Lorsqu’un objet important exaltait son âme, et exigeait de la force et de l’indignation, il abandonnait le ton déclamatoire, et le remplaçait par la force et la véhémence ; et l’homme vraiment éloquent, qui foudroie Antoine, Verrès et Catilina, n’est plus l’orateur fleuri, l’écrivain élégant qui parlait pour Marcellus, pour Ligarius ou pour le poète Archias. […] Personne, parmi les anciens, n’a saisi, avec plus de finesse que Plutarque, les rapports qui existent entre ces deux orateurs, et aucun écrivain moderne ne les a plus clairement exposés que La Harpe. […] Démosthène et Cicéron ne sont plus, à proprement parler pour nous, que des écrivains : nous ne les entendons plus, nous les lisons ; et cette différence de point de vue est grande.
« Ces écrivains, dit-il, n’ont point de style, ou, si l’on veut, ils n’en ont que l’ombre : le style doit graver des pensées ; ils ne savent que tracer des paroles ». […] M. le cardinal Maury n’est ni moins juste, ni par conséquent moins sévère, lorsqu’il dit, en parlant du même écrivain, que son style effarouche et blesse trop souvent la délicatesse du goût . Et un peu plus loin, à propos de l’Éloge de Marc-Aurèle, « que le goût sain de l’antiquité demanderait que les pénibles efforts de l’écrivain y fussent moins visibles au lecteur, qui regrette de ne pas découvrir autant de facilité et de naturel dans le style qu’il admire souvent de nerf et d’elévation dans les idées ».
On voit bien que ce que je dis ici du peintre, doit s’appliquer à l’écrivain. […] Si donc un écrivain nous trace le caractère d’un roi, connu dans l’histoire, ou qui n’a pas existé, mais qui a pu exister ; il imitera la nature. […] Mais c’est là l’effet que voulait produire l’écrivain, lorsqu’il nous en a offert la description.
Les Pensées, quoique restées imparfaites, ont mis le comble à la gloire de Pascal comme écrivain. […] Villemain, qui a traité « de Pascal considéré comme écrivain et comme moraliste » ; M. […] Villemain dans l’éloquent morceau sur Pascal que contiennent ses Mélanges, le passage où cet écrivain décrit avec une admirable énergie la longue et étrange guerre de la violence et de la vérité… Démosthène, Chrysostome ou Bossuet, inspirés par la tribune, ont-ils rien de plus fort et de plus sublime que ces paroles jetées à la fin d’une lettre polémique ?
La correspondance familière des grands écrivains ou des personnages remarquables offre un vif intérêt ; on aime à y chercher des traits particuliers de caractère et des détails intimes qu’il est impossible de trouver ailleurs. […] Parmi les écrivains dont la correspondance, tombée dans le domaine public, a de la célébrité, citons Cicéron, Pline le Jeune, Henri IV, Balzac, Voiture, Bossuet, Fénelon, Racine, madame de Sévigné, madame de Maintenon, Voltaire, Paul-Louis Courier.
Aussi les affaiblit-on nécessairement, quand on s’efforce de les embellir ; et c’est un caractère de mérite qui les distingue bien particulièrement de tous les autres écrivains. […] Cette dernière comparaison n’est point dans l’original ; mais elle est si bien dans la manière antique, elle se reproduit si fréquemment dans les écrivains sacrés, qu’elle n’a point ici l’air étrangère, et qu’elle est bien loin de défigurer ce beau morceau. […] Treneuil a bien conçu tout le parti qu’un écrivain pouvait retirer de l’étude et de la connaissance des livres saints, sources toujours fécondes, toujours ouvertes à quiconque y voudra puiser le vrai beau. […] Mais c’est moins encore par les beautés de détails, par des traits épars et isolés, que cette étude peut influer sur une composition quelconque ; c’est par le ton général, par la couleur religieuse qu’elle prête au style par l’onction dont elle pénètre les sentiments, par la grandeur enfin qu’elle donne aux pensées C’est là ce qui constitue la véritable originalité ; ce qui fait d’un écrivain un homme à part, et donne à toutes ses productions un caractère particulier. […] Que l’on mette ici, à la place de l’écrivain sensible, un de nos enjoliveurs modernes, ou l’un de ces graves et lourds prédicateurs de perfection morale, qui se croient bonnement appelés à convertir le genre humain, dont ils ont, et à qui ils inspirent une égale pitié, et l’on aura des mots harmonieusement cadencés, des vers étincelants d’antithèses et d’esprit, ou des phrases prodiguées sans mesure, et des sentences, des maximes étalées avec prétention.
