/ 238
67. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section II. Des Ouvrages en Vers. — Notions préliminaires. »

Mais, pour être vraiment poète, il faut inventer et peindre. […] Lorsque le célèbre peintre Zeuxis voulut peindre une beauté parfaite, il pensa bien qu’il ne pourrait pas en trouver un modèle existant dans la nature. […] De l’art de peindre. […] Ce que fait le poète pour peindre.

68. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) «  Chapitre XXIV. des figures. — figures par rapprochement d’idées opposées  » pp. 339-352

Tandis que la fierté indomptable et la téméraire ardeur de la jeunesse respiraient sur son front et dans ses regards, l’amère ironie, le profond mépris pour Rome et la cour esclave qu’elle s’asservissait, se peignaient dans les coins relevés de cette bouche dédaigneuse. […] Peindrai-je son jupon bigarré de latin… ? […] Prétérition : Pendant la nuit de la Saint-Barthélemy on n’entendit que le tumulte et les cris, le sang ruisselait de tous côtés dans Paris ; on trouvait le fils assassiné sur le corps de son père, le frère mort avec la sœur et la fille avec mère Je ne vous peindrai point le tumulte et les cris, Le sang de tous côtés ruisselant dans Paris ; Le fils assassiné sur le corps de son père Le frère avec la sœur, la fille avec sa mère… Voltaire, Henriade.

69. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Saint-Simon, 1675-1755 » pp. 223-233

Tous les assistants étaient des personnages vraiment expressifs ; il ne fallait qu’avoir des yeux, sans aucune connaissance de la cour, pour distinguer les intérêts peints sur les visages, ou le néant de ceux qui n’étaient de rien : ceux-ci tranquilles à eux-mêmes, les autres pénétrés de douleur ou de gravité et d’attention sur eux-mêmes, pour cacher leur élargissement1 et leur joie. […] Monseigneur n’était plus ; on le savait, on le disait, nulle contrainte ne retenait plus à son égard, et ces premiers moments étaient ceux des premiers mouvements peints au naturel et pour lors affranchis de toute politique, quoique avec sagesse, par le trouble, l’agitation, la surprise, la foule, le spectacle confus de cette nuit si rassemblée. […] Le désespoir le plus amer était peint avec horreur sur son visage.

70. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Prosper Mérimée Né en 1803 » pp. 286-290

Nul ne sait plus adroitement conduire une action, soutenir le rôle d’un personnage imaginaire, faire parler un caractère, peindre une physionomie, préméditer ses effets, les préparer dans leurs causes, émouvoir par la logique de ses combinaisons, créer d’emblée l’ensemble et les détails d’une fable, en un mot, construire un mécanisme si savant que le dénoûment se déduit comme une conséquence de ses prémisses. […] Du sommet on voyait percer l’extrémité d’une croix de bois peinte en noir.

71. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Nisard Né en 1806 » pp. 296-300

Moraliste pénétrant, il excelle aussi dans l’art de peindre les traits d’un caractère et d’un esprit. […] En voyant peint si au vif ce qu’ils ont senti, ils s’exercent à sentir vivement.

72. (1881) Cours complet de littérature. Poétique (3e éd.) « Poétique — Première partie. De la poésie en général — Chapitre premier. Des caractères essentiels de la poésie » pp. 9-15

Le poète, nous l’avons dit, a une manière particulière d’envisager et de peindre ce qui le frappe. […] La poésie ne se borne pas à peindre ce qui existe.

73. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome I (3e éd.) « Première partie. De l’Art de bien écrire. — Section II. De l’Art d’écrire agréablement. — Chapitre I. Du style. » pp. 181-236

La pensée est hardie, lorsque l’objet, dont elle est l’image, se peint dans l’esprit avec des couleurs extraordinaires. […] La pensée est vive, lorsque l’objet qu’elle représente, se peint d’un seul trait dans l’esprit. […] La pensée est délicate, lorsque l’objet qu’elle représente, ne se peint qu’en partie, de manière pourtant que le reste puisse être aisément deviné. […] C’est de lui que nous vient cet art ingénieux De peindre la parole et de parler aux yeux, Et par des traits divers de figures tracées, Donner de la couleur et du corps aux pensées. […] La répétition des conjonctions sert souvent à peindre avec plus d’agrément et d’énergie ; comme on le voit dans ces vers du Lutrin : Il terrasse lui seul et Guibert, et Grasset, Et Gorillon la basse, et Grandin le fausset, Et Gerbais l’agréable, et Guérin l’insipide.

74. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section troisième. La Tribune sacrée. — Chapitre VI. Massillon. »

Partout Massillon persuade, parce que l’intérêt de ses auditeurs est le seul qui l’occupe ; parce qu’il semble n’être monté en chaire que pour les prévenir du danger qui les menace ; et ce danger, il en est lui-même si pénétré, il le peint de couleurs si vraies, soutenues de preuves si convaincantes, toujours puisées dans la nature et dans le cœur de l’homme, que l’on ne peut pas ne pas rester convaincu avec lui de la réalité et de l’importance des vérités qu’il annonce. […] Rapprochons un moment de Masillon un homme dont les philosophes récuseront peut-être l’autorité, par cela seul qu’il a raison ici, et qu’il a eu raison surtout de mépriser certains philosophes, qu’il connaissait bien, et qu’il a peints, comme il peignait tout ce qu’il sentait fortement.

75. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome I (3e éd.) « Première partie. De l’Art de bien écrire. — Section III. De l’Art d’écrire pathétiquement. — Chapitre II. De l’Éloquence. » pp. 318-338

On répond à cela qu’au moment où ces Auteurs ont écrit, ils ont dû nécessairement être remplis de l’amour de ces vertus : et comment auraient-ils pu nous les peindre si dignes d’être aimées ? […] Persuader est le propre de l’éloquence : peindre est le propre de la poésie. […] S’il peint par des images, ces images sont moins fortes que gracieuses : s’il exprime des sentiments, ces sentiments portent dans l’âme une émotion plus douce que vive.

76. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Fénelon, 1651-1715 » pp. 178-204

qu’il y a de grandeur à se rabaisser ainsi, pour se proportionner à tout ce qu’on peint, et pour atteindre à tous les divers caractères ! […] D’ailleurs, un poëte est un peintre qui doit peindre d’après nature, et observer tous les caractères. […] Ceux d’entre les anciens qui ont excellé ont peint avec force et grâce la simple nature. […] Il faut suivre la nature dans ses variétés : après avoir peint une superbe ville, il est souvent à propos de faire voir un désert et des cabanes de bergers. […] « Chacun se peint sans y penser dans ce qu’il écrit », dit Fénelon ; oui : ajoutons que chacun prend son idéal tout près de lui ; on le voit bien dans ces conseils.

77. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre I. — Défauts et qualités de la phrase »

L’harmonie imitative ne doit pas mener l’écrivain jusqu’à la licence, c’est-à-dire, ne doit pas lui faire créer de nouveaux termes : ce que les anciens se sont souvent permis sous le nom d’Onomatopée ; mais elle choisit les mots, qui, par le son ou la prosodie de leurs syllabes, paraissent propres à peindre l’objet. […] Racine voulant peindre le monstre qui s’élance sur Hippolyte, emploie des mots qui représentent bien les efforts de cet animal furieux : Indomptable taureau, dragon impétueux, Sa croupe se recourbe en replis tortueux. […] Chateaubriand, en décrivant le spectacle d’une belle nuit dans les déserts du Nouveau-Monde, peint avec perfection le retentissement immensément prolongé dans le lointain du bruit de la cataracte du Niagara : « Tout était silence et repos, hors la chute de quelques feuilles, le passage brusque d’un vent subit, les gémissements rares et interrompus de la hulotte ; mais au loin, par intervalles, on entendait les roulements solennels de la cataracte du Niagara, qui, dans le calme de la nuit, se prolongeaient de désert en désert, et expiraient à travers les déserts solitaires. » Delille représente parfaitement le bruit que fait le moulin pour réduire le café en poudre : Moi seul contre la noix qu’arment ses dents de fer, Je fais en le broyant crier son fruit amer. […] En lisant cette période poussant avec un courage invincible les ennemis qu’il avait réduits à une fuite honteuse, il nous semble que nous voyons Macchabée, chassant devant lui, par la puissance de ses armes, les ennemis d’Israël ; reçoit le coup mortel ; phrase courte, finissant par une brève et qui peint bien qu’il vient d’être frappé sans retour ; et demeure comme enseveli dans son triomphe, enseveli est une expression qui fait image et l’orateur termine à dessein par les mots dans son triomphe composés de syllabes sourdes qui retentissent lugubrement, et qui annoncent la chute d’un homme puissant et glorieux.

78. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Molière 1622-1672 » pp. 379-400

Molière 1622-1672 [Notice] Molière a peint avec une vérité saisissante tous les types de la physionomie humaine ; il met en scène la cour, la ville et la province : bourgeois et nobles, marchands, médecins et hommes de lois, pédants, fâcheux, fanfarons, fripons, servantes, valets et maîtres, bel esprit, faux savoir, avarice, prodigalité, faiblesse, égoïsme, entêtement, malveillance, vanité, sottise, jalousie, libertinage, misanthropie, irréligion, hypocrisie, en un mot, son siècle, et avec lui l’humanité tout entière. […] Pour bien peindre les gens vous êtes admirable. […] Mignard, Pierre, séjourna vingt ans à Rome, revint en France, et peignit à fresque la coupole du Val-de Grâce. […] Jamais encore on n’avait peint l’homme, dans cette sphère de la vie, avec une vérité si profonde ; jamais on n’avait saisi avec cette sagacité pénétrante les caractères, leurs traits saillants et leurs nuances variées ; jamais on n’était descendu aussi avant dans les obscurs replis où se cachent les ressorts des actions humaines.

79. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section cinquième. La Tribune académique. — Chapitre IV. Thomas. »

Voici l’idée qu’il s’en forme, et de quels traits il le caractérise : « J’aime à me peindre ce citoyen généreux méditant dans son cabinet solitaire. […] Thomas continue : « Il (l’homme de lettres) peint les infortunés qui gémissent.

80. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Chapitre XIV. Genre historique. »

L’histoire détaillée est plus instructive, plus attachante ; elle offre plus de prise à l’imagination, parce qu’elle peint les événements et les caractères, et qu’elle met en relief les mœurs, les lois et les institutions. […] Si elle peint les hommes et les choses sous des couleurs vraies et saisissantes, si elle dessine avec justesse et originalité les caractères, si dans un récit simple et clair elle mêle une certaine chaleur tempérée de dignité et de noblesse, elle ne peut manquer d’intéresser le lecteur.

81. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Chefs-d’œuvre de poésie. — Gresset. (1709-1777.) » pp. 291-296

Le Méchant, 1747, où la frivolité et la fatuité du xviiie siècle ont été peintes à merveille, où surtout a été pris comme sur le fait ce ton de légèreté et de persifflage des salons à la mode, dont cette pièce est, comme l’a dit M.  […] La Fontaine, inspiré par ce souvenir, et à qui il semble que Gresset ait pris quelquefois sa naïveté et son abandon, s’est peint lui-même dans les vers suivants : Papillon du Parnasse et semblable aux abeilles, A qui le bon Platon compare nos merveilles, Je suis chose légère et vole à tout sujet ; Je vais de fleur en fleur et d’objet en objet.

82. (1854) Éléments de rhétorique française

Ils ont dû surtout employer cette méthode pour peindre ce qui se passait au dedans d’eux-mêmes. […] Quand on eut trouvé le moyen de peindre les mots, on ne tarda pas a en découvrir les lois. […] La lumière décomposée peint les nuages, et forme ces couleurs brillantes qui précèdent le lever du soleil. […] Fléchier veut peindre le caractère de M. […] Ses yeux étincelaient ; la cruauté était peinte dans tous ses traits.

83. (1827) Résumé de rhétorique et d’art oratoire

Ces hiéroglyphes consistaient en certaines figures naturelles destinées à peindre non seulement ce qu’elles représentaient, mais encore à éveiller, comme symboles et allusions, l’idée de divers objets non susceptibles d’être peints, en raison de l’analogie et de la ressemblance que ces symboles étaient supposés avoir avec ces objets. […] Il ne se borne pas à communiquer nos idées et nos pensées, il sert à peindre nos sentiments. […] Son imagination, remplie et vivement sollicitée par son sujet, le peint avec le langage figuré que parle naturellement l’imagination. […] Démosthène, au contraire, ressemble à un torrent irrésistible, il terrasse son adversaire, et le peint avec les plus noires couleurs. […] La conduite de Verrès, dans cette circonstance, est peinte de la manière la plus vive et avec les couleurs les plus propres à exciter contre lui l’indignation publique.

84. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Chefs-d’œuvre de poésie. — Gilbert. (1751-1780.) » pp. 297-303

Maudit soit à jamais le pointilleux sophiste2 Qui le premier nous dit en prose d’algébriste : Vains rimeurs, écoutez mes ordres absolus ; Pour plaire à ma raison, pensez, ne peignez plus ! […] Chénier, dans une de ses Élégies, comme par un pressentiment de son propre sort : Je meurs : avant le soir j’ai fini ma journée… Voy., au contraire, de quelles couleurs Delille a peint un vieillard plein de jours, poëme de l’Imagination, chant VI.

/ 238