/ 275
85. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre VI. — Différents genres d’exercices »

Elle admire ses traits, sa taille, tout en se figurant que c’est une autre jeune fille qu’elle aperçoit dans le miroir de l’onde. […] Quelques instants après, une naïade sort de l’eau, et s’adressant à la jeune éplorée, lui conseille d’attendre que l’eau redevienne calme pour qu’elle puisse retrouver ses traits dans ce miroir. […] Enfin elle sait reproduire les traits des êtres les plus chéris qui semblent encore vivre au milieu de nous, quand la mort les a enlevés à notre affection. […]  » Tels sont en général les différents traits qui constituent l’esprit dans les lettres et qui en rendent le style agréable. […] Les lettres de devoir exigent surtout la politesse, le ton du monde, le tact des convenances, des idées justes, les images vives ou agréables, des traits d’esprit sans recherche.

86. (1881) Cours complet de littérature. Poétique (3e éd.) « Poétique — Deuxième partie. De la poésie en particulier ou des différents genres de poésie — Seconde section. Des grands genres de poésie — Chapitre premier. Du genre lyrique » pp. 114-160

Les digressions sont de deux sortes : les unes sont des lieux communs, des pensées générales souvent susceptibles des plus grandes beautés poétiques ; les autres sont des traits de l’histoire ou de la fable qui ont quelque analogie avec l’objet qui concerne le poète, et que celui-ci emploie pour prouver ce qu’il a en vue. […] Tantôt ce sera une peinture qu’animeront les traits les plus vifs et les plus frappants, et que suivront de grandes et nobles idées rendues avec une singulière véhémence de style, comme dans ces strophes de l’Ode à la fortune, de Rousseau : Quels traits me présentent vos fastes… Juges insensés que nous sommes… Tantôt ce seront des comparaisons riches et multipliées qui nous présenteront les objets dans toute leur grandeur, dans toute leur beauté, comme celle que nous offre l’Ode aux princes chrétiens sur l’armement des Turcs : Comme un torrent fougueux… La Palestine enfin, après tant de ravages… Tantôt, ce sera un enchaînement de figures vives et saillantes qui donneront aux pensées un nouveau degré de force et d’élévation, comme on le voit dans un passage de l’ode Qualem ministrum : Quid debeas, ô Roma, Neronibus… cum laude victorem. […] Le poète peut, dans cette espèce d’ode, répandre avec grâce des traits de morale, et y entremêler de fines louanges. […] Il faut choisir pour sujet d’une cantate quelque trait historique ou fabuleux, d’où l’on puisse tirer naturellement des réflexions morales. […] Ainsi la Ligue et la Fronde firent éclore des milliers de chansons pleines de sel et de traits heureux.

87. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre XI. Grands poèmes. »

Les préceptes donnés sont d’ailleurs si excellents qu’on a nommé avec raison Boileau le Législateur du Parnasse ; et c’est ce qu’exprime Voltaire dans son Temple du goût, quand il dit : Là régnait Despréaux, leur maître en l’art d’écrire, Lui qu’arma la raison des traits de la satire, Qui, donnant le précepte et l’exemple à la fois, Établit d’Apollon les rigoureuses lois. […] Les mœurs seront ressemblantes, si la peinture qu’on fait d’un héros ne peut appartenir qu’à ce héros ; si on y joint les traits propres et individuels, c’est-à-dire qui ne conviennent qu’à lui seul et le distinguent de tout autre. […] Viens, parle, et s’il est vrai que la fable, autrefois, Sut à tes fiers accents mêler sa douce voix, Si sa main délicate orna ta tête altière, Si son ombre embellit les traits de ta lumière, Avec moi sur tes pas permets-lui de marcher, Pour orner tes attraits et non pour les cacher. […] A-t-elle pris les traits de Marmontel ? […] Mais, revenant à sa forme première, On la revoit sous les traits de Lemierre ; Elle s’y plaît, etc.

88. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — La Bruyère 1646-1696 » pp. 100-117

N’a-t-il pas dit : « Il faut rire avant d’être heureux, de peur de mourir sans avoir ri. » Observateur profond, et peintre de caractères, il excelle dans l’art d’attirer l’attention par des remarques soudaines, des traits vifs et pénétrants, des métaphores passionnées, des hyperboles à outrance, des paradoxes simulés, des contrastes étudiés, des expressions originales, de petites phrases concises qui partent comme des flèches, des allégories ingénieuses, et des morceaux d’apparat où l’esprit étincelle dans les moindres détails Le berger et son troupeau 1 Quand vous voyez quelquefois un nombreux troupeau qui, répandu sur une colline vers le déclin d’un beau jour, paît tranquillement le thym et le serpolet, ou qui broute dans une prairie une herbe menue et tendre2 qui a échappé à la faux du moissonneur, le berger, soigneux et attentif, est debout auprès de ses brebis ; il ne les perd pas de vue, il les suit, il les conduit, il les change de pâturage ; si elles se dispersent, il les rassemble ; si un loup avide paraît, il lâche son chien qui le met en fuite ; il les nourrit, il les défend ; l’aurore le trouve déjà en pleine campagne, d’où il ne se retire qu’avec le soleil. […] Il y a cependant quelques traits à ajouter : « Giton a toujours le teint frais, le visage plein… l’œil fixe et assuré, les épaules larges… la démarche ferme et délibérée… » Il est toujours “enjoué, grand viveur, impatient, présomptueux, colère, libertin…” Il se croit toujours des talents et de l’esprit ; mais il a de plus son système sur l’état de la société : il croit que les rangs sont bien distribués, que tout y est à sa place, hommes et choses : il est riche. […] Le poëte Santeuil aimait beaucoup les serins, et en avait sa maison remplie : quelques traits de ce caractère pourraient bien s’appliquer à lui. […] On suppose que les principaux traits de ce caractère s’appliquent au maréchal de Villeroi, dont Saint-Simon dit : « Incapable de toute affaire, même d’en rien comprendre par delà l’écorce… il se piquait néanmoins d’être fort honnête homme ; mais comme il n’avait point de sens, il montrait la corde fort aisément… On n’y trouvait qu’un tissu de fatuité, de recherche et d’applaudissement de soi, de montre de faveur et de grandeur de fortune. » (Chap. 392.)

89. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Montesquieu, 1689-1755 » pp. 235-252

Nerveux et rapide, son style condense les idées en des traits énergiques ou brillants. […] C’est en vain qu’une morale austère veut effacer les traits que le plus grand des ouvriers a gravés dans nos âmes : mieux vaut régler les sentiments de l’homme que les détruire. […] Voltaire appelle les Lettres persanes un ouvrage de plaisanterie, plein de traits qui annoncent un esprit plus solide que son livre. […] L’un a saisi quelques traits primitifs avec une force qui lui donne la gloire de l’invention ; l’autre, en réunissant tous les détails, a découvert des causes invisibles jusqu’à lui ; il a rassemblé, comparé, opposé les faits avec cette sagacité laborieuse moins admirable qu’une première vue de génie, mais qui donne des résultats plus certains et plus justes.

90. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XI. du corps de l’ouvrage. — narration, description  » pp. 146-160

Voyez comme il réduit les faits les plus compliqués à leur expression la plus simple, comme il y jette des traits de lumière, dès qu’il voit quelque embarras à éviter, quelque nuage à dissiper ; comme il suspend la curiosité pour la satisfaire à propos, enfin comme il sait en même temps faire servir à l’ornement de la narration tout ce qu’il emploie pour l’éclaircir. […] Dans la pompeuse cérémonie de l’apothéose de Vespasien, Bérénice ne voit que Titus ; mais tous les traits épars de la description ne viennent se concentrer sur lui que pour en rayonner ensuite et illuminer tout ce qui l’environne : De cette nuit, Phénice, as-tu vu la splendeur ? […] Ces flambeaux, ce bûcher, cette nuit enflammée, Ces aigles, ces faisceaux, ce peuple, cette armée, Cette foule de rois, ces consuls, ce sénat, Qui tous de mon amant empruntaient leur éclat ; Cette pourpre, cet or, que rehaussait sa gloire, Et ces lauriers encor témoins de sa victoire : Tous ces yeux qu’on voyait venir de toutes parts Confondre sur lui seul leurs avides regards… Dans le sac de Troie, Andromaque ne voit que Pyrrhus, le suit partout des yeux, et à mesure qu’elle le suit, les objets se lèvent en quelque sorte, mais vagues et confus, autour du meurtrier d’Hector, dont les traits seuls sont fermes et bien accusés : Songe, songe, Céphise, à cette nuit cruelle Qui fut pour tout un peuple une nuit éternelle ; Figure-toi Pyrrhus, les yeux étincelants, Entrant à la lueur de nos palais brûlants, Sur tous mes frères morts se faisant un passage, Et de sang tout couvert, échauffant le carnage.