Il a justifié l’éloge comme la censure ; mais tous, amis ou ennemis, s’accordent à reconnaître qu’il fut le plus universel de tous nos écrivains. […] Ses comédies ne font rire qu’à ses dépens, mais il reste sans rival dans la poésie légère, badine et philosophique Historien, il a laissé des monuments : Charles XII, récit achevé qui allie l’art de conter simplement à la sûreté d’une critique consciencieuse, et le Siècle de Louis XIV, qui nous montre l’ami des arts, du luxe et de la civilisation, l’écrivain inimitable qui aurait produit un chef-d’œuvre, si le plan de son livre n’était défectueux. […] Vous verrez que nos bons écrivains, Fénelon, Bossuet, Racine, Despréaux, employaient toujours le mot propre. […] D’Argenson disait en parlant de Voltaire, âgé de quarante ans (1734) : « Plaise au ciel que la magie de son style n’accrédite pas de fausses opinions et des idées dangereuses ; qu’il ne déshonore pas ce style charmant en prose et en vers, en le faisant servir à des ouvrages dont les sujets soient indignes et du peintre et du coloris, que ce grand écrivain ne produise pas une foule de mauvais copistes, et qu’il ne devienne pas le chef d’une secte à qui il arrivera, comme à bien d’autres, que les sectateurs se tromperont sur les intentions de leur patriarche ! […] Il veut dire que les écrivains d’aujourd’hui ne valent pas ceux du bon vieux temps.
Le goût de l’écrivain doit le guider en cela. […] Principaux écrivains didactiques : Grecs.
Un Auteur qui produit un Ouvrage sur une matière que tant d’autres Écrivains ont traitée, s’impose l’obligation de dire pourquoi il le fait. […] Il était également essentiel de faire connaître les meilleurs modèles en tous les genres ; et, dans cette vue, j’ai terminé chaque article par une notice plus ou moins longue des plus célèbres Écrivains, soit anciens, soit modernes.
Il est peu d’écrivains qui aient été jugés avec plus de sévérité, ou exaltés avec plus d’enthousiasme que M. de La Harpe ; et l’exagération a été aussi odieuse d’un côté que ridiculement affectée de l’autre ; en sorte que l’on peut dire de lui que le zèle indiscret de ses amis n’a pas moins contribué à troubler son repos, que l’acharnement de ses ennemis. […] Il est difficile qu’un écrivain conserve le même ton, le même caractère dans ses ouvrages, à des époques et dans des circonstances aussi différentes que celles que nous venons d’assigner. […] Voilà quant aux dispositions générales : le plus ou moins de succès dans l’exécution dépendra ensuite du plus ou moins de talent dans l’écrivain traducteur ; mais il faut observer que le mérite même d’une exécution parfaite ne compensera jamais que faiblement ce défaut d’harmonie première qui a dû exister entre l’original et son imitateur, et qui a déterminé le choix du dernier. […] On conçoit aisément que rien de commun, rien d’ordinaire ne peut sortir d’une réunion de circonstances extraordinaires, et que tout doit porter, dans les productions d’un tel écrivain, un caractère d’originalité qui peut faire époque, mais qui ne doit point servir d’exemple. […] On a beau dire avec Addisson, qu’il trouva la langue anglaise au-dessous de son sujet : Our language sunk under him , il ne s’ensuit pas moins qu’il n’a créé qu’un idiome barbare, et que notre Chapelain, de gothique mémoire, est parfois un écrivain élégant, harmonieux, en comparaison de Milton.
Ce plan n’est pas encore le style, mais il en est la base ; il le soutient, il le dirige, il règle son mouvement et le soumet à des lois ; sans cela, le meilleur écrivain s’égare, sa plume marche sans guide, et jette à l’aventure des traits irréguliers et des figures discordantes. […] Rien n’est plus opposé au beau naturel que la peine qu’on se donne pour exprimer des choses ordinaires ou communes d’une manière singulière ou pompeuse ; rien ne dégrade plus l’écrivain. […] Ces écrivains n’ont point de style, ou, si l’on veut, ils n’en ont que l’ombre : le style doit graver des pensées ; ils ne savent que tracer des paroles. […] Nous lisons dans le même écrivain : « Il y a dans le lucidus ordo d’Horace quelque chose de sidéral. […] Moïse, Homère, Platon, Virgile ne sont au-dessus des autres écrivains que par leurs expressions et leurs images. » (Caractères, chap.
