui en ont été les auteurs, et même une conversation étudiée en laquelle ils ne nous découvrent que les meilleures de leurs pensées ; que l’éloquence a des forces et des beautés incomparables ; que la poésie a des délicatesses et des douceurs très-ravissantes ; que les mathématiques ont des inventions très-subtiles, et qui peuvent beaucoup servir tant à contenter les curieux qu’à faciliter tous les arts et diminuer le travail des hommes ; que les écrits qui traitent des mœurs contiennent plusieurs enseignements et plusieurs exhortations à la vertu qui sont fort utiles ; que la théologie enseigne à gagner le ciel ; que la philosophie donne moyen de parler vraisemblablement1 de toutes choses et de se faire admirer des moins savants ; que la jurisprudence, la médecine et les autres sciences apportent des honneurs et des richesses à ceux qui les cultivent ; et enfin, qu’il est bon de les avoir toutes examinées, même les plus superstitieuses et les plus fausses2, afin de connaître leur juste valeur et se garder d’en être trompé. […] J’estimais fort l’éloquence, et j’étais amoureux de la poésie ; mais je pensais que l’une et l’autre étaient des dons de l’esprit plutôt que des fruits de l’étude. […] « Quoique ce mot soit peu usité, comme il reste dans la locution heur et malheur, il n’est pas impossible de le bien employer en poésie ou dans la prose élevée. » (Dictionnaire de M Littré.)

108. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Madame de Staël 1766-1817 » pp. 218-221

Corinne disait encore : « Il y a dans les plus petites villes d’Italie un théâtre, de la musique, des improvisateurs, beaucoup d’enthousiasme pour la poésie et les arts, un beau soleil ; enfin, on y sent qu’on vit ; mais je l’oubliais tout à fait dans la province que j’habitais, et j’aurais pu, ce semble, envoyer à ma place une poupée légèrement perfectionnée par la mécanique, elle aurait très-bien rempli mon emploi dans la société. […] Corinne disait encore : « Il y a dans les plus petites villes d’Italie un théâtre, de la musique, des improvisateurs, beaucoup d’enthousiasme pour la poésie et les arts, un beau soleil ; enfin, on y sent qu’on vit ; mais je l’oubliais tout à fait dans la province que j’habitais, et j’aurais pu, ce semble, envoyer à ma place une poupée légèrement perfectionnée par la mécanique, elle aurait très-bien rempli mon emploi dans la société.

109. (1876) Traité de versification latine, à l'usage des classes supérieures (3e éd.) « SECONDE PARTIE. DE LA VERSIFICATION LATINE. — CHAPITRE V. Autres sortes de vers. » pp. 332-338

Outre les vers hexamètres et pentamètres, la poésie latine en comprenait beaucoup d’autres dont la mesure avait été empruntée aux poëtes grecs. […] Ce vers, qui convient à la poésie légère, était d’un fréquent usage chez les Latins.

110. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Racine, 1639-1699 » pp. 150-154

Pierre Corneille jugé par Racine 1 Vous, monsieur, qui non-seulement étiez son frère, mais qui avez couru longtemps une même carrière avec lui, vous savez les obligations que lui a notre poésie ; vous savez en quel état se trouvait la scène française lorsqu’il commença à travailler. […] Oui, monsieur, que l’ignorance rabaisse tant qu’elle voudra l’éloquence et la poésie, et traite les habiles écrivains de gens inutiles dans les États, nous ne craindrons point de dire, à l’avantage des lettres et de ce corps fameux dont vous faites maintenant partie, que du moment que des esprits sublimes, passant de bien loin les bornes communes, se distinguent, s’immortalisent par des chefs-d’œuvre comme ceux de monsieur votre frère, quelque étrange inégalité que, durant leur vie, la fortune mette entre eux et les plus grands héros, après leur mort cette différence cesse : la postérité, qui se plaît, qui s’instruit dans les ouvrages qu’ils lui ont laissés, ne fait point de difficulté de les égaler à tout ce qu’il y a de plus considérable parmi les hommes, et fait marcher de pair l’excellent poëte et le grand capitaine.

111. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome I (3e éd.) « Première partie. De l’Art de bien écrire. — Section II. De l’Art d’écrire agréablement. — Chapitre I. Du style. » pp. 181-236

Un précepteur est un homme qui instruit des enfants ; et assurément on ne peut pas donner au goût d’un individu la figure d’une personne, quoiqu’en poésie on personnifie le goût en général, et qu’on le représente sous la forme d’un Dieu. […] Elles prêtent à l’éloquence ses plus grands mouvements, à la poésie son plus beau coloris ; elles sont comme l’âme et la vie de l’une et de l’autre. […] La disette des mots propres a d’abord donné lieu aux métaphores : elles ont ensuite servi à grossir les trésors de l’éloquence et de la poésie. […] C’est en ce sens qu’en parlant des Dieux du paganisme, on prend Vulcain, pour le feu : Mars, pour la guerre ; Neptune, pour la mer ; Apollon, pour la poésie, etc. […] Homère et Virgile s’en sont servis dans la poésie épique.

112. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre VIII. Petites pièces anciennes. »

Voici un très joli rondeau d’Adam Billaut, menuisier de Nevers sous Louis XIV, qui, sans aucune littérature, devint poète dans sa boutique, et dont les poésies, qui roulent toutes sur le vin, sont pleines de verve et d’originalité : Pour te guérir de cette sciatique Qui te retient, comme un paralytique, Entre deux draps sans aucun mouvement, Prends-moi deux brocs d’un fin jus de sarment, Puis lis comment on les met en pratique. […] Et nous pouvons répéter aujourd’hui ce qu’a dit Boileau, il y a plus d’un siècle et demi : Mais en vain mille auteurs y pensent arriver, Et cet heureux phénix est encore à trouver. » Sans nous arrêter à cette opinion bizarre qui ne veut pas qu’une petite pièce de poésie soit jamais parfaite qui a fait ses règles exprès pour qu’elle ne le fût pas, et qui, le fût-elle, trouverait encore facilement à y reprendre ; citons ici deux sonnets de caractère moyen, où l’on verra comment on a pu tirer parti de cette coupe difficile, et dire pourtant de très jolies choses.

113. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Thiers Né en 1797 » pp. 265-270

La poésie de l’histoire J’ai toujours considéré l’histoire comme l’occupation qui convenait le mieux à nos contemporains. […] Cette longue comparaison est, je le crois, la vraie préparation de l’esprit à cette épopée de l’histoire, qui n’est pas condamnée à être décolorée, parce qu’elle est exacte et positive ; car l’homme réel qui s’appelle tantôt Alexandre, tantôt Annibal, César, Charlemagne, Napoléon, a sa poésie, comme les personnages de la fable qui s’appellent Achille, Énée, Roland ou Renaud.

114. (1873) Principes de rhétorique française

Extension des règles de la rhétorique a la science et a la poésie. […] C’est le fruit des observations faites par les critiques sur les discours des plus grands orateurs ; elle est à l’éloquence ce que la grammaire est au langage, ce que la poétique est à la poésie, ce que la logique est au raisonnement. […] La rhétorique est donc aussi l’art d’écrire, puisque le discours est la forme littéraire la plus achevée et la plus riche ; le discours comporte tous les sujets, tous les tons, tous les styles ; il est la forme suprême de la prose, comme le drame est la forme suprême de la poésie. […] 3° Une classification raisonnée des formes de style et la détermination précise des caractères qui distinguent la prose de la poésie. […] Rousseau dit, dans le style figuré de la poésie : J’ai vu mes tristes journées Décliner vers leur penchant ; Au midi de mes années Je touchais à mon couchant.

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