91. (1867) Rhétorique nouvelle « Introduction » pp. 2-33

Les peuples, comme les individus, changent de traits et de caractère aux différents âges de leur vie. […] Vous le rencontrez, sa figure parle ; l’horreur, la colère, la pitié sortent de tous ses traits. […] Exercez-vous fréquemment à la parole dans la société des jeunes gens de votre âge : des discussions sur des points de droit, des improvisations sur des questions générales ayant trait à la politique, à la morale, à la science, à la philosophie, sont une excellente gymnastique oratoire.

92. (1868) Morceaux choisis des écrivains contemporains à l’usage des classes supérieurs de l’enseignement classique et spécial. Prose et poésie

Notre ambition eût été d’esquisser le portrait de nos contemporains d’un trait juste et rapide. […] Un mot suffira parfois à mettre dans son vrai jour un trait, une beauté de situation qui n’eût pas arrêté l’esprit du lecteur. […] Déjà les Francs sont à la portée du trait de nos troupes légères. […] Que de traits se sont gravés dans la mémoire populaire, et sont devenus, si l’on peut dire, comme les proverbes de l’héroïsme français ! […] Au premier abord nul trait ne fait saillie et n’arrête le regard.

93. (1875) Les auteurs grecs expliqués… Aristote, Poétique « Commentaire sur la Poétique d’Artistote. — Chapitre VI. » pp. 89-94

La Fontaine a inséré à la fin du premier livre de sa Psyché une comparaison de la comédie et de la tragédie, qui mérite encore aujourd’hui d’être lue pour quelques observations délicates et quelques traits ingénieux. […] Le simple trait d’une figure.]

94. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Le Sage 1668-1747 » pp. 139-143

La légèreté dans le comique, une ironie tempérée de belle humeur et de bonhomie, l’agilité du récit, des mots vifs et piquants, nulle prétention, l’horreur du solennel et du faux, le bon sens, la franchise, le naturel, une langue nette et saine : tels sont ses traits distinctifs. […] Ce cavalier2 por trait une longue rapière1, et pouvait bien2 avoir trente ans.

95. (1867) Rhétorique nouvelle « Première partie. L’éloquence politique » pp. 34-145

Les huées du peuple le reconduisaient jusqu’à sa maison, et les traits des comiques le clouaient au ridicule pour le reste de ses jours. […] Ces rudes ouvriers de l’indépendance grecque ont au cœur, imprimés en traits de feu par l’éducation, le respect des dieux qui les ont protégés contre les barbares et l’amour de la liberté qu’ils ont achetée au prix de tant de sacrifices. […] J’ai essayé de faire revivre devant vos yeux des types d’hommes dont il ne nous reste plus qu’un nom et quelques rares traits, pieusement recueillis par leurs contemporains. […] C’est sur elle, autant que sur Philippe, qu’il faisait tomber les traits les plus perçants de son éloquence. […] Non, il manque un trait à mon esquisse, un trait nécessaire et sans lequel ce personnage serait peut-être le plus parfait des orateurs d’Athènes, mais non l’idéal de l’orateur politique.

96. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre premier. Éléments généraux du Goût et du Style. — Chapitre IV. Du Beau et des Plaisirs du Goût. »

Regardez cette tête, où la Divinité Semble imprimer ses traits. […] On peut observer qu’il est certaines qualités de l’âme, qui, exprimées par les traits du visage, ou par des mots, ou par des actions, nous font éprouver une sensation égale à celle de la beauté.

97. (1875) Les auteurs grecs expliqués… Aristote, Poétique « Commentaire sur les extraits des problèmes » pp. -144

Pourtant, il y a encore dans ce développement bien des traits obscurs qui ne paraissent pas tenir à la corruption du texte, mais à la négligence de la rédaction d’Aristote. […] Les traits de l’humanité.]

98. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Chapitre XI. Poésies fugitives. »

L’épigramme en vers a une exposition destinée à amener la pointe ou bon mot qui la termine ; cette pointe doit être un trait d’esprit piquant, quelquefois un jeu de mots. […] L’épitaphe, ou inscription tumulaire, est un trait de louange, quelquefois de morale ou de satire placé sur un tombeau.

99. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XII. du corps de l’ouvrage. — portrait, dialogue, amplification  » pp. 161-174

Voyez le chef-d’œuvre de Molière, le double portrait si savamment tracé de l’espèce faux dévot et de l’individu Tartufe ; voyez le Misanthrope qui, à défaut d’intrigue, est une admirable galerie de portraits ; étudiez la manière du peintre, ce n’est en général qu’une simple esquisse, quelques traits énergiques, ineffaçables, deux ou trois touches qui déterminent une physionomie. […] Il faut ensuite que le portrait ressemble, que l’énergie et l’originalité du pinceau en fassent bien saisir les traits et les grave dans la mémoire. […] N’allez pas exagérer le vice ou la vertu, la beauté ou la laideur, au point que le lecteur se récrie et déclare votre création impossible ; et d’une autre part cependant, que la figure soit assez originale et les traits assez bien accusés pour que l’imagination les accepte à l’instant, et que la mémoire les retienne fidèlement.

100. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Villemain. Né en 1790. » pp. 479-491

Quelquefois l’enthousiasme même des lettres peut lui inspirer une sorte d’impatience et de dépit à la lecture d’un ennuyeux et ridicule ouvrage ; mais l’habitude corrigera bientôt l’amertume de son zèle ; il s’apercevra qu’il est inutile d’épuiser tous les traits du sarcasme et de l’insulte contre un pauvre auteur, dont les exemples n’ont pas le droit d’être dangereux2. […] C’est là que nous apparaît le trait distinctif du siècle de Louis XIV, l’esprit religieux, non ce faux zèle, cette pieuse imposture, dont Molière vengeait la société, mais un esprit grave et sincère, nourri par la méditation et l’étude, illustré souvent par de touchants sacrifices, puissant même au milieu des faiblesses et des vices, et porté dans quelques âmes jusqu’à la vertu la plus sublime. […] Quand la vérité du jour ou du moment devenait difficile à aborder en face, vous l’avez quelquefois adroitement tournée, et vous avez dû prendre les nuances au lieu de grands traits, sachant faire applaudir même ce que vous ne disiez pas.

101. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre X. Petits poèmes. »

Dans le dernier cas, on a le plaisir de la deviner ; dans le premier, celui de comparer les divers traits du récit avec le résultat. […] Il ne s’est donc pas contenté de raconter : il peint, et souvent d’un seul trait. […] Elle ne souffre point d’ornements recherchés : une élégante simplicité, une plaisanterie aimable, un badinage léger, de la vivacité, des saillies, des traits d’esprit, mais qui paraissent n’avoir rien coûté, voilà ce qui doit en faire le plus bel agrément. […] Elle montre aux hommes des portraits généraux, dont les traits sont empruntés de différents modèles : c’est au spectateur de prendre la leçon lui-même, de s’instruire, s’il le juge à propos. […] Ces derniers, qu’on appelait Silènes, parlaient toujours avec sagesse et gravité ; les jeunes étaient faits pour égayer la scène par des plaisanteries, des traits piquants, quelquefois par des bouffonneries et des grossièretés.

/ 275