La Bruyère a dit : « Balzac, pour les termes et pour l’expression, est moins vieux que Voiture : mais si ce dernier, pour le tour, pour l’esprit et pour le naturel, n’est pas moderne, et ne ressemble en rien à nos écrivains, c’est qu’il leur a été plus facile de le négliger que de l’imiter, et que le petit nombre de ceux qui courent après lui ne peut l’atteindre. » 1. […] Villemain a dit de Balzac : « Lorsque, fatigué de l’incorrection et de la dureté des écrivains du seizième siècle, on arrive à Balzac, et que l’on remarque la pompe majestueuse et savante de ses périodes, on explique, on justifie l’admiration de son siècle. […] L’heureuse combinaison des tours et la noblesse des termes sont entrés dans le trésor de la prose oratoire : l’exagération emphatique, le faux goût, la recherche, sont demeurés sur le compte de Balzac, et l’on n’a plus compris la gloire de cet écrivain, parce que les fautes seules lui restaient, tandis que ses qualités heureuses étaient devenues la propriété commune de la langue qu’il avait embellie. » 3.
Mais est-il bien vrai, dira-t-on sans doute, que l’Orateur doive éprouver les sentiments qu’il veut faire passer dans l’âme de ses auditeurs, puisqu’il y a tant d’écrivains qui n’avaient assurément pas les vertus qu’ils font aimer par leurs ouvrages ? […] Un écrivain peut donc être éloquent non seulement en prose, mais encore en vers. […] La justesse et la précision sont les deux principales qualités qui le caractérisent ; et ces qualités sont bien rares dans les écrivains. […] Il leur suffit d’en bien savoir les principes généraux, et de lire nos bons Écrivains, que je ferai connaître en exposant les règles des divers genres de littérature.
S’il a parfois forcé ses principes jusqu’à l’absurde, si le raisonnement n’est pas toujours chez lui la raison, on admire l’écrivain, même quand on résiste au penseur. […] L’écrivain vise trop ostensiblement à un effet de terreur. […] Mais si les coalitions, les réactions et les congrès ont bâti une France, les poëtes et les écrivains en ont fait une autre. […] Les puissants écrivains, les nobles poëtes, les maîtres éminents qui sont parmi vous, regardent avec douceur et avec joie de belles renommées surgir de toutes parts dans le champ éternel de la pensée.
Après Corneille sont venus, je ne dis pas de plus grands génies, mais de meilleurs écrivains ». […] Écoutez, jeunes écrivains, et pratiquez, s’il est possible, des conseils fondés sur la théorie la plus saine, et appuyés du nom le plus capable d’inspirer la confiance. […] « Rien, ajoute-t-il encore, n’est plus opposé au beau naturel, que la peine qu’on se donne pour exprimer des choses ordinaires ou communes d’une manière singulière ou pompeuse ; rien ne dégrade plus l’écrivain.
Cicéron compare l’orateur ou l’écrivain au chasseur qui doit d’abord s’orienter dans le champ qu’il va parcourir. […] Heureux l’orateur ou l’écrivain qui s’empare de ces mouvements du cœur fondés sur la raison ! […] Il faut donc bien se garder de courir après les idées paradoxales, comme tant d’écrivains qui croient atteindre par là l’originalité. […] Les écrivains médiocres n’ont pas la force d’être précis. […] Une autre cause agit également sur le style, c’est le caractère de l’écrivain ou de l’orateur.
L’art de bien dire, que nos grands écrivains du xviie siècle ont porté à un si haut point, et qui, comme le dit excellement Son Éminence le Cardinal Archevêque de Bordeaux, est si nécessaire aujourd’hui, est enseigné avec succès à la jeunesse des séminaires et des colléges par un ecclésiastique instruit et plein de goût, M. l’abbé Piron, ancien professeur de belles-lettres, dans un Cours complet de littérature, qui a obtenu l’approbation d’un très grand nombre d’évêques et de professeurs, tant ecclésiastiques que laïques. […] Même exactitude au point de vue des enseignements de la foi, même netteté dans le plan de l’ouvrage, même clarté dans la méthode, même justesse dans les définitions, même hommage rendu aux modèles parfaits que l’on trouve dans les écrivains sacrés. […] Je suis ravi que vous ayez combattu la théorie funeste de l’art pour l’art, en traçant avec fermeté le but moral du poète et de l’orateur, aussi bien qu’en donnant l’idée la plus pure et la plus haute de la noble mission de l’écrivain.
Mais ce qui contribua le plus à effacer la réputation de Patru, et à le reléguer dans la classe des écrivains estimés, mais peu lus, ce fut le célèbre Cochin, à qui il semblait réservé d’offrir aux Français le modèle le plus accompli de l’éloquence du barreau, et l’exemple, en même temps, de toutes les vertus qui doivent constituer l’avocat. […] Quelle est douce la tâche de l’écrivain qui recueille et qui transmet de.pareilles anecdotes !